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Le volte-face de Barack Obama sur la Syrie
Mis à jour le 01/09/2013 à 09:46 - Publié le 01/09/2013 à 08:45
«Nous devons avoir ce débat car le problème est trop lourd pour être traité comme une affaire ordinaire», a justifié samedi le président des États-Unis, Barack Obama.
Le président américain a créé la surprise samedi en appelant le Congrès à voter sur une intervention armée en Syrie.
C'est un sacré retournement que Barack Obama a réalisée ce samedi après midi dans le jardin aux roses de la Maison-Blanche plongeant l'Amérique, la Syrie et le monde dans une incertitude et une confusion plus grande encore que celle qui avait régné cette semaine. Alors que tout le monde attendait des frappes après le plaidoyer fervent du secrétaire d'État John Kerry en faveur d'une riposte militaire, vendredi, c'est un appel au Congrès qui est venu.
Après avoir passé toute la semaine à annoncer sur tous les tons que son administration s'apprêtait à mener une opération militaire limitée en Syrie, pour «punir» le régime de Bachar el-Assad d'avoir utilisé des armes chimiques contre sa population, le président a annoncé qu'il allait finalement demander l'approbation du Congrès préalablement à toute action. Bref, qu'il était urgent d'attendre un peu. «Même si je considère avoir l'autorité pour mener cette action militaire sans autorisation spécifique du Congrès, je sais que le pays sera plus fort si nous utilisons cette voie. Nous devons avoir ce débat car le problème est trop lourd pour être traité comme une affaire ordinaire», a-t-il expliqué, sous le regard impassible de son vice-président Joe Biden, debout à ses côtés.
Un appui chaleureuxCette décision va automatiquement geler d'éventuelles frappes au moins jusqu'au 9 septembre, date à laquelle le Congrès reprend ses travaux et a accepté de voter sur le sujet. Le président a estimé dans son explication que ce délai ne posait pas de problème militaire, les frappes destinées à sanctionner l'action d'Assad «pouvant être menées dans une semaine comme dans un mois», a-t-il dit. Sa décision a reçu l'appui chaleureux de la direction du Sénat et de la Chambre - et notamment des Républicains - qui réclamaient à toute force d'être consultés avant toute décision d'intervention.
Mais ce nouveau rebondissement a pris Washington et le monde totalement par surprise, suscitant de nombreuses conjectures sur les raisons qui avaient pu pousser le président à changer d'avis: les conseillers d'Obama avaient en effet martelé ces derniers jours que le président pouvait fort bien se passer de l'accord du Congrès.
- Citation :
- «La décision est extrêmement difficile pour lui»
Janine Digiovanni du Conseil pour les relations extérieure
Obama s'est-il finalement senti trop isolé pour décider d'intervenir en quasi-solo, quand il a vu brusquement son allié britannique David Cameron lui faire faux bond sous la pression de son propre parlement? A-t-il vu fondre l'espoir de mettre sur pied une coalition? La tiédeur d'une opinion américaine devenue allergique à toute idée d'intervention militaire et les lettres signées par quelque 200 membres du Congrès, exigeant un débat préalable, ont-t-elles joué? Ou le président était-il lui-même trop hésitant pour décider de passer à l'action avec la seule aide d'un président Hollande, plein de bonne volonté mais affaibli par la crise économique et politique qui mine la France?
«La décision est extrêmement difficile pour lui, il ne peut se permettre de ne pas répondre à l'action d'Assad, c'est une question de crédibilité pour l'Amérique, pour son rôle de leader moral et de garant de la non prolifération, et en même temps, les risques que cette immixtion étrangère aggrave les flammes du conflit au niveau régional sont très grands», a confié ce samedi l'analyste Janine Digiovanni du Conseil pour les relations extérieures, qui termine un livre sur le sujet. Elle a parlé d'une période d'immense incertitude et de grande solitude pour le président américain, «d'un tournant crucial dont l'issue définira son mandat «Il est soumis à une pression gigantesque et toutes les options sont mauvaises», a-t-elle noté, ajoutant qu'il s'était fait piégé par la définition d'une ligne rouge sur les armes chimiques.
Selon le
New York Times, les conseillers présidentiels étaient loin d'être tous d'accord, quand Obama a convoqué vendredi soir une réunion pour leur faire part de son intention de requérir une autorisation du parlement. Un débat «robuste» a apparemment eu lieu avant que le président n'emporte l'adhésion.
Une partie loin d'être gagnéeLa partie de poker qui s'annonce au Congrès est loin d'être gagnée d'avance. Nombre d'élus de la Chambre des Représentants, dominée par les républicains, entretiennent une position libertaire opposée à toute forme d'intervention à l'étranger. La gauche du parti démocrate est elle aussi extrêmement réticente à l'idée de repartir en guerre. Quant aux faucons interventionnistes comme John McCain, ils ont fait savoir qu'ils exigeraient une action beaucoup plus résolue comme condition de leur accord. Une intense campagne de lobbying va devoir être menée par la Maison-Blanche pour convaincre les élus de ne pas «fermer les yeux quand des jeunes garçons et filles sont gazés à mort par leur gouvernement», a dit Obama. Ce samedi, le président a rappelé qu'il s'agissait non seulement d'un problème de morale, mais de sécurité nationale pour l'Amérique, pays leader et donc responsable du respect du système de non prolifération et de non utilisation d'armes interdites.
La question qui est dans toutes les têtes est de savoir ce que fera le président si le Congrès refuse néanmoins de lui accorder les pouvoirs d'agir militairement en Syrie.