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L'aile gauche du PS lance l'offensive contre la réforme des retraites
Publié le 08/07/2013 à 10:14
La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann.
Le mouvement «Maintenant la gauche», situé à l'aile gauche du PS, demande le report de la réforme des retraites et appelle le parti majoritaire à écouter l'inquiétude des militants sur ce sujet. Les socialistes doivent adopter une position commune sur les retraites, mardi soir, leur de leur bureau national.
Il y a quelques jours, dans l'entourage du premier secrétaire Harlem Désir, on prévenait: «Certains, au PS, tentent de démontrer qu'il y a une majorité au parti en faveur d'une autre politique que celle du gouvernement. Ca monte en sauce… La prochaine étape (après l'offensive de quatre sensibilités du PS sur la reforme fiscale, NDLR), ce sera les retraites.»
«Une réforme ni urgente, ni opportune»
Sans surprise, c'est l'aile gauche du PS, qui lance l'offensive. Dans un «appel», qui sera adressé lundi aux responsables du parti et aux parlementaires socialistes, le mouvement «Maintenant la gauche» -animé par la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, le député Jérôme Guedj et le conseiller régional d'Ile-de-France Emmanuel Maurel- juge que cette réforme, grand chantier gouvernemental de la rentrée, n'est «ni urgente ni opportune». «Les retraités et les salariés de notre pays n'ont pas à payer une deuxième fois le prix de la crise économique», écrivent-ils en mettant en garde contre de nouvelles «mesures d'austérité» qui «risquent d'aggraver les difficultés économiques au plus mauvais moment».
Les animateurs de «Maintenant la gauche» insistent, dans cet appel, sur le caractère «profondément anxiogène» d'un allongement de la durée de cotisation requise pour avoir droit à une retraite à taux plein. Une mesure qui «minerait la confiance des ménages et pousserait les salariés à épargner davantage en vue de leur retraite, précisément au moment où il faudrait soutenir la consommation pour relancer l'économie». Ils jugent en outre que retarder l'âge de départ à la retraite «ne peut qu'aggrave le chômage», notamment celui des jeunes et des seniors. «Toutes ces idées s'avéreraient donc gravement contre-productives si elles étaient mises en pratique, concluent-ils. Sauf à vouloir donner satisfaction aux folles préconisations de la commission et de la droite européenne, la France ne saurait s'engager dans un tel processus de régression sociale.»
«Ce n'est pas le moment de démobiliser la gauche»
Pour ces socialistes de l'aile gauche, le déficit du système de retraites, évalué à 20 milliards d'euros en 2020, s'explique «essentiellement du fait de la rechute de l'activité de l'emploi». «Cette situation, ajoutent-ils, ne justifie en aucun cas de modifier à nouveau les règles actuelles des retraites dans un sens défavorable, à peine trois ans après la dernière réforme vivement combattue par la gauche aux côtés de la grande majorité des syndicats et des salariés». Selon eux, il n'y a «nulle nécessité de réformer à nouveau les retraites, puisque leur part dans le PIB va se stabiliser à leur niveau actuel, soit 14% du PIB». Ils concluent: «Rien ne justifie socialement, économiquement et financièrement d'en demander plus aujourd'hui».
Maintenant la gauche doit interpeller le premier secrétaire du PS Harlem Désir mardi soir, à l'occasion du bureau national (BN) du parti. C'est ce même jour que le bureau national doit entériner une position commune sur le sujet, après avoir écouté les conclusions d'une commission sur les retraites (animée par le député Pascal Terrasse et Charlotte Brun). Les tenants de l'aile gauche veulent que le parti majoritaire se saisisse du sujet et «essaye d'intervenir» pour que le gouvernement renonce à cette réforme. «L'enjeu, c'est: est-ce que le PS sert à quelque chose?, interroge Marie-Noëlle Lienemann. Est-il capable, sur des sujets importants, d'être un acteur?»
Pour la sénatrice socialiste, les militants sont «extrêmement ébranlés» par cette réforme à venir. Elle rappelle que la dernière consultation des militants sur l'Europe avait tourné au fiasco, la plupart des amendements déposés par l'aile gauche pour durcir le texte n'ayant pas été retenus par la direction du parti (qui avait choisi une méthode de décompte des voix contestée par la gauche du parti). «Qu'on le veuille ou non, l'UMP va resserrer les coudes en récoltant des fonds pour pallier son déficit, note encore Lienemann. Ils vont ressourcer la base militante. Ce n'est pas le moment de démobiliser la base de gauche. Quand un camp est uni et l'autre divisé, c'est le camp uni qui gagne.»
Rue de Solferino, on insiste au contraire sur la nécessité de mener à bien cette réforme des retraites: Le député de Paris Christophe Caresche a dénoncé lundi une initiative qui illustre, selon lui «le refus de la réforme, le refus d'affronter la réalité et, en définitive, le refus d'assumer la responsabilité du pouvoir». «Les auteurs de cette lettre n'ont rien d'autres à proposer que le report de la réforme», s'agace le député dans une tribune intitulée «la gauche démissionnaire». «Ne rien faire, ne rien bouger, ne surtout pas créer l'anxiété; tel est l'unique horizon qu'un parti ayant la charge du pouvoir proposerait à ses concitoyens, ajoute-t-il. Pour cette gauche démissionnaire, l'immobilisme et le conservatisme seraient les seules options possibles, en attendant le retour hypothétique de la croissance qui réglerait, comme par enchantement, tous les problèmes.»
Caresche juge cette stratégie «à la fois suicidaire pour la France, mais aussi pour le PS». Il estime que «Maintenant la gauche», «comme une partie du monde syndical», se trompent sur l'état d'esprit des Français, qui «dans leur grande majorité ont compris la nécessité de réformer notre modèle social et singulièrement celui des retraites». «La majorité n'a pas le droit de manquer le rendez-vous de la réforme des retraites. S'y soustraire serait un renoncement qui lui coûterait cher!», conclut le député. «Cette réforme, si elle est juste ne peut être remise à plus tard», juge quant à lui le porte-parole du PS David Assouline, qui espère que ce sujet sensible «ne divisera pas la majorité». Rien n'est moins sûr.