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Centrafrique : les soldats français dans la rue, cinq soldats tchadiens tués
Publié le 26 décembre 2013 à 08:46 (Mis à jour : 26 décembre 2013 à 11:01)
Une femme et son enfant passent à côté d'une patrouille de l'armée française, le 26 décembre 2013 à Bangui.
La tension régnait toujours jeudi matin dans la capitale centrafricaine Bangui, en partie quadrillée par les soldats français au lendemain d’une journée de violences et d’anarchie au cours de laquelle cinq soldats tchadiens de la force africaine (Misca) ont été tués.
«J’ai appris que cinq soldats tchadiens ont été tués», a annoncé jeudi Eloi Yao, un porte-parole de la Misca, une force de près de 4.000 hommes déployés au côté des 1.600 militaires français de l’opération Sangaris.
«Hier (mercredi), la ville était dans la confusion totale, et cette confusion a duré jusqu’à la fin de la soirée, nous essayons aujourd’hui de comprendre ce qui s’est passé», a expliqué M. Yao.
Mercredi, des tirs d’origine indéterminée pendant toute la journée, ponctués de détonations, avaient semé la panique dans les quartiers nord de la capitale puis près de l’aéroport, sécurisé par les Français et où sont basés les hommes de Sangaris et les différents contingents de la Misca.
Ces violences avaient provoqué la fuite de milliers d’habitants désemparés, dont beaucoup sont venus se réfugier en famille aux abords de l’aéroport, où s’agglutinent déjà dans la plus grande précarité des dizaines de milliers de déplacés.
L’origine de ces affrontements, leur bilan humain et les belligérants impliqués restent pour le moment inconnus.
Les affrontements ont progressivement cessé avec la tombée de la nuit qui a été relativement calme et ponctuée seulement de quelques rafales sporadiques. Jeudi matin, le calme était revenu à Bangui et les artères menant à l’aéroport étaient largement investies par l’armée française, dont les nombreux véhicules blindés et de transport de troupes bordent les avenues. Des soldats français menaient des opérations de fouille dans les quartiers proches de l’aéroport.
Douilles sur le bitumeDes habitants commençaient à sortir timidement de chez eux. Au sol, sur le bitume ou dans la poussière, des douilles de mitrailleuse lourde témoignaient des affrontements de la veille.
Des tirs sporadiques ont été signalés dans le 5e arrondissement, à la limite du centre-ville en direction de l’aéroport, a constaté l’AFP.
Comme à chaque pic de violences, plusieurs versions circulaient à Bangui sur les évènements des dernières 24 heures. Selon des habitants de différents quartiers, interrogés au téléphone par l’AFP, des miliciens «anti-balaka» (milices d’auto-défense chrétiennes) auraient attaqué des soldats du contingent tchadien dans le quartier Gobongo, non loin de l’aéroport. Des militaires du contingent burundais auraient également été pris à partie.
Toujours selon des habitants, des éléments de l’ex-rébellion Séléka (au pouvoir) auraient pris part aux affrontements. Ces affirmations n’ont pas été confirmées.
Temporairement évacués mercredi de l’hôpital communautaire, principal établissement hospitalier de Bangui, les personnels de Médecins sans frontières (MSF) ont repris leur travail sur place jeudi, selon un responsable de l’organisation, qui a dit craindre un nouvel afflux de blessés.
Un habitant du PK5, un quartier mixte à dominante musulmane près de l’aéroport, a fait état de plusieurs personnes tuées par des «anti-balaka» infiltrés dans le secteur. Les corps des victimes, dont il n’a pas précisé le nombre, ont été rassemblées dans une mosquée du quartier.
Un millier de personnes ont été tuées depuis le 5 décembre à Bangui et en province, dans les attaques des milices «anti-balaka» (anti-machette, en langue sango) et dans les représailles de la Séléka contre la population.
Un allié tchadien devenu encombrant
Après un court répit, les violences ont repris dans la capitale en fin de semaine dernière, montant en puissance au fil des jours. Les soldats français de Sangaris et les troupes de la Misca peinent visiblement à éteindre l’incendie qui continue de couver, dans une ville toujours minée par les haines confessionnelles, où beaucoup de chrétiens -victimes pendant des mois des exactions des Séléka- ont soif de vengeance contre les ex-rebelles et les civils musulmans qui leur sont désormais associés.
La tâche des Français est rendue plus compliquée encore par l’attitude et les ambiguïtés de son allié tchadien, puissance régionale traditionnellement très influente en Centrafrique, et partenaire incontournable de Paris pour rétablir la sécurité dans le pays.
Avec 850 hommes, aguerris et bien équipés, le contingent tchadien est omniprésent à Bangui. Il y joue le rôle de protecteur de la minorité musulmane, mais également du pouvoir du président (et ex-chef rebelle) Michel Djotodia.
Les Centrafricains accusent régulièrement les Tchadiens de soutenir les ex-rebelles Séléka -dont certains sont originaires du Tchad- qui ont renversé le président François Bozizé en mars, et fait subir pendant des mois aux civils leur loi d’airain. Ces militaires tchadiens ont été impliqués récemment dans plusieurs incidents, dont des tirs fratricides sur leurs collègues burundais de la Misca, qui ont suscité des interrogations et le ressentiment croissant des Banguissois.
Mercredi, la Misca avait annoncé le prochain départ de Bangui des troupes tchadiennes et leur redéploiement vers le nord du pays, frontalier du Tchad. Au moins 23 soldats tchadiens ont été tués en Centrafrique depuis le déploiement des troupes de N’Djamena dans le pays, selon un décompte de l’AFP.