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Barack Obama rattrapé par «les tourments du monde»
Mis à jour le 13/02/2013 à 00:06 | publié le 12/02/2013 à 18:29
Barack Obama devant le Congrès à Washington, le 24 janvier 2012, lors du dernier discours sur l'état de l'Union.
La bombe nord-coréenne et le retrait de 34.000 soldats d'Afghanistan s'invitent dans son discours, mardi soir, sur l'état de l'Union.En réalisant un nouvel essai nucléaire à quelques heures du discours sur l'état de l'Union que devait prononcer mardi soir, à 21 heures locales (3 heures du matin en France), le président américain, les Nord-Coréens ont révélé à quel point l'ordre des priorités du second mandat de Barack Obama pourrait être bouleversé par les crises internationales.
Le chef de l'État ne devait initialement consacrer qu'une part restreinte de ce discours annuel - qui consiste rituellement à décliner la liste des dossiers prioritaires devant les deux chambres du Congrès - aux questions de politique étrangère. Son temps fort sur ce terrain devait être l'annonce d'une réduction de moitié du contingent américain en Afghanistan d'ici à la fin 2013 (de 68.000 à 34.000 hommes), dans la perspective d'un retrait total programmé pour fin 2014.
On s'attendait à Washington à ce que le président se concentre surtout sur les questions économiques, notamment sur la meilleure manière de stimuler la croissance et l'emploi tout en s'attaquant au casse-tête des déficits - à travers une négociation de court et de long terme avec les républicains sur les systèmes de protection sociale et le budget militaire. Dans le prolongement du discours d'investiture du 21 janvier, les experts prédisaient aussi qu'une place importante serait consacrée au changement climatique et à la nécessité de répondre à ce défi en misant sur les énergies vertes. L'immigration et le dossier du contrôle des armes, priorité définie après la tuerie de Newtown dans le Connecticut, devaient en outre être à l'honneur.
Mettre les conservateurs sous pression Contrairement à la tradition qui veut que le président utilise surtout son second mandat pour s'affirmer sur la scène du monde, Obama semblait décidé, malgré la division du Congrès et l'obstacle majeur que constitue la majorité républicaine à la Chambre des représentants, à dessiner un cadre ambitieux et très offensif de réformes, afin de mettre les conservateurs sous pression et de s'appuyer sur la crise d'identité qu'ils traversent. Bref, il paraissait plus que jamais rester fidèle à son credo selon lequel l'Amérique doit impérativement s'occuper de se reconstruire si elle veut conserver son leadership international. Une approche illustrée par les déclarations répétées du président sur «la fin d'une décennie de guerres» et les annonces de retrait d'Afghanistan.
Mais mardi, les commentateurs s'attendaient à des modifications de dernière minute pour répondre à l'inquiétant pied de nez de la Corée du Nord. L'affaire nord-coréenne ne tombe pas bien pour Barack Obama, qui projetait aussi d'annoncer hier soir de nouvelles réductions de son arsenal nucléaire, dans la foulée du traité de désarmement négocié avec les Russes lors du premier mandat. La Maison-Blanche n'a eu de cesse depuis quatre ans de souligner que les grands pays nucléaires devaient montrer l'exemple s'ils voulaient combattre la prolifération et convaincre des pays comme l'Iran et la Corée du Nord de renoncer à leurs programmes atomiques militaires.
Priorités intérieuresMais si les Nord-Coréens ont véritablement réussi à miniaturiser une bombe susceptible de voyager jusqu'aux côtes de l'Amérique, la résistance à tout désarmement unilatéral, déjà très forte au Congrès, devrait croître. «Alors que les États-Unis sont censés s'engager dans une réduction de leurs dépenses militaires et que le nouveau candidat au poste de secrétaire à la Défense (Chuck Hage) plaide pour une réduction de l'arsenal nucléaire, les questions sur la crédibilité du parapluie américain vont croître à Tokyo et à Séoul», prédit l'expert de la Carnegie James Schoff.
Les questions devraient se faire aussi plus insistantes du côté de l'allié israélien, qui reçoit actuellement - un hasard? - la visite du sous-secrétaire américain à la Défense, Rose Gottenberg, vu la bombe à retardement que représentent le nucléaire iranien et les liens qu'entretient Téhéran avec la Corée du Nord…
Dans ce contexte international dangereux et imprévisible, que restera-t-il de l'agenda de priorités intérieures que s'apprêtait à décliner Barack Obama mardi soir? Comme le notait récemment le spécialiste de politique étrangère Robert Kagan au
Figaro, les présidents américains ont souvent été rattrapés par «les tourments du monde» alors même qu'ils cherchaient à y échapper. L'Administration démocrate actuelle a beau vouloir théoriser «une empreinte légère en politique étrangère», elle pourrait bien se retrouver prisonnière une fois de plus du statut de «puissance indispensable» de l'Amérique.