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Samedi, 30 Novembre 2013 09:50
Islam de France : Ces Français devenus des intégristes musulmans
Par : Michel Fourriques
Il ne faut jamais oublier que l’islam est une religion de paix et du vivre-ensemble qui n’a rien à voir avec les caricatures qu’en donnent les intégristes musulmans.Nous pouvons, et devons, rêver à un “islam de France” intégré aux valeurs de la République. Cet islam là est nécessaire, entre autres, pour que des enfants de France ne deviennent plus à l’instar d’un Mohamed Merah, des ennemis de notre République en sombrant dans l’intégrisme musulman.
Leur origine socialeIl n’y a plus de profil type. Ce sont souvent des êtres qui, à l’origine, ne sont pas spécialement croyants. Ils ont cependant un point commun : le désespoir et la colère. Ils deviennent, quelle que soit leur origine sociale, des intégristes musulmans, soit par identification (La preuve en est l’aspect très superficiel de leur apprentissage religieux. Dans les quartiers, les conversions sont rarement l’aboutissement d’une démarche spirituelle) et/ou par rejet de la société. Ce sont souvent des enfants de familles déstructurées ou monoparentales.
Ceux qui ne sont pas encore convertis à l’islamCertains se convertissent et “épousent” l’islam. C’est un moyen pour eux d’éviter la “relégation”, liée à son origine française, tout en acquérant des formes de prestiges symboliques : une respectabilité et une notabilité sociale fondée sur l’Islam. En effet, c’est une jeunesse qui a des problèmes sociaux ou d’identité et qui les mélange avec la religion. Nombreux, également, sont les “paumés” qui rejoignent l’islam sans pour autant laisser tomber la délinquance. On parle “d’islamobanditisme”. Les conversions sont aussi en pleine expansion dans les milieux favorisés. Ils sont sensibles aux manques du catholicisme et sur la spiritualité que recèle le Coran. De plus, nous sommes dans un contexte où Mohamed Merah a gagné une image romantique auprès de certains.
Notons que jusqu’aux années 1980, les conversions concernaient essentiellement une élite en quête de spiritualité ou d’orientalisme (ex : Maurice Béjart).
Ceux qui sont déjà musulmansLes enfants de la 3e et 4e génération françaises sont déstructurés. Il s’agit d’une déstructuration essentiellement identitaire. Identitaire parce qu’ils se sentent Français alors qu’ils sont vus, trop souvent, comme Algérien, Marocain… . Cela les pousse à se restructurer autour de l’Islam.
Il y a aussi les petits délinquants convertis et “autoradicalisés” à l’école du cyber-djihadisme,. Pour le professeur d’Islamologie, Mathieu Guidère (V., Les nouveaux terroristes, Autrement, 2010), l’affaire Merah a fait sauter un verrou, celui du passage à l’acte.
La conversion à l’islam radicalLes musulmans se servent des problèmes de société pour tendre vers une radicalité qui s’aggrave au fil du temps. De nombreux quartiers ont un point commun : ils constituent des enclaves dans la République où s’épanouissent les deux aspects du mal français : délinquance et rejet du pacte national porté par un islam radical. Abandonnées par l’État, des citées déshéritées ont été reprises en main par des “barbus”. La rencontre avec l’islam radical se fait via la rencontre avec des militants du tabligh (tabligh signifie “la propagation”), mouvement fondamentaliste et prosélyte. Il déballe leurs livres : Les substances impures dans l’islam, les Fatwas des savants, “MUSLIM” et les ouvrages d’Ibn Taymiyya, un kurde musulman du XIIIe siècle, connu pour inspirer les mouvements salafistes radicaux. Ce mouvement dit inoffensif harangue les jeunes désoeuvrés en leur disant que l’islam est la solution. On les surnomme d’ailleurs les “témoins de Jéhova de l’islam” pour leur manière de faire du porte-à-porte dans les quartiers populaires, avec des discours simplistes. Ces missionnaires sont aussi les BCBG, abréviation de “barbe-chapelet-bâton de siwak-gandoura”. Créé dans les Indes britanniques, dans les années 1920, le mouvement est apolitique, quiétiste et conservateur. Il vise essentiellement le retour à la pratique religieuse et le renforcement du lien communautaire pour éviter la dissolution des musulmans dans la société moderne. Implantés en France depuis les années 1970, ils ont participé à la réislamisation des immigrés de la première génération, mais sont aujourd’hui en perte de vitesse face au salafisme.
Désormais, les conversions à un islam radical passent moins souvent par le tabligh. En effet, ce sont les salafistes qui ont le vent en poupe. D’essence wahhabite, c’est la branche la plus fondamentaliste et la plus puritaine de l’islam. Le wahhabisme prône une lecture littérale et stricte du dogme sunnite. Le salafisme compterait entre 1 000 et 1 200 fidèles en France. Il prétend revenir aux sources pour recouvrer la pureté originelle.
Les salafistes se réfèrent aux savants que l’on appelle “les gens du rappel” comme Ibn Handal qui dès le VIIIe siècle joua un grand rôle dans la défense de la tradition. On distingue les salafis “quiétistes”, non violents et largement majoritaires des salafis “djihadistes” qui soutiennent l’attaque à “l’ennemi proche”, c’est-à-dire les dirigeants des pays faussement musulmans, mais aussi l’ennemi “lointain” (ex : les États-Unis). Dans la pratique, beaucoup de jeunes sont passés de la délinquance “laïque” à la délinquance “religieuse”. En effet, souvent, dans les quartiers, l’esprit de bande mute. Le chef délinquant cherche à devenir le chef spirituel. Convertis à l’islam radical par le tabligh ou par le salafisme, ils ne se reconnaissent que dans le Coran et tiennent la loi française pour illégitime et certains basculent même dans le djihadisme.
Dans le milieu carcéralKhaled Kelkal, principal responsable de la vague d’attentas en 1995, est entré en contact avec l’islam radical en prison. Dans nos prisons, on estime qu’un tiers des prisonniers sont de confession musulmane. Selon Farhad Khosrokhavar, l’islam est majoritaire dans les prisons, “entre 50 et 80 % dans les établissements proches des quartiers sensibles” (V., L’islam dans les prisons, Balland, 2004). Bien entendu, ce ne sont pas tous des intégristes. Dans nos prisons, des imams s’autoproclament. Le risque, c’est que ceux-ci enrôlent les plus faibles ; des gens qui pris dans une spirale d’échecs scolaires et familiaux acquièrent en prison une nouvelle dignité et dont certains d’entre eux pourraient basculer dans l’intégrisme radical. Depuis 2007, l’administration pénitentiaire repère de mieux en mieux les détenus en voie de radicalisation en surveillant, notamment, des attitudes présumées suspectes : le port de la barbe, de djellaba, les prières, le refus de serrer la main d’un surveillant…. 1 000 détenus seraient surveillés par le Bureau du renseignement pénitentiaire. Au final, qu’ils habitent dans des quartiers difficiles ou qu’ils soient en prison, beaucoup se mettent à lire Inspire, la revue officielle d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Cette revue, écrite par des moudjahidine yéménites, cible particulièrement les jeunes occidentaux fascinés par le djihad. Elle communique les notices de fabrication d’une bombe incendiaire et indique les objectifs aux apprentis terroristes.
Leur nombreEn 2005, les renseignements généraux français avaient isolé un échantillon de 1 610 convertis repérés par la police comme prosélytes et impliqués dans des faits de délinquance. Plus de 50% d’entre eux appartenaient à la mouvance fondamentaliste. 200 partisans du “djihad radical armé” sont fichés par les services de renseignements. Un rapport de 2011 de la sous-direction de l’information des Bouches-du-Rhône des Renseignements généraux sur l’islam marseillais, révélé par un article de La Marseillaise, contenait une phrase choc : “Si rares sont les individus radicalisés au point de soutenir les djihadistes, le fondamentalisme aurait progressé au point de gagner la majorité de la population musulmane”.
M. F.
(*) Michel Fourriques Enseignant chercheur à Sciences-Po Aix (France), professeur à l’ESAA (Algérie)