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Sujet: Quand le marché du classique perd la mesure Lun 16 Sep - 16:15
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Quand le marché du classique perd la mesure
Publié le 16/09/2013 à 07:00
Le pianiste chinois Lang Lang aurait touchée une avance de trois millions de dollars lors de son passage de Deutsche Grammophon à Sony Classical, selon le site Bloomberg.com. Après cinq années chez Decca, le ténor Jonas Kaufmann sort un disque chez Sony. La concurrence fait rage au sein des labels pour séduire les stars.
Ce n'est certes pas le mercato du foot ou de la télévision. Mais si «les transferts de grands noms du classique de label à label restent relativement rares», tient à préciser Yann Ollivier (président d'Universal Classics & Jazz), ils existent. Et bien plus qu'on le croit! La firme, qui se positionne en leader du marché discographique classique international, en sait quelque chose. En 2005, elle accueillait un des chanteurs français d'opéra les plus rentables du moment, Roberto Alagna - précédemment chez EMI Classics. Aujourd'hui, c'est un autre ténor vedette qu'elle voit partir à la concurrence.
Le Munichois Jonas Kaufmann vient de publier son premier album (The Verdi album) chez Sony Classical, maison avec laquelle il a signé en juin dernier un «contrat d'exclusivité longue durée». La nouvelle était connue dans le milieu mais ce n'est que maintenant qu'elle est officialisée. «Pour des raisons contractuelles, un artiste n'est pas libre de partir quand il le souhaite, explique Olivier Cochet, directeur du classique chez Sony Music Entertainment France. Il n'y a pas de règle absolue, mais on signe en général pour une durée déterminée ou un nombre d'albums donné. Dans le cas de Kaufmann, il avait encore des engagements qu'il lui fallait honorer. C'est la raison pour laquelle les choses ont pris du temps.»
Citation :
«Lorsque l'on parle d'exclusivité longue durée, on entend généralement trois ans ou trois disques» Alain Lanceron, directeur du classique chez Erato
On ne connaîtra ni la durée exacte du contrat, ni le montant de ses éventuelles avances sur redevance. Mais «lorsque l'on parle d'exclusivité longue durée, on entend généralement trois ans ou trois disques», estime Alain Lanceron, directeur du classique chez Erato (ex-Virgin Classics). Et d'ajouter: «Il est toujours possible de casser un contrat, mais ça n'arrive presque jamais dans notre secteur.» En effet, que ce soit à l'opéra, dans le symphonique ou la musique de chambre, les artistes d'un label sont sans cesse amenés à en côtoyer d'autres d'écuries concurrentes. De quoi y réfléchir à deux fois avant de croquer la pomme de discorde. Des familles d'artistes
Il reste entendu que les transactions dans le milieu du classique (qui plus est en période de crise du marché discographique) ne sauraient rivaliser avec celles du sport. On sait néanmoins que pour des artistes de la trempe d'un Kaufmann, d'un Alagna ou d'une Bartoli, elles peuvent vite atteindre des sommets.
Lorsque Lang Lang a quitté Deutsche Grammophon pour Sony (encore!) en 2010, il aurait touché 3 millions de dollars selon le site financier américain Bloomberg. «Quel qu'ait été le montant, ce n'est pas une enveloppe versée de club à club mais une simple avance sur redevance, tempère Olivier Cochet. En outre, Lang Lang n'est pas juste un artiste Sony Classical: il est aussi l'ambassadeur de la marque dans le monde.»
«Contrairement à ce que pensent certains, un artiste classique change rarement de maison par appât du gain», observe Alain Lanceron. Ce que confirme Yann Ollivier: «Les motivations varient. Dans un cas, ce sera l'attractivité de la marque et son implantation à l'international. Dans un autre, l'opportunité de développer des projets artistiques de nature différente. Ou bien encore le lien de complicité, voire d'amitié, avec un directeur artistique.»
La seconde raison serait à l'origine de l'arrivée d'Alagna chez Universal en 2005 (seul label, selon Ollivier, capable de lui offrir un double développement, aussi bien dans l'opéra pur que dans le registre populaire). La troisième raison expliquerait le départ de Kaufmann vers Sony.
Citation :
«Perdre Rolando Villazon fut peut-être le plus gros coup dur de ma carrière.» Alain Lanceron
Car si la marque affiche aujourd'hui à l'international une politique offensive de nouvelles signatures prestigieuses, cela est principalement à porter au crédit d'un homme: Bogdan Roscic. L'ancien patron du groupe Decca est passé sous étiquette Sony Classical en 2009. «C'est lui qui avait signé Kaufmann pour Decca. Jonas a fait le choix de le suivre. C'est la vie!», philosophe Yann Ollivier. Même histoire pour Alain Lanceron qui a perdu en 2011 Rolando Villazon au profit de Deutsche Grammophon. «Ce fut peut-être le plus gros coup dur de ma carrière, confie-t-il. Mais nous sommes restés en bons termes.»
Car plus que les contrats - «de simples bouts de papier» - «c'est la famille qui compte, celle d'artistes vivant bien au sein d'une même maison. C'est ce qui permet au label d'assurer sa pérennité», poursuit Lanceron. La «famille» n'exclut toutefois pas cousinages et mariages mixtes. Que ce soit chez Universal Classics & Jazz, Sony Classical ou Virgin Classics (désormais Erato), on constate nombre de collaborations ponctuelles - parfois inattendues - entre les écuries. Après avoir fait une courte apparition sur le dernier album de Cecilia Bartoli (Mission, Decca), le contre-ténor Philippe Jaroussky s'est payé le luxe de deux duos avec la diva romaine pour son album dédié à Farinelli (Erato). L'an dernier, Sony a prêté la violoncelliste Sol Gabetta à DG pour l'album Duo d'Hélène Grimaud ; cette année, celle-ci accompagne Jan Vogler sur Dichterliebe. «L'auditeur attend aujourd'hui d'un disque qu'il lui conte une histoire», concluent d'une même voix Lanceron et Ollivier. Or une bonne histoire débute souvent par une belle rencontre.
Vidéos :
Lang Lang : - " Hungarian Rhapsody N° 2 " - (Live)
Lang Lang : - " Chopin Etude N° 3 Op.10 en E major " - (Live)