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Ayrault met en garde contre la spirale de la violence
Mis à jour le 01/11/2013 à 20:04 - Publié le 01/11/2013 à 19:09
Jean-Marc Ayrault, vendredi lors de sa visite officielle à Moscou a rencontré son homologe Dmitri Medvedev.
Le premier ministre, qui achevait vendredi un déplacement en Russie, invite la majorité à rester soudée.
En s'envolant mercredi pour la Russie, Jean-Marc Ayrault pensait sans doute laisser derrière lui les commentaires acides sur un pouvoir de gauche que d'aucuns jugent désormais paralysé, asphyxié par les reculs successifs du gouvernement. Il comptait probablement oublier la terrible séquence des derniers jours qui a débuté par l'affaire Leonarda et s'est achevée avec la «suspension» de l'écotaxe poids lourds. Moscou devait être, pour ce chef de gouvernement en perdition dans les sondages, une bulle d'oxygène salvatrice, un moment de répit.
Dès son arrivée, mercredi soir, accompagné de son épouse Brigitte et d'une partie de la délégation française, Jean-Marc Ayrault s'est d'ailleurs offert, une promenade rafraîchissante sur une place Rouge déserte à cette heure tardive. Puis, goûtant aux bonheurs de l'anonymat dans les rues du centre de Moscou, l'attelage ministériel a pris un verre dans un bar proche. Consigne de son équipe aux journalistes qui l'accompagnaient: «Laissez le premier ministre tranquille.»
En dépit de tous les efforts déployés par ses collaborateurs, Jean-Marc Ayrault n'est pas vraiment parvenu à s'extirper de la politique intérieure française. Jeudi matin, l'ombre de François Fillon, son prédécesseur à Matignon, s'invitait dans sa visite de l'usine Renault Avtoframos, située dans les faubourgs de Moscou. «Ces pièces, a lâché un dirigeant de l'usine, sont produites à Sablé-sur-Sarthe», l'ancien fief de Fillon. Ayrault n'a pu réprimer un sourire.
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«Ce qui est inquiétant, c'est de voir à quel point les gens manquent de courage et de sang-froid», lâche-t-il, glacial, à l'adresse de «ceux qui pensent se sauver eux-mêmes» au lieu de jouer collectif______________________________________________________________________________________________________________
Et vendredi après-midi, au cours de la conférence de presse finale avec son homologue russe Dmitri Medvedev, le premier ministre était rattrapé par la manifestation prévue ce samedi en Bretagne. Comme un avant-goût de ce qui l'attend en France. «On ne peut pas construire si on s'engage dans une espèce de spirale de la violence», a-t-il mis en garde, soulignant que la suspension de l'écotaxe avait «permis d'apaiser et de construire un espace de dialogue». En présence de son homologue russe, il a souligné que les Français ont «parfaitement le droit» de manifester dans «un pays démocratique» tel que la France.
Aucune des secousses françaises n'a échappé aux «amis» russes. Et la France et les difficultés qu'elles traversent ont été omniprésentes. Mais Jean-Marc Ayrault a eu à cœur de répéter à tous ses interlocuteurs et à chacune de ses allocutions que son gouvernement tenait «le cap», celui de la lutte contre le chômage et les déficits. «Franchement, je le trouve serein. Il a l'air d'y croire vraiment», confie l'ex-ministre centriste de Nicolas Sarkozy, Maurice Leroy, membre de la délégation française.
Remaniement: «Il n'y a pas d'actualité sur ce point. Quand ça arrivera, vous serez les premiers surpris»
Serein dans la tempête, le premier ministre, qui confiait avant son arrivée à Moscou au quotidien russe Kommersant qu'il «ne gouverne pas avec la préoccupation permanente des sondages», semble l'être effectivement. Au point d'évacuer l'hypothèse d'un prochain resserrement de son équipe ministérielle pour lequel plaident désormais beaucoup de membres de la majorité. «On en a beaucoup parlé avec François Hollande. Mais, il n'y a pas d'actualité sur ce point. Quand ça arrivera, vous serez les premiers surpris», a-t-il confié à quelques journalistes vendredi matin. Renvoyant la balle à une majorité qui se montre particulièrement indisciplinée et à ces deux élus socialistes qui ont quitté récemment le parti, Ayrault appelle ses troupes à rester raisonnables. «Ce qui est inquiétant, dit-il, c'est de voir à quel point les gens manquent de courage et de sang-froid», lâche-t-il glacial à l'adresse de «ceux qui pensent se sauver eux-mêmes» au lieu de jouer collectif.
Pour autant, le premier ministre se défend d'être à la tête d'une majorité «opposante». «Parce qu'il y a un débat sur 0,01 point du budget, on dit: “c'est tragique!” Est-ce que le budget sera voté? Oui. Et le reste sera oublié», tranche-t-il.
Entre les lignes, Matignon admet toutefois que les incompréhensions des Français sur la politique menée s'expliquent par un défaut de lisibilité de l'action gouvernementale. «Oui, je veux bien l'admettre», confie du bout des lèvres un conseiller. Soucieux d'apaiser les tensions après les ratés de la fiscalité de l'épargne, Ayrault lui-même a lâché aux journalistes: «Il faut sans doute un peu plus de justice dans l'impôt.» Un geste d'apaisement pour calmer ceux qui, au PS, estiment que les classes moyennes n'ont pas été épargnées depuis le début du quinquennat. Une manière d'admettre aussi que le ras-le-bol fiscal est finalement légitime. Il y a un an encore, le premier ministre lui-même assurait que «neuf Français sur dix ne paieraient pas plus d'impôts».