WEB - GOOGLE - CULTURE > Musique
Claude Nobs, l'homme-orchestre
Mis à jour le 11/01/2013 à 16:48 | publié le 11/01/2013 à 14:22
Claude Nobs.
Avec la mort à 76 ans du fondateur du Festival de Montreux, disparaît un acteur majeur de la scène musicale internationale.Claude Nobs et Quincy Jones.
«Il me manquera comme le frère qu'il était à mes yeux. Si Dieu avait créé un meilleur ami que Claude, il l'aurait gardé pour lui», a écrit le grand producteur Quincy Jones après la mort de Claude Nobs, disparu jeudi soir, à l'âge de 76 ans. Les réactions fusent du monde entier: Herbie Hancock, Brian May, Angélique Kidjo, Michel Polnareff, Mick Hucknall, Niles Rodgers...
Pour comprendre l'homme et la passion qui l'animait, il suffisait d'être invité dans son chalet, «Le picotin», situé sur les hauteurs de Montreux. Une vraie caverne d'Ali Baba qui regorgeait de trésors: juke-boxes, flippers, viellles motos, trains miniatures, une discothèque de quelque 45.0000 titres et une vidéothèque de plus de 6000 heures d'enregistrement du festival de Montreux. Toute sa vie était réunie là dans un savant bric-à-brac.
Nesuhi Ertegun, son mentor Depuis quarante cinq ans, Claude Nobs animait avec sa faconde toute suisse, l'un des plus célèbres festivals de jazz du monde, sur les bords du Lac Léman, à Montreux, rendez-vous obligé des musiciens de toutes origines et de tous styles. Homme de terrain et d'idées, véritable chef d'orchestre des concerts les plus prestigieux, cet ancien patron WEA international (Warner-Elektra-Alantic), côtoyait tout ceux qui comptaient dans le jazz et la musique rock. Dylan, Fleetwood Mac, Aretha Franklin, Ray Charles, Miles Davis, Stones, Led Zeppelin, Crosby, Stills, Nash and Young, Paul Simon, Patti Smith, la liste est longue...
Il fut à la fois le témoin et l'acteur de l'âge d'or de l'industrie du disque qui allait de pair, dans les années 1960-1970, avec un foisonnement et une richesse musicale sans pareil. Couronné par le magazine
Downbeat pour l'ensemble de sa carrière, commandeur des Arts et Lettres, Claude Nobs avait été élu «Personnalité de l'année» par le Midem 2007. Une distinction qui le touchait d'autant plus qu'ele avait été créée par son mentor, Nesuhi Ertegun, le fondateur d'Atlantic Records, qui l'avait engagé au sein de Warner. Sur mon contrat, se souvenait-il, il avait écrit sur un simple bout de papier: “Claude s'occupera de la musique, des artistes... et de la cuisine.”».
Des fourneaux à Miles Davis Claude Nobs et B.B. King.
Claude Nobs ou la fabuleux destin d'un adolescent de dix-sept ans qui choisit de devenir cuisinier plutôt que de reprendre la boulangerie familiale. En apprentissage à Bâle, il découvre Duke Ellington et Ella Fitzgerald. De retour à Montreux, il travaille comme comptable à l'Office du tourisme. C'est à ce moment là qu'il a l'idée de monter un festival. Avant de se lancer dans l'aventure en 1967, grâce au soutien de Nesuhi Ertegun, il sera le premier à inviter les Stones en Suisse.
Les plus grands noms de la scène internatinale se succèderont sur les rives du Léman: Count Basie, Miles Davis, James Brown, Ray Charles, Eric Clapton, Prince, David Bowie, Gilberto Gil, B.B. King, Oscar Peterson, Nina Simone, Leonard Cohen, Santana, Keith Jarett. L'incendie du Casino de Montreux, en 1971, inspira à Deep Purple leur tube planétaire,
Smoke in the water, dans lequel est mentionné «funky Claude».
Observateur avisé des évolutions du disque qui ont conduit du 33 tours au CD jusqu'à la révolution numérique, Claude Nobs reconnaîssait l'impuissance de l'industrie à contrôler le téléchargement, la dématérialisation de la musique et regrettait «ce raz-de-marée consumériste, cette fringale musicale du public face à des centaines de milliers de titres disponibles en ligne, parfois sans aucun contrôle antipiraterie.» Sceptique sur les effets de l'Internet sur la musique - «Est-ce une chance pour la création? Je n'en suis pas sûr», avouait-t-il , déplorant le retard pris par l'industrie contre la piraterie et les effets néfastes de la gratuité. Malgré tout, Claude Nobs , optimiste, préconisait simplement «de replacer en avant les artistes et la création, de privilégier la scène et de retrouver le son le plus naturel possible à une époque où la consommation électronique à outrance a détérioré la qualité d'écoute».