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 Tunisie : le double jeu islamiste

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Jamel
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Jamel


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MessageSujet: Tunisie : le double jeu islamiste   Tunisie : le double jeu islamiste Icon_minitimeDim 30 Sep - 6:15

WEB - GOOGLE - ACTUALITÉ Tunisie : le double jeu islamiste F_tetrub International

Tunisie : le double jeu islamiste

Publié le 28/09/2012 à 16:10

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Quartier des Berges du Lac, près de l'ambassade des Etats-Unis, vendredi 14 septembre. La référence à Oussama Ben Laden est la signature des émeutes qui vont faire qatre morts.

REPORTAGE - Par deux fois en une semaine, la Tunisie a frôlé le chaos. Par deux fois, ce sont les islamistes qui ont mis le feu aux poudres. Retour sur cette semaine de tous les dangers.

Quatre morts et plusieurs dizaines de blessés, une ambassade incendiée, une autre transformée en camp retranché, une école internationale pillée et délestée de centaines d'ordinateurs, des dizaines de carcasses de voitures calcinées, une ville entière en état de siège, quadrillée en son coeur par un dispositif policier et militaire sans précédent... C'est l'incroyable semaine qu'a vécue Tunis, entre les grandes prières des vendredis 14 et 21 septembre. La diffusion sur internet du film américain L'Innocence des musulmans et la publication des caricatures de Mahomet dans le journal satirique français Charlie Hebdo ont déclenché, au pays du jasmin, une réaction en chaîne dont la violence a surpris les Tunisiens eux-mêmes.

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Pour éviter un second vendredi noir, le gouvernement provisoire a deployé un dispositif sécuritaire impressionnant.

Mercredi 19 septembre, en début de soirée. Depuis quelques heures, l'ensemble du monde musulman a connaissance de la teneur des dessins de l'hebdomadaire français. L'avenue Habib-Bourguiba, les Champs-Elysées de Tunis, est calme. Avec le photographe Noël Quidu, nous la remontons à pied en direction de la place de l'Indépendance et de la médina.

Il est 22 heures, les terrasses des cafés affichent pratiquement complet. Bière ou café, à chacun sa manière d'apprivoiser les 30 °C qui règnent encore ici. On sent une inquiétude sourde. La ville reste traumatisée par les événements du vendredi précédent, qui alimentent davantage les conversations que la récente rentrée des classes.

L'invraisemblable assaut de l'ambassade américaine

Nous croisons un journaliste free-lance norvégien, encore marqué par l'assaut contre l'ambassade américaine du vendredi précédent: «Il y avait plus d'un millier de manifestants, dont beaucoup de jeunes, de très jeunes même. Le face-à-face avec la police, qui a perdu son sang-froid, a vite dégénéré et l'armée et la Garde nationale sont arrivées en renfort. Les manifestants avaient déjà réussi à pénétrer dans l'enceinte et à mettre le feu au bâtiment. Pendant plus de deux heures, ça a tiré dans tous les sens. A coups de lacrymogènes mais aussi à balles réelles. Sur les quatre manifestants tués, deux l'ont été par balles et les deux autres ont été écrasés par des véhicules blindés. Ce n'était pas facile à suivre car les journalistes sont vite devenus la cible des manifestants.»

Un reporter d'une chaîne de télévision est d'ailleurs toujours hospitalisé dans un état grave. Et aucune des questions soulevées à la suite de cette attaque, dans le quartier des Berges du Lac, n'a encore trouvé de réponse. Ali Larayedh, le ministre de l'Intérieur (parti Ennahda, islamiste), cristallise les critiques. Beaucoup de Tunisiens demandent sa démission. D'autres s'interrogent sur de drôles de «barbus» (salafistes) aperçus lors des émeutes, chaussures de sport aux pieds et canettes de bière à la main, pas vraiment la panoplie de l'islamiste pur et dur. Une théorie du complot commence à faire son chemin: d'anciens partisans du régime du président Ben Ali se glisseraient parmi les «barbus» pour déstabiliser le pays. Ce qu'un chauffeur de taxi résume avec humour et non sans bon sens: «Ben Ali Baba est parti, mais les 40 voleurs sont toujours là.»

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Les échauffourées vont se poursuivre pendant plus de deux heures dans les ruelles de la ville.

Jeudi 20 septembre, 8 heures du matin. Les deux quotidiens de langue française, La Presse de Tunisie et Le Temps, mentionnent l'appel à manifester du parti Ennahda et des autres partis islamistes pour le lendemain, après la grande prière du vendredi, afin d'exprimer la colère du peuple tunisien envers les caricatures parues dans Charlie Hebdo. «Dans le calme», est-il précisé. Un exercice d'équilibriste aussi périlleux que paradoxal moins d'une semaine après la tragédie de l'ambassade américaine. De son côté, le Quai d'Orsay fait savoir que l'ambassade de France à Tunis passe en mode veille et que l'ensemble du réseau scolaire français en Tunisie, soit une trentaine d'écoles, sera fermé du 19 au 24 septembre inclus. La physionomie du haut de l'avenue Bourguiba s'est d'ailleurs modifiée durant la nuit. Sur le terre-plein de la place de l'Indépendance se sont installés un blindé et quelques camions de troupes, alors que des rouleaux de barbelés ont été déroulés sur le trottoir devant l'entrée de l'ambassade de France. Un dispositif bien dérisoire en cas d'émeutes!L'inquiétude commence à peser sur la ville car la mosquée Al-Fath, d'où doit partir la manifestation, se trouve à moins d'un kilomètre de là. Une mosquée où, quelques jours plus tôt, Abou Iyadh, le chef des salafistes qui a mené l'assaut contre l'ambassade américaine, recherché depuis dans tout le pays, a tenu des propos d'une extrême violence. Les forces de police avaient cerné la mosquée. Le numéro un salafiste a pourtant été exfiltré sous leur nez, avant d'envoyer un message provocateur à l'intention du ministre de l'Intérieur: «Si vous êtes capables de m'arrêter, prouvez-le. Mais déchantez, car vous n'y parviendrez jamais.»

Jeudi, début d'après-midi, place de l'Indépendance. Mohammed, plus de trente années comme guide officiel dans la médina, se désespère: «Les touristes ne sont plus là. Avant, je faisais trois ou quatre visites de groupe par jour.

Depuis huit jours, les annulations d'escale de bateaux de croisière se multiplient au port de La Goulette. Je ne travaille plus que deux demi-journées par semaine...»Fin d'après-midi. Incroyable mais vrai: des exemplaires du journal Libération reproduisant la une de Charlie Hebdo figurent dans deux kiosques de l'avenue Bourguiba, dont celui proche de l'ambassade de France! Ils vont rester en vente deux jours...

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A Sidi Bouzid, berceau de la révolution, le temps s'est figé. Les slogans et le monument commémoratif ne font pas oublier qu'ici, et sans doute beaucoup plus qu'autre part, rien n'a changé pour les jeunes Tunisiens.

Jeudi, 18 h 30. Une dépêche de l'AFP annonce que la Tunisie interdit de manière officielle la manifestation du lendemain, mais aussi sur l'ensemble du territoire. Officiellement, les islamistes d'Ennahda calment le jeu, mais ils continuent à appeler à la manifestation via les réseaux sociaux sur le net. Les Français de Tunis, eux, se font de plus en plus rares dans les rues, respectant les consignes de l'ambassade.

Jeudi, minuit. Comme chaque soir, la salle du petit déjeuner de notre hôtel modeste se transforme en night-club où se succèdent chanteurs et chanteuses populaires, mais aussi quelques jeunes filles chaperonnées par de plantureuses mères maquerelles. Le monde de la nuit à Tunis. On rit, on s'amuse et on boit de la bière, du gin ou de la vodka. Un monde qui s'étourdit comme pour mieux conjurer la menace de sa disparition possible. Ce soir, Leïla repartira au bras de l'homme d'affaires débonnaire qui l'a invitée à sa table.

Vendredi matin, avenue Bourguiba. La nouvelle de l'annulation est loin de faire les gros titres de la presse. En revanche, le coeur de la capitale découvre à son réveil un dispositif d'état de siège impressionnant. L'ambassade de France est cernée de tous côtés, enrubannée de rouleaux de barbelés, défendue par des dizaines de blindés, véhicules légers et canons à eau. Plusieurs centaines de policiers, militaires et membres de la Garde nationale ont été positionnés dans un rayon de 300 mètres. Une vingtaine de motos chevauchées par des binômes en cagoule noire de ninja sont en stand-by.

Place de l'Indépendance, 10 h 30. Imperceptiblement, l'atmosphère se fait plus lourde. Les journalistes sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux. La plupart des Occidentaux, sécurité oblige, travaillent accompagnés de locaux. Les rues qui convergent vers la place sont fermées au trafic des voitures, mais aussi des motos et des scooters. Quand ils sont pilotés par des jeunes, la fouille se fait systématique. Plusieurs bouteilles dont «l'eau» dégage un curieux parfum sont confisquées. La foule est invitée à se disperser. Les policiers deviennent nerveux.

11 h 30. Un hélicoptère passe au-dessus de nous. Devant moi, me regardant droit dans les yeux, un homme arrache du mur une affiche de l'Ecole de formation des cadres, dont les trois lettres EFC en bleu, blanc et rouge ne peuvent cacher l'origine. Comme pour lui répondre, provocateur, un colosse tunisien déambule, barbe de huit jours, avec un maillot siglé «Équipe de France».

12 h 00. Le dispositif semblant suffisamment dissuasif, nous nous dirigeons vers la mosquée Al-Faht. 12 h 30. Place de la République, à moins de 300 mètres de la mosquée où la grande prière vient de débuter. Un blindé prend toute la rue en enfilade dans son champ de tir. L'ambiance est électrique. Les policiers hurlent des ordres, entre eux ou vis-à-vis d'une foule qui s'amasse sans qu'on puisse savoir de qui elle est constituée. Les journalistes ne semblent pas vraiment les bienvenus.

Un face-à-face tendu et nerveux dans les ruelles du vieux Tunis

13 h 30. La mosquée déverse ses centaines de fidèles qui convergent en direction de la place de la République, où les attend un impressionnant cordon de policiers équipés comme des Rambo. Silence dans les rangs d'un côté, slogans hurlés de l'autre. Mais intransigeance partagée. Avec un porte-voix, un imam exprime la détermination de la communauté islamique et dénonce l'humiliation faite au prophète Mahomet par la publication des caricatures de Charlie Hebdo. Il s'éclipse bientôt et laisse en première ligne des éléments beaucoup plus virulents et plus jeunes qui s'engouffrent dans une rue adjacente. Le face-à-face est tendu. Les islamistes se replient, attirant les forces de l'ordre derrière eux, avant de leur faire face soudain et de les arroser de parpaings. Un moment de doute, presque de peur, flotte dans le regard de certains policiers. Ordres hurlés. Les ninjas à moto interviennent dans les ruelles, distribuant quelques coups à la volée et au hasard à des passants qui cherchent un abri dans les boutiques n'ayant pas eu le temps de baisser leur rideau de fer. Quelques grenades lacrymogènes sont lancées un peu dans la panique, en reculant, ce qui vaut à leurs auteurs de sérieuses remontrances de la part de la hiérarchie.

Durant près de deux heures, le harcèlement se poursuit. Impossible de savoir combien ils sont à jouer ainsi au chat et à la souris. Le premier cordon de police qui avance se fait de plus en plus mince, une quinzaine d'hommes tout au plus, qui ne savent plus qui sont les badauds sur les trottoirs. Coups d'oeil incessants devant, derrière, à mi-hauteur vers les balcons et plus haut vers les toits. Un commandant en civil stoppe la progression à un carrefour. Les manifestants se sont évanouis, fondus dans le paysage.

16 heures. Retour place de l'Indépendance, d'où certains journalistes n'ont pas bougé. Et n'ont donc rien vu. L'hélicoptère continue ses rotations dans le ciel. Jusqu'à la prière du soir.

19 h 00. La vie normale reprend son cours, mais le dispositif policier et militaire reste en place. Dissuasif, il a évité le pire. Mais les Tunisiens savent désormais que chaque vendredi risque de se transformer en journée test. Ce que prophétise Béji Caïd Essebsi, le leader de Nidaa Tounès (L'appel de Tunisie), menacé de mort, en évoquant les liens plus que douteux entre le parti islamiste majoritaire et ses «frères» salafistes: «Ennahda a dressé un tigre, qui a fini par le dévorer...»
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