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À l’Hôtel-Dieu, la mort lente des urgences
Le 1 novembre 2013 à 21:06 (Mis à jour : 3 novembre 2013 à 10:51)
Le 1 Novembre 2013, à Paris. Manifestation fermerture urgences Hôpital Hôtel-Dieu devant le pantheon.
Après des mois d’atermoiements et de confusion, le service du plus vieil hôpital parisien cesse d’accueillir les cas les plus graves.
Ils n’ont pas eu peur d’endosser cette image de mort. Et ils portent ainsi un cercueil avec des roses rouges, sur lequel est écrit :
«Patiente morte suite à des urgences saturées.»Vendredi matin, une quarantaine d’employés de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu à Paris manifestent, devant le Panthéon, leur colère contre la fermeture de leur service d’urgence. Leur objectif ? Montrer qu’en le supprimant, on risque de contribuer à engorger les autres hôpitaux qui sont déjà largement saturés. L’ancien chef de services des urgences, Gérald Kierzek, fait part de ses profondes inquiétudes :
«Le mort symbolique, ce ne sont pas que des mots en l’air. Toutes les études le montrent : plus on attend aux urgences, plus on meurt.»Assiste-t-on, dès lors, au énième épisode d’une mort annoncée ? Ou à l’inverse, voit-on les prémisses d’une nouvelle vie pour le plus vieil hôpital de France ? Aujourd’hui, en tout cas, la saga de l’Hôtel-Dieu, planté en plein cœur de Paris sur l’île de la Cité, se poursuit dans la plus parfaite des confusions. Et la journée de lundi en sera le symbole. Prévue le 4 novembre, la fermeture du Service d’accueil des urgences (SAU) a été repoussée à une date inconnue par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, le 10 juillet. Que comprendre ?
Mandarin. Depuis deux ans, tout est acté, ficelé, prévu, agencé : fermeture progressive de tous les services d’hospitalisation de l’Hôtel-Dieu, puis des urgences en novembre 2013, avant celle complète des lits d’hospitalisation en 2015. Et au finale, la transformation du lieu en un «Hôpital debout», c’est-à-dire sans lit mais avec des consultations haut de gamme et un gros pôle de santé publique. Le projet est ambitieux et se justifie par une offre de soins trop importante à Paris par rapport au reste de l’Ile-de-France. Ce furent des choix difficiles à faire, mais avec le temps, toutes les instances ont donné leur aval. En juillet, alors qu’arrivait la dernière étape de cette mutation, Marisol Touraine, par crainte de mouvements sociaux, annonce le report.
«Je ne veux prendre aucun risque sur la prise en charge des urgences à Paris au début de l’hiver prochain.» Ajoutant :
«Tout cela me conduit à décaler le calendrier de mise en œuvre du projet et en particulier la date de fermeture des urgences qui ne pourra intervenir le 4 novembre.»Stupeur du député PS, Jean-Marie Le Guen, également président du directoire de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui ne comprend pas cette reculade. Mais aussi, ironie cinglante du professeur Loïc Capron, qui a le rôle clé de président de la commission médicale des Hôpitaux de Paris (CME) : l’homme, classé à droite, est un mandarin respecté. Il a en tout cas toujours soutenu le projet de transformation de l’Hôtel-Dieu.
«La ministre croit au formidable projet du futur Hôtel-Dieu, dit-il,
mais elle trouve préférable non pas de le "reporter", mais de le "décaler", une nuance qui dépasse mon entendement», raille-t-il. Sale ambiance.
«Gâchis». Fin octobre, tout s’accélère. De façon logique, les pompiers de Paris pondent une circulaire, conseillant désormais aux différentes ambulances du Samu de ne plus amener des patients graves aux urgences de l’Hôtel-Dieu. Peu après, le 30 octobre, la CME, assemblée qui représente tous les médecins de l’AP-HP, se réunit. Et confirme le scénario. Elle rappelle, ainsi, que
«les urgences de l’Hôtel-Dieu ne ferment pas… Elles évoluent vers un nouveau modèle d’accueil pour les patients ayant besoin d’un avis médical sans délai, dans un environnement enrichi [plateau technique d’imagerie et de biologie, ndlr] et sûr avec des présences de médecins urgentistes, ambulance du Smur». En termes plus simples, elle confirme donc que les urgences lourdes iront ailleurs, à l’hôpital Cochin par exemple, situé à 2 kilomètres, ou à celui de la Pitié-Salpêtrière à moins de 2,5 kilomètres.
«Politique sanitaire absurde», a encore répété, vendredi, le D
r Gérald Kierzek. Il est vrai qu’au fil des mois, la gestion de cette mutation n’a pas été fameuse. Dans le cortège, les praticiens font part de leur profond désarroi.
«Au quotidien, c’est la déprime», raconte Guillaume, infirmier.
«Quel gâchis ! On casse un système qui fonctionne avec des équipes qui marchent. Il y avait une vraie prise en charge, il y a de l’amertume.» Emmanuel, également infirmier, rappelle toutes ces décisions qui se sont contredites.
«Il est faux de dire que les urgences sont vétustes. Elles ont été rénovées il y a cinq ans.» Le D
r Gérald Kierzek détaille comment, la veille, sans prévenir,
«la direction a tenté, en vain, de déménager les lits».Mille et une incompréhensions. Comme en écho, marquant une profonde séparation avec leurs collègues de l’Hôtel-Dieu, les médecins de l’AP-HP insistent :
«La transformation de l’Hôtel-Dieu est une chance. Elle est porteuse d’espérances en matière d’offre de soins. Elle va offrir un recours plus léger et moins coûteux que les urgences aux Parisiens qui ont un besoin urgent d’avis médical.»