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Le dossier Cahuzac était suivi de près par Taubira
Mis à jour le 04/04/2013 à 21:04 - Publié le 04/04/2013 à 19:46
Christiane Taubira, jeudi, au Sénat. Le cabinet de la ministre a été informé directement par le procureur de Paris qui a ouvert l'enquête sur Jérôme Cahuzac.
La garde des Sceaux ne pouvait pas ignorer les détails de cette affaire explosive. En temps que garde des Sceaux, elle est théoriquement la première informée, mais elle est parfois «doublée» par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, comme dans le cas des expertises confiées à la police scientifique.
«Il a eu la poisse sur toute la ligne», ironise un haut magistrat, fin connaisseur de la machine judiciaire, analysant la chute de l'ex-ministre du Budget. L'affaire Cahuzac a d'abord démarré par un fait plutôt remarquable: le parquet de Paris a décidé le 8 janvier de l'ouverture d'une enquête sur un membre du gouvernement en place - un geste suffisamment rare qui pourrait permettre de vanter «l'indépendance de la justice».
Comment le procureur de Paris, dont la carrière dépend malgré tout en partie du ministère de la Justice, a-t-il pris une telle décision? «Pour se protéger, précisément !» estime un ancien de la Chancellerie. «François Molins a été placé à la tête de la juridiction la plus sensible de France par la droite, et il craignait bien de devoir rapidement céder sa place. Lorsqu'Edwy Plenel, le patron de Mediapart, lui demande de traiter l'affaire, il se saisit de l'occasion: ainsi, il devient intouchable.»
Pour le garde des Sceaux, il n'est plus possible d'écarter le procureur de Paris: toute mutation serait en effet interprétée comme une volonté d'étouffer l'affaire…
Selon une tradition non écrite, le procureur de Paris informe directement le cabinet du ministre. François Molins, d'ailleurs, connaît toutes les subtilités de ce ministère, pour avoir été successivement directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie puis de Michel Mercier, avant de rejoindre le parquet de Paris.
Le dossier Cahuzac fait partie de ces dossiers «signalés» qui sont suivis en temps réel ou presque par la Chancellerie. Christiane Taubira en connaît donc personnellement tous les rebondissements. En temps que garde des Sceaux, elle est théoriquement la première informée, mais elle est parfois «doublée» par le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, comme dans le cas des expertises confiées à la police scientifique.
L'enquête basculeLes résultats de l'analyse, par le laboratoire d'Écully, de la bande sonore dévoilée par Mediapart, qui a permis de renforcer les soupçons pesant sur Jérôme Cahuzac - sa voix étant identifiée avec plus de certitude - remontent, eux, rapidement et directement Place Beauvau - parallèlement à la Place Vendôme… «Le fonctionnement hiérarchique est encore plus efficace de leur côté» explique un habitué de la Chancellerie.
François Molins ouvre une information judiciaire le 19 mars - c'est-à-dire que l'enquête n'est plus directement menée par le parquet, mais par un juge d'instruction - ce qui rend les remontées d'informations plus incertaines.
En amont, toutefois, il prend soin de suivre le processus habituel des affaires «signalées». Outre le cabinet, il informe également, le 18 mars, son supérieur hiérarchique, le procureur général de Paris François Falletti. Ce jour-là, il lui adresse un rapport, que le procureur général lui-même transmet à la direction des affaires criminelles et des grâces, direction centrale de la Chancellerie. L'ensemble de ces observateurs comprennent que l'enquête bascule lorsque le procureur suisse, missionné par la justice française parle «d'escroquerie fiscale». Alors que la Suisse est plutôt réputée pour ses réponses laconiques, le procureur militant Yves Bertossa, lui, a tout fait pour que la collaboration soit «excellente»…