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Manning, traître ou justicier ?
Publié le 04 juin 2013 à 22:23 Bradley Manning arrive à la cour martiale de Fort Meade, dans le Maryland, le 4 juin 2013.
Le soldat est jugé pour avoir divulgué des documents secrets américains sur Wikileaks.L’ancien confident de Bradley Manning a reconnu mardi, au deuxième jour de son procès, le caractère fragile du jeune soldat qui, selon lui, n’a pas dit «un mot» contre les Etats-Unis lorsqu’il a divulgué des dizaines de milliers de documents secrets. L’accusation de
«collusion avec l’ennemi», en l’occurrence Al-Qaeda, Manning, est au coeur du l’argumentaire du gouvernement américain dans le procès en cour martiale de Bradley Manning, qui encourt la prison.
Appelé à la barre sur la base militaire de Fort Meade (Maryland), Adrian Lamo, pirate informatique auquel Manning s’était confié en ligne, a reconnu, sous le feu des questions de l’avocat de la défense Me David Coombs, que son ami de la Toile n’avait pas dit
«un mot contre les Etats-Unis» ni sur un
«désir d’aider l’ennemi». «Il vous a dit qu’il était toujours à la recherche de la vérité?» a demandé l’avocat, «
c’est quelque chose que j’ai effectivement ressenti, oui», a répondu Lamo.
«Il vous a demandé ce que vous feriez, si vous tombiez sur des informations horribles qui ne sont pas dans le domaine public?». «Il a dit qu’il voulait rendre ces informations publiques?» «Il voulait que les gens voient la vérité?» «Oui», a acquiescé à chaque fois Adrian Lamo.
Et quand le témoin, qui a reconnu souffrir du syndrome Asperger, une forme d’autisme, a demandé à son confident
«pourquoi il ne vendait pas tout ça à la Russie ou à la Chine», Manning lui a répondu:
«ces informations appartiennent au domaine public», toujours selon les mots de l’avocat validés par le témoin.
Lamo, dont les ordinateurs et les disques durs ont été saisis pour les besoins de l’enquête, a auparavant indiqué au procureur avoir «chaté» avec Manning alias «bradass87» du 20 mai 2010 jusqu’à l’arrestation du soldat, le 26 mai 2010.
Il avait lui-même été arrêté et condamné pour
«accès non autorisé à des ordinateurs» en 2004. Il a admis en outre que c’est probablement parce qu’il avait «
fourni» des informations à WikiLeaks que Manning s’était intéressé à lui.
«Jeune, naïf et stupide»Auprès du procureur militaire Ashden Fein, le témoin a reconnu que
«Manning avait admis connaître Julian Assange», le fondateur de WikiLeaks, que le gouvernement s’efforce de confondre pour complicité dans cette fuite majeure. Mais Lamo, dont les révélations au FBI de Sacramento (Californie) où il résidait avaient conduit à l’arrestation du jeune Manning, alors âgé de 22 ans, s’est contenté de répondre par un
«oui» discret, quand Me Coombs l’interrogeait sur l’état émotionnel de son client.
«Oui», Manning s’était livré à lui car il avait besoin
«d’aide de quelqu’un de confiance» sur cette base américaine en Irak où
«il se sentait désespéré» comme
«une âme brisée», «transi de peur», «émotionnellement cassé», livré
«à un combat intérieur en raison de son problème d’identité sexuelle».
«Oui», «il disait qu’il n’était pas courageux, mais faible», qu’il était
«jeune, naïf et stupide», que
«ses sentiments étaient trop idéalistes» mais qu’il
«se souciait des gens», qu’il se
«souciait de la vie humaine».L’accusé, toujours selon Me Coombs, lui aurait confié combien il était choqué de voir
«comment la première puissance mondiale exploitait un pays du tiers-monde» et que «
partout où il y avait une représentation américaine, il y avait un scandale diplomatique».A l’ouverture du procès lundi, le gouvernement américain s’est employé à démontrer que le soldat avait
«déversé» des documents ultra-sensibles par dizaines de milliers
«entre les mains de l’ennemi».Interrogeant mardi des enquêteurs militaires et des formateurs de l’armée, l’accusation s’est attachée à montrer que Manning était parfaitement averti des des dangers de la fuite sur internet de documents secrets qui constituait une
«trahison».Dans un communiqué diffusé mardi sur le site de WikiLeaks, Julian Assange, qui est réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, a dénoncé un
«procès-spectacle». «Ce n’est pas de la justice. Cela ne peut en aucun cas être de la justice. Le verdict a été rendu il y a longtemps», a-t-il estimé.
«Lorsque le fait de communiquer avec la presse revient à "aider l’ennemi", c’est "l’information des peuples" qui devient criminelle», a-t-il encore jugé.
Le procès devrait durer jusqu’au 23 août.