WEB - GOOGLE - ACTUALITE > Société À Marseille, les mères défilent contre la violence
Mis à jour le 31/05/2013 à 20:55 - Publié le 31/05/2013 à 17:30 Le 13 mars 2013 dans les quartiers Nord de Marseille, sur les lieux d'un double règlement de comptes.
Refusant l'assimilation de leurs quartiers au trafic de drogue et aux règlements de compte, elles réclament un retour de l'État dans leur quartier et le dialogue pour trouver des solutions.
Centre social de Malpassé dans le XIIIe arrondissement de Marseille. Comme chaque mardi depuis fin mars, des mères des quartiers nord sont réunies. Elles préparent, aidées par des travailleurs sociaux et des militants associatifs, l'organisation de leur marche contre la violence et contre les règlements de compte qui ensanglantent les cités. La manifestation relira la gare Saint-Charles à la préfecture samedi après-midi. Elles colorient leurs slogans sur de grands panneaux blancs qu'elles porteront lors de leur manifestation: «La violence, ça suffit», «Sécurité dans les collèges», «Y en a marre de tenir les murs», «Les promesses, il faut les tenir», «Mille fleurs pour les quartiers»… Chaque quartier prépare ses pancartes. En tête du cortège, une banderole revendiquera: «Nous sommes tous des Marseillais. Égalité des droits et des traitements pour tous et partout». À la fin de la marche, 23 propositions seront remises au préfet.
La multiplication de règlements de compte en mars dernier a été l'élément déclencheur de la mobilisation. Après une année 2012 meurtrière avec 24 morts, il y a déjà eu cette année 6 jeunes tués dans des règlements de compte.
«On en a marre de cette violence! Il faut que ça cesse», lâche Radhia, 41 ans, qui avec quelques mères a participé à la création du collectif. Le règlement de compte du 13 mars dernier, qui a fait deux morts, Hichem Agaba et Rochdi Gharbi, deux jeunes de 21 ans, et un blessé grave, à la cité des Bleuets (XIVe) toute proche de celle où elle habite, a agi comme un électrochoc. «On a tué un de mes voisins, un mercredi, en plein jour», raconte cette mère de quatre enfants. Il y avait des enfants dans la rue…»
«Je ne dors plus, je suis traumatisée»«J'ai vu le deuxième être tué. Il a couru en criant, je ne veux pas mourir et le tueur l'a achevé en vidant son chargeur», ajoute Hayet, 40 ans, une habitante des Bleuets. «Ma petite de 9 ans qui a tout vu s'est évanouie de peur. J'ai jeté un drap par la fenêtre pour qu'on recouvre le corps du jeune Rochdi. Il avait 21 ans et son frère avait également été assassiné il y a une dizaine d'années», ajoute Hayet. Dans le cas de ce triple règlement de compte, les enquêteurs estiment qu'il est motivé par des affaires de drogue. Mais celle-ci n'est pas toujours en cause. «Ça peut être pour un regard qui n'a pas plu ou pour une histoire de fille…», insiste Radhia.
Beaucoup de ces mères ont peur. «Je ne dors plus, je suis traumatisée», raconte une habitante de ces cités qui ne veut pas qu'on cite son nom. «Ils ont vu que je les ai vus et ont tiré en l'air en me regardant après avoir tué ce jeune des Micocouliers.» C'était le 9 mai dernier. Alors qu'il était au volant d'une voiture, le jeune Iskander, 17 ans, a été atteint à la tête et au thorax, par 23 impacts de balles tirées en plein boulevard par deux hommes sur une moto de grosse cylindrée. «Ils sont allés ranger leur moto et sont revenus sur place pour regarder avec tout le monde. Ils vivent avec nous et descendent nos jeunes.»
Pour ces mères, les opérations coup de poing de la police dans les cités ne sont pas la solution. «C'est bien, ça nous rassure quand ils sont là, mais les trafics redémarrent dès qu'ils sont partis», pointe Radhia. Pas question pour elle de répondre à l'invitation du préfet de police Jean-Paul Bonnetain et du procureur Jacques Dallest de coopérer avec la police et la justice. «Quand on a un problème, on ne nous écoute pas», note Hayet.
Refusant l'assimilation de leurs quartiers au trafic de drogue et aux règlements de compte, elles réclament un retour de l'État dans leur quartier et le dialogue pour trouver des solutions. «On ne demande qu'à être traités comme les autres habitants de cette ville et surtout qu'il y ait quelque chose pour nos adolescents. Il n'y a rien pour eux. Il faut s'en occuper pour qu'ils ne tombent pas dans les trafics», souligne Radhia qui réclame activités sportives, formations et emplois…
«Le collectif a entrepris un travail de fond structuré en commissions et s'inscrit dans la durée», commente Patrick Cassina, directeur du centre social Malpassé, qui appuie les habitants. Les politiques de tous bords ont été tenus à l'écart. La méfiance est totale: «Les politiques, on ne les voit qu'au moment des élections pour récolter des voix. L'argent public est très mal contrôlé. C'est catastrophique. Les associations sont sous la coupe du politique qui distribue les subventions», note Yamina Benchenni, porte-parole du collectif. Les affaires Andrieux et Guérini, qui ont révélé l'ampleur du clientélisme à Marseille, sont passées par là.