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Impôts : tout le monde va trinquer
Mis à jour le 28/09/2012 à 17:09 | publié le 28/09/2012 à 14:27
«Nous ne sommes pas le gouvernement du matraquage fiscal» affirme Pierre Moscovici.
Pour réduire les déficits, Hollande a fait le choix des prélèvements. Vingt milliards de plus dans le budget 2013. En trois ans, la ponction frôle les 50 milliards! L'overdose.Il avait promis de faire une «grande réforme fiscale» en engageant dès cet été la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG afin que «la contribution de chacun soit rendue plus équitable». Cette réforme serait le «marqueur du quinquennat», la «mère de toutes les réformes», le début du commencement du «redressement dans la justice». Bref, on n'avait encore rien vu!
Mais au fil des semaines, la facilité, la démagogie anti-riches et quelques petites lâchetés face aux intérêts particuliers ont eu raison de la révolution fiscale de François Hollande. Au final, le projet de budget pour 2013, dévoilé ce vendredi, s'apparente à un très classique et très massif plan de hausses d'impôts tous azimuts qui vont d'abord frapper les familles, les épargnants, les classes moyennes... Bref, des millions de contribuables, et quelques super-riches pour la touche «justice». «Nous ne sommes pas le gouvernement du matraquage fiscal», a toutefois déclaré, sans rire, le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici.
Il a bien fallu trouver quelque part les 30 milliards d'euros nécessaires à la poursuite de la réduction du déficit l'an prochain. Le gouvernement ayant annoncé urbi et orbi ne pas vouloir tailler dans les effectifs de fonctionnaires - il va même créer 18.000 nouveaux postes d'enseignants l'an prochain -, les coupes dans les dépenses de l'Etat risquent d'être homéopathiques. Les 10 milliards d'euros d'économie annoncés ne seront obtenus que par la simple reconduction, à l'euro près, de l'enveloppe dépensée par l'Etat cette année (près de 300 milliards d'euros). Pas de vraies réductions de dépenses donc, hormis dans deux ou trois ministères (Agriculture, Finances, Défense) qui doivent se serrer la ceinture pour que l'Education, la Justice et l'Intérieur, jugés «prioritaires», puissent augmenter leurs moyens. Pourtant, souvenez-vous, François Hollande avait assuré pendant la campagne que l'«effort de redressement» serait réparti à égalité entre les hausses de prélèvements et les économies budgétaires... Un (autre) engagement vite oublié!
Ce sont donc les contribuables qui vont régler l'essentiel de l'addition. Soit 20 milliards d'euros, au bas mot, en 2013. Qui s'ajoutent aux 7 milliards d'euros déjà votés cet été. Un assommoir fiscal qui n'est pas sans conséquence politique. Selon le dernier baromètre Ifop/
JDD, dans lequel François Hollande et Jean-Marc Ayrault dégringolent, une majorité des sondés se disent mécontents de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires (61%) et de l'alourdissement des droits de succession (64 %), deux mesures phares du collectif budgétaire de l'été.
L'incompréhension et l'inquiétude vont bien au-delà de ces riches montrés du doigt par le Président. Alors qu'il visitait une usine récemment, François Hollande s'est fait apostropher par des ouvriers à propos de la hausse de 8% à 20% du forfait social sur l'intéressement et la participation, votée cet été dans l'indifférence, dont bénéficient 12 millions de salariés. «Pourquoi nous?», ont-ils demandé en substance au chef de l'Etat. L'addition des hausses d'impôts depuis 2010 donne le vertige. Dans les deux dernières années de la présidence de Nicolas Sarkozy, les prélèvements fiscaux et sociaux avaient déjà augmenté de près de 23 milliards d'euros. Au total, ce sont donc 50 milliards d'euros d'impôts, taxes et cotisations supplémentaires que les Français vont devoir payer en trois ans! Du jamais-vu sous la Ve République. Déjà dans le trio de tête des pays d'Europe où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, la France pourrait bien gagner une place... ou deux l'an prochain.
Les grandes perdantes de la dernière salve sont sans conteste les «familles de cadres supérieurs», résume un fiscaliste. Baisse du quotient familial, réduction de la niche «nounou», plafonnement global des niches, relèvement du barème de l'IR, accentué dans les tranches élevées: elles seront frappées au portefeuille de plusieurs façons. Sans parler de l'alourdissement des prélèvements sur l'épargne et du retour à l'ancien barème de l'ISF, qui devrait toucher un grand nombre d'entre elles.
Par ailleurs, en dépit de ce qu'affirme le gouvernement, beaucoup de foyers de la classe moyenne seront pénalisés par le gel du barème de l'impôt sur le revenu. «C'est la façon la plus hypocrite et la moins juste d'augmenter les impôts», fulmine l'économiste Thomas Piketty, inspirateur du programme socialiste, déçu que sa «révolution fiscale» soit enterrée par «les nuls» (sic!) du gouvernement.
C'est à l'Elysée que se décident les arbitrages fiscauxQuant aux classes populaires, elles sont certes épargnées, mais pour combien de temps? Car si Pierre Moscovici s'est employé ces derniers jours à «casser certaines rumeurs» sur d'éventuelles augmentations de la CSG et/ou de la TVA, les propos plus ou moins officieux de certains ministres évoquant ces deux possibilités laissent penser que le dossier n'est pas totalement refermé. La piste d'un transfert de cotisations vers la CSG ou la TVA devrait d'ailleurs être évoquée dans le rapport sur la compétitivité que le gouvernement a demandé à Louis Gallois, l'ancien patron d'EADS, afin de baisser le coût du travail. Du Sarkozy sans le dire... Tout ça pour ça? Aucun président de la République ne s'est senti aussi à l'aise avec la chose fiscale que François Hollande. Celui que les méchantes langues surnomment «le chef du service de la législation fiscale» a toujours eu une tendresse particulière pour cette matière aride, qu'il maîtrise sur le bout des doigts. Depuis le début du quinquennat, les arbitrages fiscaux se font à l'Elysée.
En attendant, les fiscalistes mettent en garde contre les effets boomerangs de ce nouveau choc fiscal. Après une valse-hésitation, François Hollande a maintenu sa fameuse taxe à 75% sur les revenus de plus de 1 million d'euros - toujours plébiscitée dans les sondages d'opinion - mais il sait qu'elle a des effets dévastateurs. Pour un Bernard Arnault qui fait les gros titres, combien de ces «ultra-riches» sont déjà partis discrètement s'installer hors de France? Annoncée pour deux ans, la supertaxe n'ira pas au-delà, jure le ministre délégué au Budget Jérôme Cahuzac. «C'est une mesure temporaire», répète-t-il.
Pas sûr que cela suffise à apaiser l'inquiétude des milieux d'affaires, où la supertaxe, la hausse de l'ISF et le climat anti-business font des ravages. Sur le marché immobilier, le nombre de biens de luxe mis en vente a fortement augmenté cet été. A Paris, «trois à quatre hôtels particuliers sont actuellement à la vente car leurs propriétaires sont touchés par la taxe à 75% et veulent quitter la France», assure un agent, spécialisé dans le haut de gamme.
«On ne peut plus faire venir un cadre étranger en France»Plus grave, les départs de sièges sociaux se confirment. Un grand groupe américain vient de décider de déménager à Londres son siège européen basé jusqu'ici à Paris. Des entreprises françaises installent des divisions entières (finance, trading, etc.) outre-Manche. «On ne peut plus recruter un cadre étranger à Paris», déplore un industriel.
Moins radicales, les modifications de comportement des épargnants ne sont pas non plus sans conséquence. Rodés à tous ces dispositifs de réduction d'impôts depuis des années, les contribuables savent se rebeller. La réforme de l'imposition des plus-values immobilières (sous Fillon) a été ressentie comme un mauvais coup, l'exonération n'étant acquise qu'au bout de 30 ans (hormis pour la résidence principale) et ce, avec une progressivité très faible. Des propriétaires qui n'étaient pas pris à la gorge ont alors retiré leur bien de la vente en attendant un régime d'imposition plus favorable. Résultat, les prévisions optimistes des grosses têtes de Bercy anticipant des recettes fiscales importantes vont être déjouées. Tel fut pris qui croyait prendre. Pour remplir les caisses de l'Etat, les pouvoirs publics ont étudié une riposte où ils montrent patte blanche: un abattement de 20% va être accordé aux propriétaires qui vendent un bien immobilier pendant un laps de temps donné. Une fenêtre de tir qui vise à booster les ventes et à remplir les caisses de l'Etat. Finalement, s'il n'est pas sûr que notre système fiscal soit plus équitable, il est certain qu'il est plus complexe!
Mais la vraie question qui taraude les économistes aujourd'hui est celle de l'efficacité. En s'appuyant essentiellement sur des hausses d'impôts pour réduire le déficit à 3% du PIB, le gouvernement ne prend-il pas le risque de casser la demande intérieure et d'anéantir le peu de croissance qu'il nous reste? Une question à 30 milliards d'euros.