Après les derniers enlèvements et assassinats d'enfants : Les parents s'organisent face aux kidnappings

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Mercredi, 20 Mars 2013 09:50

Après les derniers enlèvements et assassinats d’enfants : Les parents s’organisent face aux kidnappings

Par : Malika Ben



Il est vrai que l’enlèvement et l’assassinat des enfants datent de plusieurs années déjà, mais le phénomène a pris, subitement, une ampleur qui plonge les parents dans une inquiétude obsessionnelle. Serait-ce le tour de mon enfant ? s’interrogent certains parents qui avouent avoir changé leurs habitudes et pris de nouvelles mesures de sécurité pour mieux protéger leur progéniture.

Yasser, Sanaâ, Abderrahmane, Chaïma, Soundous, Brahim, Haroun et la liste reste ouverte, puisque les tentatives d’enlèvements se poursuivent. Des innocents destinés à un bel avenir et dont l’enfance ne devait être que synonyme de joie et de bonheur. Des innocents pleins de vie et d’énergie dont le chemin a malheureusement croisé celui de sanguinaires sans foi ni loi. Leurs parents auraient tant souhaité que les noms et photos de leur progéniture fassent la une des journaux pour annoncer leur réussite et leur exploit dans un domaine donné et non pour rapporter et dénoncer l’atrocité du crime dont ils ont été victimes. Un crime qui plonge leurs familles dans un infini deuil. D’aucuns estimeront qu’enterrer son propre enfant après lui avoir donné la vie, sachant qu’il a rendu son dernier souffle seul et dans la douleur la plus atroce est certainement le summum des supplices que peuvent vivre des parents. Quand l’innocence est martyrisée par des psychopathes et autres pédophiles que les gémissements d’un enfant n’arrêtent pas, la blessure ne se referme certainement jamais. Les parents, qui ont malheureusement eu à vivre cette dure épreuve, voient leur vie basculer à jamais ! Et comme nous l’a dit une maman, si ce n’était leurs obligations envers les autres enfants, ils se seraient complètement abandonnés à leur chagrin. Situation dramatique somme toute compréhensible car un enfant kidnappé, violé et assassiné est l’horreur dans toute sa dimension. Et quand cette horrible épreuve ne survient pas par accident mais programmée et répondant à un plan machiavélique élaboré par des frustrés qui s’attaquent à des proies faciles, la crainte des parents ne peut être que légitime et grandissante.

En effet, le fait que la cadence des enlèvements et des assassinats s’accélèrent et ne soient pas des cas isolés mais touchent diverses régions du pays, notamment la région de Constantine, réputée conservatrice, plonge les parents dans l’inquiétude. Un climat de psychose s’est installé un peu partout et une phobie s’est emparée de toutes les familles qui voient le danger partout et doutent de tout passant posant le regard sur leurs enfants. Notre virée à travers certains établissements de la capitale et une discussion à bâtons rompus sur le sujet avec des parents nous renseignent sur l’état d’esprit qui règne désormais dans la société. La confiance n’est plus de mise, place à la vigilance grand V, aux conseils ressassés à longueur de journée et à l’isolement.

Plus question de se promener dans la rue, de sortir jouer dans son propre quartier, d’aller seul chez le libraire ou l’épicier du coin… En un mot, les interdits se sont multipliés et diversifiés, allant jusqu’à étouffer les enfants qui ont du mal à s’adapter aux nouvelles règles. En fait, chaque parent y va de sa propre lecture des derniers évènements dramatiques et de ses propres moyens de sécurité. Le manque de renseignements tangibles sur les motifs de cette barbarie n’est pas fait pour apaiser la crainte des familles qui sont persuadées qu’elles sont les seules garantes de la sécurité de leur progéniture.

Les parents adoptent de nouvelles mesures de protection

“J’avoue qu’au début de ces tragiques enlèvements et assassinats qui m’ont réellement bouleversée, je ne me suis pas trop inquiétée. Mais quand la cadence s’est accélérée, je me suis rappelée, étrangement, la période du terrorisme où je ne pouvais rater les informations pour être fixée sur l’endroit choisi par les terroristes pour sévir. Je pense qu’une seule question taraude l’esprit des familles : à qui le tour ?” nous confie une maman venue chercher ses enfants de leur école à Belouizdad (ex-Belcourt). À vrai dire, l’école où ils sont scolarisés est située à quelques mètres de l’immeuble où la famille habite, mais la psychose est telle que l’on ne peut plus attendre à la maison l’arrivée des enfants. “Une minute de retard et ce sera l’enfer, alors je préfère arriver avant la sortie des classes.” Et c’est le cas pour la grande majorité des nombreuses mamans qui se bousculent désormais devant les établissements scolaires. “L’école n’est pas très loin mais je ne cesse d’imaginer qu’une voiture s’arrête et redémarre en trombe en embarquant mon fils, et la suite je n’ose même pas l’imaginer”, raconte une autre maman. Et une autre ajoute : “Ma fille âgée de 8 ans est traumatisée par tout ce qui se dit autour d’elle sur ces évènements. Elle en fait des cauchemars. C’est elle qui insiste pour que je vienne la chercher. Elle refuse même de venir avec la voisine.” En parlant de voisine justement, une maman habitant la cité Amirouche et travaillant à la place du 1er- Mai nous révèle que sa voisine, à qui elle a confié ses jumeaux de 12 ans depuis leur jeune âge, est venue la voir il y a quelques jours pour lui expliquer qu’elle ne peut garantir la sécurité de ses enfants que dans sa propre maison. “C’est en l’entendant me dire : des précautions s’imposent car cela n’arrive pas qu’aux autres que ma crainte a doublé”. Et depuis, la maman profite de la pause-déjeuner pour aller récupérer ses enfants au collège. “Je n’aurais pas pu m’en sortir sans le métro. Mon budget en a pris un coup, mais c’est pour le bien des enfants, en attendant que nos autorités daignent nous rassurer.” Idem pour ce couple de médecins qui, depuis quelques semaines, se relayent pour récupérer les enfants à la sortie du CEM. Avant c’était l’aîné de la famille, lycéen, qui accompagnait ses deux frères à la maison et s’en occupait jusqu’à l’arrivée de la maman vers 18 heures. “Mais la situation impose plus de sécurité. On prend sur notre temps et notre travail pour tenter de minimiser nos craintes”, confie ce père de trois enfants. Et d’avouer : “Je crois que je ne survivrai jamais à un tel drame. Déjà que nous avons du mal à accepter la volonté divine lorsqu’il s’agit de mort naturelle, alors qu’en est-il (que Dieu me pardonne) quand ce sont des drogués et des pédophiles qui détiennent la destinée de ce que vous avez de plus cher au monde.”

Trafic d’organes, pédophilie ou autres ?

Ce qui inquiète le plus certains parents c’est de ne pas savoir quels sont les motifs de cet acharnement contre les enfants.

“Les autorités ne nous disent pas tout alors que tout porte à croire que les choses sont extrêmement graves. Il faut que les parents sachent si c’est un réseau de trafic d’organes, une bande de pédophiles ou autres”, soutient une maman rencontrée au centre commercial de Bab-Ezzouar. Et de regretter : “Nous ne savons plus quoi faire si ce n’est étouffer nos enfants en les enfermant à la maison, en les emmenant à l’école et en leur interdisant plein de choses. Ce qui est affreux, c’est d’être contraint de leur dire la vérité qui fait peur car sans cela ils ne comprendront pas qu’ils sont réellement en danger.” Le même constat a été fait par un autre couple : “Le pire dans ce cauchemar, c’est que nous ne comprenons pas ce qui se passe au juste. Mis à part ce que rapporte la presse, le reste, voire les dessous de ce cauchemar, relève du secret d’État, ce qui laisse le champ libre aux plus folles rumeurs. On parle tantôt de trafic d’organes, tantôt de règlement de comptes, de guerre de clans… Nous ne savons qui et quoi croire”, commente le couple qui, tout au long de notre discussion, n’avait pas lâché les mains de leurs filles. Ces dernières insistaient pour faire quelques pas pour acheter des glaces, mais le papa était catégorique et ferme. “Nous irons tous ensemble ! Il y a trop de monde ici et vous risquez de vous perdre” ; le papa voulait dire en fait “vous risquez de vous faire enlever !” La suite dramatique est inimaginable pour les parents contraints de jouer aux gendarmes et d’être beaucoup plus protecteurs et vigilants pour tenter, autant que faire se peut, d’épargner à leurs enfants le triste sort réservé à Haroun, Brahim et les autres innocents. Les parents ne croient qu’à leurs propres mesures de sécurité et de protection de leurs enfants. Les décisions prises par le Conseil interministériel pour lutter contre ce phénomène ne semblent pas rassurer les familles.

“La prévention et la sensibilisation de nos enfants, nous les avons entamées bien avant la tenue du Conseil interministériel. Nous avons beau essayer de cacher la triste réalité aux enfants, mais ils en parlent avec leurs copains de classe. Ils sont traumatisés et puis qui mieux qu’un parent pour se soucier du sort de sa progéniture et la protéger de tous les dangers”, commente un parent. Enfin, affichant une profonde compassion pour les familles endeuillées, les parents espèrent que ce cauchemar se termine rapidement. Sans faire de nouvelles victimes.

M B