Réunion d’experts sur le Mali : La participation algérienne se précise
le 01.11.12 | 10h00
L’Algérie qui a longtemps tergiversé en raison de son incapacité d’anticipation sur les événements qui s’accélèrent dangereusement à ses frontières, se trouve «incorporée» dans une opération militaire d’envergure internationale.
Le plan d’intervention militaire au nord du Mali semble entrer dans sa phase opérationnelle. Selon des sources, les experts militaires tablent sur une force d’intervention de 3500 à 8000 hommes et le commandement des opérations serait vraisemblablement installé à l’ouest du Niger. Ils seraient également à la recherche d’un centre d’appui aux opérations qui vont se dérouler sur une période initiale de trois mois. Le concept d’opération exigé par la résolution du Conseil de sécurité du 12 octobre dernier est en passe d’être mis au point. Et c’est l’objet de la réunion tenue, avant-hier, à Bamako et qui durera une dizaine de jours. Des experts militaires algériens ont pris part, aux côtés de leurs homologues africains, français, britanniques et américains, à cette réunion qui devrait aboutir à soumettre au Conseil de sécurité «des recommandations sur les moyens et modalités du déploiement envisagé et plus particulièrement le concept d’opérations, les capacités de la force, ses effectifs et son coût financier».
Ainsi, la participation algérienne à cette réunion, dans le but de préparer l’intervention militaire, est évidente. L’Algérie, qui a longtemps tergiversé et en raison de son incapacité d’anticipation des événements qui s’accélèrent dangereusement à ses frontières, se trouve «incorporée» dans une opération militaire d’envergure internationale. La doctrine qui fonde la diplomatie algérienne en pareille situation, selon laquelle le pays et son armée n’interviennent jamais en territoire extérieur, risque à l’occasion de subir une véritable entorse. Si la participation directe des troupes militaires algériennes dans les opérations futures au nord du Mali reste «une ligne rouge à ne pas franchir», il n’en demeure pas moins que l’Algérie est appelée à jouer un rôle prépondérant dans la «reconquête» du nord du Mali. C’était l’objet central des discussions qui ont eu lieu entre le président Bouteflika et la secrétaire d’Etat américaine, Mme Hillary Clinton, de passage à Alger lundi dernier, selon des sources au fait du dossier. Il est évident qu’une opération au nord du Mali ne pourrait se faire sans le concours d’Alger.
«Le nord du Mali, c’est aussi le sud de l’Algérie», suggère un diplomate qui laisse entendre que l’Algérie aura un rôle important à jouer. Lequel ? Sur cette question, les officiels algériens restent muets. Les services d’information des Affaires étrangères comme ceux de la Présidence sont avares en matière de communication. L’opinion publique nationale est tenue loin d’un dossier aussi sensible, alors qu’un débat sérieux aurait dégagé un consensus plus large et pour le moins nécessaire. Tout porte à croire que l’Algérie sera active dans le domaine de la logistique, mais aussi et surtout elle est appelée à «ériger un muraille militaire aux frontières pour empêcher les éléments des groupes armés de pénétrer sur le territoire algérien».
Le quotidien El Khabar a indiqué, dans son édition d’hier, que «l’armée algérienne est en état d’alerte maximale à Tamanrasset avec un renforcement des troupes dans la perspective d’opérations ciblées contre les groupes d’AQMI et du Mujao». En somme, à trois semaines de l’expiration du délai accordé par le Conseil de sécurité aux pays de la Cédéao et de l’Union africaine pour élaborer «un plan de guerre» devant servir de base à une seconde résolution de la même instance qui donnerait le feu vert pour l’intervention militaire, les pays de la région, dont l’Algérie, et les puissances occidentales semblent aligner leurs «chars» sur la même ligne d’attaque. Américains et Français se sont concertés à Paris, en présence des représentants de certains pays africains, avant le déplacement de Mme Clinton à Alger. «Des hauts responsables militaires et des diplomates américains, dont Johnnie Carson, le sous-secrétaire d’Etat américain pour l’Afrique, se sont entretenus avec leurs homologues français sur la collecte des renseignements ainsi que sur la coordination de l’intervention au Mali», a rapporté le Washington Post dans son édition de mardi dernier.
Cependant, pour l’Algérie, il reste un point de divergence, notamment avec la France : la nature du groupe Ançar Eddine qui règne au Nord-Mali. Si Paris considère qu’«il ne faut pas se faire d’illusion sur la nature terroriste de ce groupe et de ce fait il devrait être une cible des opérations des forces internationales», Alger pense jusqu’à présent le contraire. Les diplomates algériens estiment qu’il y a des possibilités de négocier avec ce groupe, dans une démarche de dialogue politique qui va de pair avec l’action armée. C’est justement ce que confirme un porte-parole de ce groupe, Sanda Ould Boumama, dans une interview accordée au journal électronique TSA.
Il a affirmé que les contacts entre son groupe et les autorités algériennes n’ont jamais été rompus : «Les contacts avec les autorités algériennes n’ont pas été interrompus, ne serait-ce que pendant 24 heures. Nos délégations se sont souvent rendues à Alger. L’Algérie a déclaré à plusieurs reprises qu’une solution politique existe.» Mais s’il croit renforcer la position algérienne, c’est bien le contraire. Il met Alger dans une position inconfortable en déclarant : «Nous sommes un mouvement islamiste qui a décidé de porter les armes pour faire appliquer la charia dans le nord du Mali.» Voilà qui, par contre, conforte la position de Paris.
Hacen Ouali
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