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Les derniers instants de Saddam Hussein : entre fascination et répulsion
Publié le 27 décembre 2013 à 11:19 Mouaffak al-Rubaïe, ancien conseiller à la sécurité nationale, pose le 23 décembre 2013 dans son bureau de Kadhmiyah à côté du buste de de Saddam Hussein avec la corde qui l'a pendu autour du cou
Dans son bureau où trône un buste de Saddam Hussein avec la corde qui l’a pendu autour du cou, Mouaffak al-Rubaïe se souvient du moindre détail des derniers instants de l’ex-dictateur irakien, exécuté à l’aube du 30 décembre 2006.Cet ancien conseiller à la sécurité nationale répète que si Saddam Hussein méritait mille fois la mort, il a aussi fait preuve de courage.
«Il était normal et décontracté, et je n’ai vu aucun signe de peur. Bien sûr certains voudraient que je dise qu’il s’est effondré, ou qu’il était drogué, mais il s’agit de la vérité historique», ajoute-t-il en recevant l’AFP dans son bureau de Kadhmiyah, dans le nord de Bagdad, près de la prison où l’exécution a eu lieu.
«C’était un criminel? C’est vrai. Un meurtrier? Vrai. Un boucher? Vrai. Mais il est resté fort jusqu’au bout (...) Je n’ai pas entendu le moindre regret de sa part, je ne l’ai pas entendu implorer la pitié de Dieu, ou demander pardon», raconte-t-il.
Président de 1979 jusqu’à l’invasion américaine en 2003, Saddam Hussein a été condamné et exécuté pour crimes contre l’humanité pour la mort de 148 chiites à Dujaïl en 1982.
Bien que son règne ait été marqué par une répression brutale, des guerres dévastatrices et de sévères sanctions internationales, certains Irakiens, en particulier sunnites, lui restent attachés, essentiellement pour les périodes de stabilité que le pays n’a plus connues depuis sa chute.
Au-delà des frontières irakiennes, certains Arabes ont une haute considération pour l’homme qui a fait la guerre à l’Iran (1980-1988), tenu tête aux Etats-Unis, frappé Israël (1991) et fait preuve de dignité face à la mort.
'Un sentiment étrange'«Il était menotté et tenait un Coran», raconte M. Rubaïe. «Je l’ai conduit dans la salle du juge, qui a lu la liste des chefs retenus pendant que Saddam répétait 'Mort à l’Amérique! Mort à Israël! (...) Mort au mage perse!», se souvient l’ancien responsable.
Il l’a ensuite amené dans la pièce où il devait mourir.
Comme ses pieds étaient entravés, il a fallu le tirer pour lui faire monter les marches.
Mais juste avant sa mort, comme l’a montré une vidéo pirate, des témoins l’ont insulté en criant «Vive l’imam Mohammed Baqr al-Sadr !» et «Moqtada! Moqtada!», en référence à un opposant tué sous Saddam Hussein et à son neveu, devenu après 2003 le chef d’une puissante milice chiite.
«Est-ce là un comportement d’homme?», a répliqué l’ancien dictateur.
M. Rubaïe raconte qu’il a alors actionné le levier pour pendre Saddam Hussein, mais comme il n’a pas fonctionné, c’est une autre personne, dont il n’a pas précisé l’identité, qui a pris la relève.
Juste avant de mourir, Saddam Hussein avait commencé à réciter la profession de foi musulmane: «J’atteste qu’il n’y a de vrai dieu que Dieu et que Mahomet...», mais il n’a pas eu le temps de prononcer les derniers mots »... est son prophète».
Le corps a ensuite été placé dans un sac blanc et déposé sur une civière, avant d’être transporté dans un hélicoptère américain vers la résidence du Premier ministre Nouri al-Maliki, dans la Zone Verte ultra-sécurisée au coeur de Bagdad.
«Je me rappelle clairement que le soleil commençait à se lever» pendant que l’hélicoptère survolait Bagdad, raconte M. Rubaïe.
A l’arrivée, «le Premier ministre nous a pris les mains et nous a dit 'Dieu vous bénisse'. Je lui ai dit 'Vas-y, regarde-le'. Il a donc dégagé son visage et a vu Saddam Hussein», ajoute l’ancien conseiller, qui reste un proche allié du Premier ministre.
«Il a commis des crimes innombrables et il méritait d’être pendu mille fois, de revivre et d’être pendu à nouveau. Mais le sentiment, ce sentiment est un étrange sentiment», répète Mouaffak al-Rubaïe, emprisonné à trois reprises sous le règne de Saddam Hussein. «La mort emplissait la pièce».
Selon M. Rubaïe, l’exécution a été décidée après une vidéoconférence entre M. Maliki et Georges W. Bush, alors président américain, qui a demandé au Premier ministre: «Qu’allez-vous faire de ce criminel?«b«Nous allons le pendre», a déclaré M. Maliki, ce à quoi M. Bush a levé le pouce en signe d’approbation, selon l’ancien conseiller.
Quelques jours plus tard, face à la polémique suscitée par la vidéo pirate, M. Bush a cependant reconnu que l’exécution aurait dû être menée «de manière plus digne».