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Face aux doutes, l'heure de vérité de François Hollande
Mis à jour le 28/03/2013 à 02:13 - Publié le 27/03/2013 à 20:02
Jean-Marc Ayrault et François Hollande, mercredi, à l'Élysée.
Le président de la République s'adresse jeudi soir aux Français sur fond de prévisions économiques inquiétantes et dans un climat de défiance grandissant.
Pas assez à gauche, manque d'audace, absence de cap, de vision, d'ambition, trop timoré, à la botte de la finance, soumis aux marchés, à l'Allemagne, isolé en Europe, sourd aux attentes du peuple de gauche… Alors que François Hollande s'apprête à s'adresser aux Français, jeudi soir sur France 2, pour une intervention très attendue, la liste des reproches adressés au chef de l'État, et souvent par son propre camp, n'en finit pas de s'allonger. S'il fallait les résumer en une phrase, ce serait sans doute celle-ci, prononcée sur un ton accablé par à peu près toute l'aile gauche du PS et de plus en plus de socialistes «modérés»: «Nous n'avons quand même pas été élus pour faire du Sarkozy.»
C'est bien le problème de François Hollande. Sous contraintes financières, sans aucune marge de manœuvre, exposé aux regards sans complaisance des marchés financiers, le chef de l'État n'aurait d'autre choix que d'appliquer la politique de rigueur que la gauche accusait son prédécesseur de pratiquer. Il est vrai que, depuis l'élection de François Hollande en mai, les raisons de douter se sont multipliées. Dans la foulée de la victoire de leur champion à l'élection présidentielle, les socialistes avaient modéré leurs critiques après l'adoption du «traité Merkozy» modifié à la marge par le nouveau président. Après le pacte de compétitivité de l'automne, ils avaient toutefois commencé à s'interroger. Et maintenant qu'arrive au Parlement l'accord national sur l'emploi, que la droite pourrait voter avec les socialistes, ils n'ont plus de doute.
D'autant qu'à tout cela s'ajoute ce qui est pris à gauche pour une sorte de renoncement de François Hollande à ses engagements de campagne, l'exemple le plus criant étant l'impossibilité de mettre en œuvre la fameuse taxe à 75 % sur les plus hauts revenus. Bref, la majorité du chef de l'État est en plein doute et ne voit pas comment il pourrait réussir son exercice télévisé. À tel point que certains parlementaires désappointés, n'attendant plus rien de François Hollande, hésitaient même mercredi à regarder son intervention télévisée.
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« Ce n'est pas encore le grand soir de la relance »
Jean-Vincent Placé
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C'est cette sorte de stupeur qu'a exprimée mardi le député Pascal Cherki, membre de l'aile gauche du PS. C'est aussi ce que ressentent les écologistes, chez qui le sénateur Jean-Vincent Placé assure ne pas attendre grand-chose de l'intervention de François Hollande. «Ce n'est pas encore le grand soir de la relance», mais «on ne va pas longtemps pouvoir dire que tout cela est de la faute de Sarkozy et de la droite», prévient-il. C'est également ce que l'on observe chez les radicaux de gauche, dont le patron Jean-Michel Baylet préfère toutefois renvoyer la responsabilité aux dirigeants du PS. «Il n'est pas en ordre de bataille, c'est clair», a assuré le sénateur, pour qui certains, au PS, «n'ont pas les épaules assez solides pour supporter les difficultés».
Ce climat de défiance qui règne dans la majorité, Jean-Luc Mélenchon l'a résumé à sa manière et en un mot: «débandade». Meilleur contempteur des socialistes en général et du chef de l'État en particulier, le leader du Front de gauche n'en finit pas de hausser le ton contre ses anciens amis au nom de «la colère du peuple». Sur le terrain, elle a d'ailleurs déjà trouvé sa traduction. C'était dimanche dernier dans l'Oise, à l'occasion d'une élection législative partielle, lorsque la candidate du FN Florence Italiani a enregistré un score de 48,6% au second tour après avoir réalisé 26,5 % au premier. Une progression spectaculaire qui ne pourrait s'expliquer que par un report des voix des électeurs socialistes sur la candidate frontiste. Jusqu'à présent, c'était inconcevable. Aujourd'hui, un tel transfert est devenu symptomatique du désarroi dans lequel se retrouvent plongés les électeurs de gauche.
«Ce serait une insulte et une grossière erreur politique que d'ignorer ce cri de colère», prévient l'un des fondateurs de la Gauche populaire, François Kalfon. D'autant que cette colère trouve largement sa retranscription dans les enquêtes d'opinion où le président de la République et son gouvernement poursuivent leur chute. Mercredi, un sondage LH2 pour
Le Nouvel Observateurestimait ainsi à 68 % la part des Français déçus de l'élection de François Hollande. Un autre sondage publié le même jour par OpinionWay pour LCI ajoutait que 76 % des personnes interrogées se disaient «assez ou très mécontentes de la politique économique et sociale du gouvernement».
Des chiffres suffisamment mauvais pour que nul, dans l'entourage de François Hollande, n'envisage de réussir à les améliorer grâce à l'intervention télévisée. Au contraire, on semble même résolu à encaisser en attendant que la situation s'améliore. «Beaucoup d'actions ont été engagées, mais leurs résultats ne seront visibles que dans quelques mois», plaide Aquilino Morelle, conseiller politique du président. Pas de quoi rassurer le PS, son aile gauche, les autres composantes de la majorité, les partis de gauche qui n'en font pas partie. Quant aux Français…