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Mario Draghi et la BCE volent au secours de la zone euro
Mis à jour le 07/09/2012 à 00:11 | publié le 06/09/2012 à 19:06
Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne.
L'institution monétaire a annoncé un rachat illimité de dettes de la zone euro. Mais les conditions fixées sont si sévères qu'elles risquent de décourager l'Espagne et l'Italie.Malgré une pression folle, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), n'a pas déçu les marchés. Dédaignant les taux d'intérêt laissés inchangés à 0,75%, «Super Mario» a détaillé le programme de rachat «illimité» de dettes d'État en faveur de l'Espagne et de l'Italie, validé par le Conseil des gouverneurs. Seul le banquier central allemand a voté contre. Mais le «faucon» Jens Weidmann avait annoncé la couleur depuis deux mois. Son objection n'est pas allée jusqu'à la démission, ce qui aurait eu l'effet d'un coup de tonnerre à Francfort.
Inédite car «illimitée» a priori, la décision de la BCE a fait bondir les Bourses européennes. La place de Madrid s'est envolée de 4,9%; Milan a bondi de 4,3%, alors que le CAC 40 a gagné plus de 3%, dépassant la barre 3500 points. Les valeurs bancaires ont profité des annonces faites à Francfort, sources de soulagement pour leurs bilans chargés d'obligations d'État.
«C'est le spectre d'une explosion de la zone euro qui s'éloigne, ce n'est pas rien!», souligne le stratégiste londonien Nicholas Spiro. «C'est un peu comme si on avait évité la fin du monde…», résume avec humour Laurence Boone, économiste chez Merrill Lynch-Bank of America.
«Si l'Espagne tergiverse, la tension repartira»La réaction des marchés obligataires est tout aussi spectaculaire. Les coûts d'emprunt de l'Espagne se sont effondrés à 5,9%; ceux de l'Italie ont baissé à 5,3%. Mais la tendance risque de ne pas durer. «C'est une réaction temporaire, liée à des prises de bénéfice», estime Laurence Boone, «les marchés vont réaliser que cette baisse de taux dissuade l'Espagne de demander l'aide de l'Europe, et ils peuvent se retourner très vite».
Un avis partagé par Gilles Moec de Deutsche Bank: «Si les taux espagnols et italiens baissent c'est parce que les marchés ont la quasi-certitude qu'ils feront appel à l'aide européenne. Si l'Espagne tergiverse, la tension repartira», assure-t-il. «Dans tous les cas, la BCE a les instruments pour contraindre l'Espagne à demander l'aide en arrêtant le refinancement de ses banques» explique-t-il.
Très attendu par les marchés, le programme de la BCE ne sera déclenché qu'après une demande d'aide formelle de l'Espagne et de l'Italie, auprès de l'Eurogroupe. La BCE agira conjointement sur les marchés avec le Fonds de sauvetage européen (FESF ou MES).
Carcan de réformes macroéconomiquesAussi bienveillant soit-il à l'égard de l'Europe du Sud, «Super Mario» n'a pas manqué d'insister sur la «conditionnalité» du programme d'achat de dettes d'État par la BCE, qui impliquera non seulement la rigueur budgétaire mais un carcan de réformes macroéconomiques. Le président de la BCE a plaidé en faveur d'une implication forte du Fonds monétaire international (FMI) dans la surveillance des réformes. Jamais le banquier central n'avait été si strict sur les conditions. «Dans ce contexte, l'Espagne, et l'Italie vont avoir peur de demander l'aide, ce qui risque de compromettre l'efficacité du plan Draghi» pronostique Nicholas Spiro.
Si la BCE est si raide sur les conditions de rachat de dettes - qui n'existaient pas sous Trichet-, c'est en raison des fortes pressions allemandes. Les réticences du patron de la Bundesbank ont trouvé des échos parmi les députés du Bundestag. Dans la presse allemande, le débat sur la «lirisation» de la zone euro, ou sur la «cabale du sud» est reparti de plus belle. D'après un dernier sondage, paru dans
Stern, 42% des Allemands ne font pas confiance à Mario Draghi.
Une critique à laquelle le banquier central italien n'est pas insensible. «Il y a une caricature en Allemagne sur la façon dont nous travaillons» a répliqué Mario Draghi. «Si l'action de la BCE maintient la stabilité des prix, la confiance reviendra. Je ne suis là que depuis un an à peine…»