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Le PS déclare la guerre à l'Allemagne…
Mis à jour le 26/04/2013 à 21:31 - Publié le 26/04/2013 à 17:37
Les socialistes français fustigent «l'intransigeance égoïste de la chancelière Merkel».
Les socialistes durcissent le ton contre «l'Europe de la rigueur» et Angela Merkel. Un texte bientôt validé par la direction du PS appelle à «l'affrontement démocratique».Comment donner des gages à une majorité en plein blues sans remettre en cause le cap de la politique menée? Les dirigeants socialistes ont trouvé la parade, en attaquant violemment l'Europe conservatrice, cette «Europe de la rigueur», et la chancelière allemande. Les socialistes ont durci le ton envers Angela Merkel, en appelant à «l'affrontement démocratique» avec l'Allemagne, dans un texte qui sera validé mardi prochain au bureau national du PS, avant une convention du parti sur l'Europe, prévue le 16 juin.
«Le projet communautaire est meurtri par une alliance de circonstance entre les accents thatchériens de l'actuel premier ministre britannique et l'intransigeance égoïste de la chancelière Merkel», écrivent les auteurs de ce texte, qui devait être amendé vendredi lors d'une commission des résolutions. Les socialistes refusent une Europe où les peuples passeraient après les marchés. «L'amitié entre la France et l'Allemagne, ce n'est pas l'amitié entre la France et la politique européenne de la chancelière», poursuivent-ils.
La charge est violente. Elle avait déjà été menée, mais en des termes plus feutrés, lors du dernier conseil national du PS, le 13 avril. Le premier secrétaire Harlem Désir avait alors appelé à être à «la pointe de la confrontation» avec Merkel, la «chancelière de l'austérité». Même le premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui avait défendu sa politique de sérieux budgétaire, avait critiqué les conservateurs européens, rappelant que la recherche de la croissance devait être menée à l'échelle de l'Europe.
Les critiques contre l'austérité et l'Europe, d'abord portées par l'aile gauche du PS, n'ont eu de cesse de faire tache d'huile ces derniers mois. Jusqu'à contaminer le gouvernement lui-même, avec l'offensive antiaustérité de trois ministres (Arnaud Montebourg, Cécile Duflot, Benoît Hamon), début avril. Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a franchi un pas supplémentaire cette semaine: après la «tension amicale» revendiquée en mars par François Hollande lors de sa dernière intervention télévisée, le quatrième personnage de l'État a carrément prôné dans Le Monde «la tension tout court», voire «la confrontation».
Donner des gages à l'aile gauche du PSCe changement de ton avec l'Allemagne a été discuté lundi soir à Matignon, lors d'une réunion au sommet. Étaient présents autour de Jean-Marc Ayrault tous les poids lourds du gouvernement et de la majorité, dont le président de l'Assemblée nationale, celui du Sénat, les présidents de groupe, le premier secrétaire du PS, le numéro deux du parti, Guillaume Bachelay, ainsi que le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis (coordinateur du texte). Les ministres étaient présents en tant que représentants des composantes de la majorité, des hollandais à l'aile gauche, en passant par les aubrystes et les royalistes.
Ayrault, comme Hollande, ont compris qu'il fallait lâcher du lest pour rassurer une partie de la majorité et de leur électorat, qui rejettent le sérieux budgétaire comme seul horizon, dans un contexte économique et social cataclysmique. L'exécutif a donc validé le principe d'un «texte combatif contre les droites européennes». Mais en germanophile qui doit traiter au quotidien avec la chancelière, Ayrault a mis en garde contre les dangers de l'opération: «Il ne faut pas que ça aille trop loin. C'est dangereux», a-t-il prévenu.
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«Construire une gauche européenne, oui. En revanche pas besoin de taper sur la chancelière»
Un conseiller de Matignon
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Claude Barlolone, qui n'a pas pipé mot pendant la réunion, a joué sa carte personnelle trois jours plus tard en appelant Hollande à passer à une deuxième phase du quinquennat, plus ancrée à gauche. Un moyen pour celui qui se positionne pour Matignon de gagner des points.
À Matignon, où l'on redoute que la mèche allumée par le PS ne devienne explosive, on temporisait vendredi, en rappelant que ce texte n'est qu'une «ébauche», appelée à être adoucie. «Construire une gauche européenne, oui. En revanche pas besoin de taper sur la chancelière», indique un conseiller. À l'Élysée, tout en renvoyant au PS la responsabilité du texte, on en salue le contenu: «Le parti connaît bien la position du président. C'est un texte très fort de soutien à son action en général», note-t-on dans l'entourage du chef de l'État. «C'est un partage des rôles, décrypte un dirigeant socialiste. Le PS peut aller plus loin que le gouvernement.»
Ce durcissement à l'égard de l'Allemagne répond à plusieurs objectifs. Éviter d'abord que le PS se déchire à nouveau sur l'Europe comme en 2005, quand Hollande, alors premier secrétaire, avait organisé une «consultation militante» sur le traité européen. Consultation qu'il avait remportée en interne mais au prix d'un affaiblissement durable et profond du parti.
En laissant le PS hausser le ton contre l'Allemagne, le président donne des gages à l'aile gauche du PS, sans froisser les autres. «Ça permet à ceux qui rêvent d'un tournant de croire qu'il est amorcé et à ceux qui ne le souhaitent pas de continuer à défendre le sérieux budgétaire, décrypte - non sans cynisme - un dirigeant du PS. Avec ce texte, on est sur la ligne de crête.» Un deuxième ajoute: «La convention Europe pouvait être du liquide inflammable. Il fallait éviter que l'aile gauche l'utilise pour mettre en difficulté le gouvernement.»
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«C'est une unité de façade»
Un dirigeant PS
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Autre objectif: ressouder des troupes très déprimées. «Depuis un an, nous n'avons pas désigné d'adversaire politique. Nous avons essayé de nous mettre bien avec chacun. Résultat, on s'est mis tout le monde à dos, raconte un conseiller gouvernemental. Il était temps de désigner un adversaire pour ressouder les troupes.» La droite allemande de Merkel fait désormais figure d'ennemi commun de la gauche française. «C'est une unité de façade, décrypte un dirigeant PS. On tape sur Merkel tout en disant que ce qu'on fait en France, c'est bien. L'Europe sert de dérivatif. Ça arrange tout le monde et ça permet de gagner du temps…»
Le leader de l'aile gauche du PS, Emmanuel Maurel, n'est pas dupe. Et appelle l'exécutif à passer «des paroles aux actes». «C'est trop facile de tonner contre l'austérité en Europe sans faire le lien avec la politique menée en France, assène Maurel. Notre condamnation unanime de l'Europe ne doit pas nous exonérer de réfléchir au cap économique poursuivi en France. Il y a un lien entre les deux. Passons donc sans tarder à une deuxième phase du quinquennat.»