Le Monde.fr | 16.02.2014 à 13h58 • Mis à jour le 17.02.2014 à 13h40 | Par Benjamin Barthe
Les étrangers ne sont désormais plus épargnés par la vague de violences qui touche l'Egypte depuis le renversement du président Mohamed Morsi, au mois de juillet 2013. Dimanche 16 février, l'explosion d'une bombe dans un bus de touristes, dans le Sinaï, a causé la mort de trois pèlerins sud-coréens ainsi que celle de leur chauffeur égyptien.
Cette opération, qui n'a pas été revendiquée pour l'instant, constitue le premier attentat d'envergure contre des cibles étrangères depuis 2006, date d'une attaque dans la station balnéaire de Dahab, dans le sud du Sinaï, où 23 personnes avaient perdu la vie.
La déflagration est survenue alors que le bus, transportant des membres d'une Eglise chrétienne sud-coréenne, s'apprêtait à franchir le poste-frontière de Taba, entre le Sinaï et Israël. Selon les autorités égyptiennes, l'engin explosif, dissimulé à l'avant de l'autocar, aurait été déclenché par téléphone portable. L'ambassadeur sud-coréen en Egypte a affirmé pour sa part qu'il s'agissait d'un attentat-suicide, « un homme d'une vingtaine d'années » étant, selon lui, monté subitement dans le bus, juste avant l'explosion. Séoul s'est dit « choqué et furieux » par cette attaque.
DES CENTAINES DE MORTS DANS CETTE ZONE DEPUIS 6 MOIS
Outre les quatre victimes, celle-ci a également fait 15 blessés, qui ont été transférés dans un état stable à l'hôpital de Charm el-Cheikh, à la pointe sud du Sinaï.
Faute de revendication, les soupçons se portent sur Ansar Beït Al-Makdess, un groupe djihadiste disant s'inspirer d'Al-Qaida, à l'origine d'une grande partie des attaques perpétrées ces six derniers mois contre les forces de sécurité égyptiennes. Ce mouvement assure agir en représailles à la répression tous azimuts menée contre les partisans de M. Morsi par le pouvoir central, incarné par le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, le ministre de la défense, à qui les sondages promettent une victoire facile lors de l'élection présidentielle du printemps.
Lire le reportage : Egypte : trois ans après la révolution, un anniversaire au goût amer
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/01/26/trois-ans-apres-la-revolution-egyptienne-un-anniversaire-au-gout-amer_4354617_3212.html
CARNAGE DE LOUXOR EN 1997
L'attaque de Taba ranime le souvenir des deux vagues de violences qui ont frappé de plein fouet l'industrie touristique égyptienne : celle des années 1990, l'oeuvre du groupe islamiste armé Gamaa Islamiya, qui a culminé dans le carnage de Louxor en 1997, fatal à 58 Européens ; et celle du milieu des années 2000, qui avait visé ces hauts lieux du tourisme balnéaire que sont Dahab, Taba et Charm el-Cheikh, l'une des perles des tour-opérateurs au Proche-Orient. En février 2009, une Française avait été tuée par l'explosion d'une grenade en bordure du Khan Al-Khalili, le vieux souk du Caire.
La mort des Sud-Coréens est-elle le prélude à un nouvel épisode de terrorisme contre les étrangers ? Dans la presse égyptienne, les analyses divergent. Certains commentateurs estiment que l'attaque de dimanche est une opération ponctuelle, fruit d'une faille dans le dispositif sécuritaire du Sinaï. D'autres pensent qu'elle préfigure un changement de stratégie de la part des groupes djihado-mafieux qui pullulent dans la péninsule. Une chose est sûre : le tourisme égyptien, qui a traversé en 2013 l'une des pires années de son histoire, commence 2014 de la plus mauvaise des manières.