Le Monde.fr | 19.03.2014 à 07h09 • Mis à jour le 19.03.2014 à 07h16 | Par Marc Roche (Londres, correspondant)
Le premier ministre britannique David Cameron, le 6 septembre à Saint Saint-Pétersbourg.
« Notre politique économique fonctionne, mais le travail est encore loin d'être accompli ». Cette déclaration du ministre britannique des finances, George Osborne trois jours avant la présentation, mercredi 19 mars, du budget 2014-2015, souligne le bilan mitigé de celui qui, architecte de l'austérité au sein de la coalition conservateurs-libéraux démocrates au pouvoir depuis 2010, se targue d'être l'artisan du retour à la croissance et de la baisse du chômage et de l'inflation.
La cinquième loi de finance que présente le chancelier de l'Echiquier du gouvernement de David Cameron est l'avant-dernière avant les élections générales qui doivent se dérouler au plus tard à la mi-2015. « Nous avons encore beaucoup de décisions difficiles » à prendre, a prévenu M. Osborne.
Revue de détail des points positifs et négatifs du bilan, et des dossiers encore à traiter,
Les points positifs
M. Osborne peut se targuer d'avoir sorti l'économie britannique de l'ornière, comme le montre la progression de 1,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2013.
Sous sa houlette, le royaume a renoué avec la croissance, la plus rapide du monde développé. Après la stagnation de 2012, la reprise apparaît bien engagée.
Les entreprises tournées vers le marché intérieur ont profité de la hausse de la consommation, conséquence du retour à la confiance des ménages. Une forte création d'emplois a fait reculer le chômage, tombé à son plus bas niveau (7,1 % en novembre) depuis la crise financière de 2008.
Malgré la hausse des prix des produits alimentaires et de l'énergie entre mai 2010 et janvier 2014, l'inflation est retombée à 2 %, l'objectif fixé par l'équipe travailliste en 2009.
Surtout, le grand argentier a su tirer profit de la politique monétaire accommodante de la Banque d'Angleterre qui lui a permis de compenser l'effet négatif de la rigueur sur la croissance.
Les taux d'intérêt au plus bas (0,5 %) ont fourni l'oxygène aux foyers endettés à taux variable et l'injection massive de liquidités (quantitative easing) destinée à soutenir l'activité ont fortement facilité la tâche.
Les points noirs
Malgré la reprise, le Royaume-Uni n'a toujours pas retrouvé le pic de croissance du PIB (3,2 %) lors du premier trimestre 2008. La dégradation des finances publiques est surtout le grand échec du chancelier. Même s'il est réduit de moitié par rapport au sommet de 11,4 %du PIB en 2009/2010, le déficit public reste substantiel, à 6,3 % du PIB. La dette publique s'élève à 91,4 % du PIB, contre 67,1 % en 2009.
Deux raisons expliquent ce gonflement. Tout d'abord, la hausse des prestations sociales et des indemnités de chômage a été plus forte que prévu en raison de la politique drastique de rigueur menée par le gouvernement britannique.
Ensuite, les rentrées fiscales ont baissé, à la fois à cause de la récession et des dégrèvements d'impôts. La durée du programme de consolidation budgétaire a dû être étendue de deux ans, jusqu'en 2018/2019. En outre, le programme d'austérité a rencontré de plus vives résistances que prévu.
La marge de manœuvre du chancelier pour réaliser les économies prévues est limitée par le calendrier électoral et par les résistances de l'allié libéral-démocrats aux coupes sombres dans les budgets sociaux.
Autre point noir, les exportations ont souffert de la langueur de l'économie mondiale et de la faible productivité de la main d'œuvre. La baisse de la livre sterling n'a pas eu l'effet escompté sur le déficit commercial élevé.
Enfin, faute d'une augmentation des salaires en termes réels, les ménages ont puisé dans leur épargne pour financer leurs dépenses après s'être désendettés.
Les chantiers encore ouverts
Le gouvernement doit faire face, compte tenu de sa politique d'austérité, à une forte augmentation des inégalités.
Il est également confronté à la menace d'une « bulle » immobilière - en particulier à Londres - encouragée notamment par le programme de soutien aux achats des primo accédants, par la boulimie d'acquisitions des étrangers et par le manque de logements.
« Nous n'exportons pas assez, n'investissons pas assez, ne construisons pas assez et ne fabriquons pas assez », a aussi énuméré M. Osborne dimanche 16 mars.
L'investissement reste terne, ce qui accroît les disparités entre le nord industriel et le sud des services. Le projet très controversé de construction d'une ligne ferroviaire à grande vitesse reliant Londres à Birmingham et au-delà qui doit désenclaver les Midlands et le Nord est très controversé.
Après les scandales du partenariat privé-public, le financement des infrastructures de transport doit être revu pour mobiliser les caisses de retraite et les fonds souverains qui disposent de capitaux considérables.
Enfin, les restrictions à l'immigration non européenne pénalisent le recrutement de personnel hautement qualifié, en particulier du sous-continent indien et de Chine.
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