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Affaire de l'arbitrage : Bernard Tapie en garde à vue
Publié le 24.06.2013, 06h58 | Mise à jour : 10h39MARSEILLE (BOUCHES-DU-RHONE), LE 26 MAI. Bernard Tapie est entendu ce lundi par les enquêteurs sur l'arbitrage qui lui a accordé plus de 400 millions d'euros il y a cinq ans.
Bernard Tapie a été placé en garde à vue, ce lundi, à la brigade financière. Il y était attendu pour s'expliquer sur l'arbitrage qui, en lui accordant en 2008 plus de 400 millions d'euros, lui avait permis de revenir aux affaires. Cette décision vaut désormais à trois de ses protagonistes une mise en examen pour escroquerie en bande organisée.Les juges d'instruction soupçonnent cet arbitrage d'avoir été biaisé au profit de Bernard Tapie. Ils veulent savoir comment l'homme d'affaires a plaidé sa cause à l'Elysée et au ministère de l'Economie, et s'intéressent de près à ses liens avec les arbitres. Il peut être entendu librement ou placé en garde à vue, une mesure qui, du fait du contexte de «bande organisée», peut durer jusqu'à quatre jours.
Il y a cinq ans, Bernard Tapie, qui a connu fortune, gloire et prison au cours de sa carrière, avait obtenu 403 millions d'euros d'un tribunal arbitral, en règlement du litige avec le Crédit Lyonnais né de la vente en 1993 de l'équipementier sportif Adidas, qu'il avait acquis trois ans plus tôt.
Une réunion décisive à l'Elysée fin 2007Stéphane Richard, le PDG d'Orange et ex-directeur de cabinet de l'ancienne ministre de l'Economie Christine Lagarde, Jean-François Rocchi, l'ancien patron du Consortium de réalisation (le CDR, chargé de gérer l'héritage du Crédit Lyonnais), et Pierre Estoup, l'un des juges arbitraux, ont été mis en examen pour «escroquerie en bande organisée» dans ce dossier. Les juges ont estimé que les trois hommes avaient pu participer à «un simulacre d'arbitrage» afin de pousser l'Etat, le CDR et l'EPFR, structure publique chapeautant le CDR, «à accepter un compromis d'arbitrage contraire à leurs intérêts». Christine Lagarde a, elle, été placée sous le statut de témoin assisté après deux jours d'audition par les magistrats de la Cour de justice de la république (CJR), instance habilitée à juger des délits imputables aux ministres dans l'exercice de leurs fonctions.
Une date clé de l'affaire paraît être une réunion tenue fin juillet 2007 à l'Elysée en présence, selon Stéphane Richard, du secrétaire général, Claude Guéant, du secrétaire général adjoint, François Pérol, de Jean-François Rocchi, du conseiller justice de l'Elysée, Patrick Ouart, mais également de Bernard Tapie. Claude Guéant y avait tranché: «Nous allons faire l'arbitrage», a rapporté Stéphane Richard aux enquêteurs, se disant «surpris» de s'être retrouvé face à Claude Guéant, François Pérol et Bernard Tapie. Claude Guéant devrait lui aussi être prochainement convoqué par les enquêteurs.
Sur cette réunion à l'Elysée, Bernard Tapie a laissé entendre qu'il avait pu effectivement prendre part à une telle rencontre. S'il a expliqué «ne pas se souvenir de cette réunion à cette date», il a jugé que sa participation «pour expliquer (sa) position» lui paraîtrait «un processus logique».
«Votre soutien a changé le cours de mon destin»L'enquête a également montré que Bernard Tapie avait eu plusieurs rendez-vous avec Nicolas Sarkozy à l'Elysée en 2007 et 2008. L'homme d'affaires devrait également s'expliquer sur ses liens avec l'arbitre Pierre Estoup, ancien haut magistrat à la cour d'appel de Versailles. Les enquêteurs s'interrogent sur le sens d'une dédicace faite par Bernard Tapie, en juin 1998, dans un livre offert à Pierre Estoup. «Votre soutien a changé le cours de mon destin», lui écrivait-il. Comme l'a révélé «Le Monde», les policiers s'interrogent sur une possible tentative d'intervention de Pierre Estoup en faveur de l'homme d'affaires lors d'un procès sur les comptes de l'Olympique de Marseille. Dans ce procès en appel, l'homme d'affaires avait finalement évité toute peine de prison ferme. Selon Bernard Tapie, cette dédicace n'a rien à voir avec ce procès.
Les enquêteurs fouillent également les liens entretenus par deux avocats proches de Bernard Tapie, Me Maurice Lantourne et Me Francis Chouraqui, avec Pierre Estoup. Un arbitre ne doit théoriquement pas avoir de liens avec les parties avant son arbitrage.
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L'ancien patron du Crédit Lyonnais parle de «manipulations grossières»L'ex-président du Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade, estime que «personne ne peut plus se mettre en travers de la justice» dans l'affaire de cet arbitrage. «En tant que président du Crédit Lyonnais de 1993 à 2003, je connais assez bien ce dossier et, depuis de nombreuses années, j'avais la conviction qu'il s'agissait d'une conspiration», explique-t-il dans une interview aux «Echos». «Vraiment, cette affaire a donné lieu à des manipulations grossières», dit-il. «Le saccage des finances publiques par l'Etat lui-même, qui a dû verser 403 millions d'euros à Bernard Tapie, a choqué l'administration française et surtout la justice», explique-t-il, espérant une «annulation de l'arbitrage». «La thèse du vol par le Crédit Lyonnais n'a jamais été démontrée et pour cause. Et pourtant, pendant toutes ces années, Monsieur Tapie a réussi à installer sa vérité dans l'opinion publique, chez certains politiques et journalistes, et même à certains moments parmi les responsables du CDR», dénonce-t-il.