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Kenya : les islamistes menacent de tuer les otages
Publié le 23 septembre 2013 à 07:29 Des soldats kéynians en position dans le centre commercial.
Les shebabs, à l'origine de l'attaque contre un centre commercial, qui a fait au moins 68 morts, détiennent toujours un nombre indéterminé de personnes.
Les insurgés islamistes somaliens shebab, qui ont revendiqué l’attaque contre le centre commercial Westgate de Nairobi qui a fait 68 morts, ont menacé lundi d’abattre les personnes encore retenues en otage par les assaillants.
«Nous autorisons les moudjahidine à l’intérieur du bâtiment à agir contre les prisonniers», a déclaré le porte-parole des shebab, Sheikh Ali Mohamud Rage, dans une déclaration mise en ligne sur un site internet islamiste. Un commando islamiste est retranché depuis samedi dans le centre commercial, et détient un nombre indéterminé d’otages.
Dans leur message, les shebabs affirment être en contact avec les agresseurs et dénoncent les tentatives d’intimidation de forces
«d’Israël et d’autres gouvernements chrétiens» à l’encontre du commando.
«Nous disons à ces chrétiens qui avancent contre les moudjahidines d’avoir pitié de leurs prisonniers», a poursuivi le porte-parole, affirmant que ces otages
«récolteraient les fruits de la pression exercée contre les moudjahidines».Une intense fusillade et des explosions ont auparavant été entendues à l’aube dans le centre commercial, où les forces de l’ordre kényanes ont lancé un nouvel assaut pour tenter de maîtriser le commando islamiste retranché dans le bâtiment avec des otages depuis plus de 40 heures.
Lundi matin, la fusillade a duré une quinzaine de minutes, selon des journalistes de l’AFP présents sur place. Au bruit, les tirs semblaient venir de
«quelque part autour du centre commercial, ou partaient d’un poste d’observation dans le centre commercial», a précisé l’un d’eux. La fusillade a été suivie par trois fortes explosions, avant que la situation ne semble de nouveau se calmer.
Les forces de l’ordre ont lancé plusieurs assauts ces dernières 24 heures, affirment avoir sécurisé la plupart du centre commercial et espèrent maîtriser
«rapidement» le commando. Très peu d’informations sont cependant disponibles : les journalistes n’ont plus accès au centre commercial depuis samedi après-midi.
En plus des 68 morts, l’attaque, revendiquée par les insurgés somaliens shebab en représailles, disent-il, de l’intervention militaire kényane lancée en Somalie il y a près de deux ans, a aussi fait près de 200 blessés. Depuis samedi, plus de 1 000 personnes ont été secourues. Mais dimanche encore, les autorités kényanes affirmaient que 10 à 15 assaillants se trouvaient encore dans le bâtiment.
Selon une source sécuritaire s’exprimant sous couvert d’anonymat, des agents israéliens sont présents aux côtés des forces kényanes pour tenter de maîtriser les islamistes - le Westgate Mall est réputé être en partie la propriété d’Israéliens.
Plusieurs étrangers, dont deux Françaises, trois Britanniques. un Sud-africain, une Sud-Coréenne, une Néerlandaise, un Péruvien et deux Indiens, ont été tués dans l’attaque, ainsi qu’un célèbre poète et homme d’Etat ghanéen, Kofi Awoonor. Des Américains et de nombreux autres Occidentaux - cibles privilégiées des assaillants - figurent parmi les blessés.
Le président kényan Uhuru Kenyatta a annoncé que son neveu et la fiancée de ce dernier figuraient parmi les personnes tuées. Les responsables de l’attaque
«devront payer pour leurs actes ignobles et bestiaux», a-t-il menacé dimanche, affirmant que son pays ne se laisserait pas
«intimider».«Les assaillants tiraient dans le tas»
En pénétrant dans le centre commercial samedi en début d’après-midi, le commando islamiste a ouvert le feu à l’arme automatique et à la grenade sur la foule des clients et employés du centre. Jusque dans la soirée, clients apeurés et employés traumatisés, piégés dans le centre, ont continué d’en émerger par petits groupes, au fur et à mesure de la lente progression des forces de l’ordre.
Il s’agit de l’attentat le plus meurtrier à Nairobi depuis une attaque-suicide d’Al-Qaeda en août 1998 contre l’ambassade des Etats-Unis, qui avait fait plus de 200 morts.
Des intérêts israéliens au Kenya ont déjà été la cible d’attaques revendiquées par Al-Qaeda : en 2002, un attentat suicide mené par trois kamikazes contre un hôtel fréquenté par de nombreux touristes israéliens avait tué 12 Kényans et trois touristes israéliens près de la ville côtière de Mombasa. Presque simultanément, un avion israélien avec 261 passagers à bord avait échappé de peu aux tirs de deux missiles à son décollage, également à Mombasa.
Selon des témoins, les agresseurs ont
«tiré dans le tas» samedi à Westgate. D’après un employé du centre commercial, Titus Alede,
«ils ne voulaient pas d’argent», «ils ont dit "vous avez tué notre peuple en Somalie, c’est à votre tour de payer"».Lundi, Kelly Amit, une kényane restée toute la nuit a proximité du lieu de l’attaque, a dit encore espérer pour son frère retenu à l’intérieur.
«La dernière fois que mon frère a appelé, c’était pour dire qu’il était dans le centre commercial», a-t-elle raconté.
«Son téléphone est coupé depuis», a-t-elle ajouté, espérant qu’il était simplement à court de batterie.
«J’espère encore qu’il va bien et qu’il se cache quelque part».
Une cible idéale et facile
Ouvert en 2007, le Westgate abrite restaurants, cafés, banques, un grand supermarché et un cinéma multiplexe qui attirent des milliers de personnes chaque jour. Dans une capitale connue comme le
«hub» de l’Afrique de l’Est, où vivent de nombreux expatriés rayonnant dans toute la région, l’endroit était régulièrement cité par les sociétés de sécurité comme une cible possible de groupes liés à Al-Qaeda comme les shebab.
Le centre commercial Westgate de Nairobi.
Washington, qui a dénoncé un acte
«ignoble», a dit dimanche enquêter sur des informations non confirmées faisant état de la présence d’au moins trois ressortissants américains parmi les assaillants. La France a dénoncé une attaque
«lâche», également condamnée à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.
La classe politique kényane, au pouvoir ou dans l’opposition, a elle appelé à l’unité face à cette crise. Le vice-président William Ruto a demandé un ajournement de son procès devant la Cour pénale internationale (CPI) pour revenir gérer la situation - sa demande devait être examinée lundi matin. William Ruto est jugé pour son rôle présumé dans les violences post-électorales kényanes de fin 2007-début 2008, qui avaient fait plus de 1 000 morts.
Les shebab ont expliqué sur leur compte Twitter, coupé depuis, que
«ce que les Kényans voient à Westgate, c’est de la justice punitive pour les crimes commis par leurs soldats» en Somalie «
contre les musulmans». Entrée fin 2011 en Somalie, l’armée kényane se maintient dans le sud du pays dans le cadre d’une force africaine soutenant le gouvernement somalien qui a infligé de nombreuses défaites aux islamistes.