LE MONDE | 19.02.2014 à 12h18
Bercés par l'illusion qu'il ne se passerait rien en Ukraine avant la fin des Jeux olympiques de Sotchi, les Occidentaux se sont réveillés, mercredi 19 février, avec les images terrifiantes du centre de Kiev à feu et à sang – littéralement.
Après trois mois de face-à-face entre une opposition pro-européenne, dont la mobilisation n'a pas faibli, même au plus froid de l'hiver, et un régime poussé par Moscou qui joue la politique du pire, la violence semble avoir atteint un point de non-retour. La mort d'au moins 25 personnes depuis mardi, en majorité parmi les manifestants, mais aussi dans les rangs des forces de sécurité, et le sort dramatique de centaines de blessés ont radicalisé les positions des uns et des autres. Aujourd'hui, à Kiev, plus personne ne fait plus confiance à personne.
La situation dans la capitale et au-delà, dans plusieurs régions d'Ukraine, est aujourd'hui hautement volatile et excessivement dangereuse. Ex-république soviétique, l'Ukraine compte de nombreux anciens militaires formés au combat. C'est aussi un pays de 45 millions d'habitants dans lequel circulent beaucoup d'armes.
Lire les réactions Même divisée, l'UE n'exclut pas des sanctions contre l'Ukraine
http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/02/19/l-europe-n-exclut-pas-des-sanctions-contre-l-ukraine_4369246_3214.html
Les dirigeants de l'opposition, divisés sur la stratégie à suivre, ont de moins en moins de prise sur ce qui est devenu un mouvement insurrectionnel. Quant au président Viktor Ianoukovitch, dont le comportement ne laisse de surprendre, après son congé maladie il y a deux semaines il s'est mis mardi soir aux abonnés absents en refusant de répondre au téléphone à la chancelière Angela Merkel et au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso.
Lors d'un précédent entretien téléphonique, fin janvier, après les premiers morts de cette crise, M. Barroso avait menacé le président ukrainien de sanctions si la répression se poursuivait. L'heure est évidemment venue pour l'Union européenne (UE) de mettre la menace à exécution et d'imposer ces fameuses sanctions. Des sanctions ciblées, personnelles, visant les dirigeants responsables de la répression et leurs avoirs placés dans des capitales européennes, notamment Vienne, Londres et Nicosie, sont à présent indispensables.
Le problème est que, bien qu'indispensables, ces sanctions sont sans doute déjà dépassées. La crise est dans une spirale ascendante, pour les Ukrainiens et pour l'Europe. Personne, ni à Bruxelles ni à Moscou, n'est aujourd'hui en mesure d'en prédire l'issue. Mais si l'on veut aider les Ukrainiens à retrouver eux-mêmes le chemin du dialogue, il est essentiel que l'UE parle, enfin, d'une seule voix, et d'une voix ferme.
La cacophonie des réactions des capitales européennes à la tournure dramatique prise par les événements mardi soir est indigne. La question n'est pas de faire à l'Ukraine des promesses intenables, elle est de réaffirmer, avec force et unité, les valeurs qui fondent l'Union et pour lesquelles des centaines de milliers d'Ukrainiens se battent depuis trois mois. Il faut se servir des moyens de pression dont l'Europe dispose. C'est le minimum que l'on attendait, mercredi, d'Angela Merkel, de François Hollande et de José Manuel Barroso, fort opportunément réunis à Paris.