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Egypte : le vice-président Mohamed El-Baradei présente sa démission
Le 14.08.2013 à 07h34 • Mis à jour le 14.08.2013 à 18h00 Sur le front de la mosquée de Rabaa, au Caire, le 14 août. L'évacuation des campements des pro-Morsi ont fait 124 morts.
Le vice-président égyptien, le prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei, a annoncé avoir présenté sa démission au président par intérim, après l'intervention sanglante des forces de l'ordre pour déloger les manifestants islamistes pro-Morsi de deux places du Caire. "Il m'est devenu difficile de continuer à assumer la responsabilité de décisions avec lesquelles je ne suis pas d'accord", écrit-il notamment dans sa lettre au président Adly Mansour.
La présidence égyptienne a finalement annoncé l'instauration de l'état d'urgence dans tout le pays à compter de 16 heures, et pour une durée minimale d'un mois. Dans un communiqué diffusé par la télévision, elle ordonne par ailleurs à l'armée d'apporter son soutien aux forces du ministère de l'intérieur pour établir la sécurité.
Un couvre-feu a également été décrété, de 19 heures à 6 heures du matin. Ces mesures s'appliquent au Caire et aux provinces de Guizeh, d'Alexandrie, de Beni Sueif, de Minya, d'Assiout, de Sohag, de Beheira, du Nord et du Sud-Sinaï, Suez et Ismailia.
ENTRE 95 ET PLUSIEURS CENTAINES DE MORTSLes bilans restent contradictoires, notamment en raison de l'interdiction faite aux journalistes de pénétrer dans la zone. Le ministère de la santé égyptien fait état d'au moins 95 morts dans tout le pays, alors que l'AFP avance le nombre de 124 manifestants pro-Morsi tués sur la seule place Rabiya Al-Adawiya. Ce bilan ne tient pas compte des morts éventuels des autres rassemblements au Caire, ni de ceux d'autres affrontements en cours dans le pays.
Les Frères musulmans, qui parlent de "massacre", évoquent de leur côté le chiffre de 500 morts et au moins 10 000 blessés. Le ministère de la santé fait état de 15 morts, dont 5 parmi les forces de sécurité, et 179 blessés. Un caméraman de Sky News, Mike Deane, a été tué par balle, rapporte la chaîne britannique, ajoutant que ce sexagénaire, père de deux enfants, "travaillait depuis quinze ans" pour la chaîne.
TROIS PLACES PRISES D'ASSAUT
◾La place Rabiya Al-Adawiya "encerclée"Au plus grand campement, situé près de la mosquée Rabiya Al-Adawiya, la police a d'abord bouclé plusieurs rues avant de tirer des cartouches de gaz lacrymogène sur la foule pendant que des hélicoptères survolaient la place en diffusant des messages par haut-parleur. Des images de télévision ont montré des bulldozers enfoncer des barrières de fortune. Des snipers étaient également placés sur les toits autour de la place, enveloppée de volutes de fumée.
Les forces de sécurité ont ensuite bloqué l'accès à la place avant de parvenir près du cœur du campement, mais les informations parviennent encore de manière très parcellaire. Selon un porte-parole des Frères musulmans, le courant électrique a été intégralement coupé sur la place Rabiya, "même dans les centres médicaux". En milieu d'après-midi, plusieurs centaines de personnes s'affrontaient encore violemment avec les policiers sur cette place.
Lors de l'assaut de la police, Asmaa Al-Beltagui, 17 ans, dont le père, Mohammed Al-Beltagui, est l'un des rares principaux chefs de l'influente confrérie à n'avoir pas encore été arrêté, a reçu une balle dans la poitrine et une dans le dos.
◾La place Nahda "sous contrôle" Le ministère de l'intérieur a affirmé en fin de matinée que la place Nahda, plus petite, était désormais "totalement sous contrôle". Environ 200 "manifestants armés" y auraient été arrêtés, dont plusieurs responsables des Frères musulmans.
Des corps carbonisés ont été retrouvés sur la place après la dispersion des manifestants, comme le montre une vidéo publiée par la chaîne El Watan (attention, les images peuvent choquer), réputée proche du pouvoir. Les causes de l'incendie ne sont pas encore connues.
◾La place Moustapha-Mahmoud, nouvelle zone disputéeAprès avoir été expulsés par la police, des centaines de protestataires ont tenté d'établir un nouveau camp sur la place Moustapha-Mahmoud. Policiers et militaires les en empêchaient en tirant gaz lacrymogènes et balles, comme l'ont constaté l'envoyé spécial du Monde, Serge Michel, et le correspondant du Guardian, Patrick Kingsley.
RISQUE DE CONTAGION DANS LE RESTE DU PAYS Quelques heures après le début de l'assaut, les Frères musulmans ont appelé les Egyptiens à "descendre dans la rue contre le massacre" perpétré par le nouveau régime, assurant que l'opération visait à écraser dans le sang toute voix opposée au coup d'Etat militaire. Le gouvernement provisoire a répondu en accusant la confrérie d'être "entièrement responsables de toute effusion de sang, et de toutes les émeutes et les violences qui sont en train d'avoir lieu".
La Gamaa Islamiyya, un des partis islamistes à l'origine de la mobilisation, a dénoncé les "crimes du coup d'Etat" et a appelé ses partisans "enragés par les attaques de police" à ne pas attaquer les chrétiens ou les bâtiments religieux. La plus grande autorité musulmane sunnite, Al-Azhar, qui avait apporté son soutien au plan de transition, s'est quant à elle désolidarisée de l'opération policière.
Pour éviter des manifestations hors du Caire, le gouvernement a bloqué l'ensemble des trains du pays. Les grands axes de la capitale égyptienne auraient également été bouclés. Mais de nombreux heurts ont éclaté dans le reste du pays. La communauté copte est particulièrement visée, et des églises ont été brûlées dans plusieurs villes.
Un militant pro-Morsi montre un Coran partiellement brûlé, sur la place Rabaa.