WEB - GOOGLE - ACTUALITÉ > International
Bachar el-Assad : «On ne tue pas notre peuple»
Publié le 07/12/2011 à 23:19 Bachar el-Assad, lors de son interview par Barbara Walters, pour ABC News.
Dans une interview à la chaîne américaine ABC, le président syrien revendique le soutien de la population mais reconnaît que des erreurs ont été commises de la part «de certains responsables» lors des violences qui ont fait plus de 4000 morts depuis le 15 mars.
«Il n'y a pas eu d'ordre demandant de tuer ou d'être violent.» Pour la première fois depuis le début de la contestation populaire qui secoue la Syrie, Bachar el-Assad s'est exprimé devant les caméras d' ABC, dans une interview diffusée ce mercredi. D'après les premiers extraits livrés par la chaîne américaine, le président syrien nie être responsable ou même coupable des violences qui ont fait au moins 4000 morts depuis mars.
Après avoir pris connaissance des déclarations du président syrien, un porte-parole du département d'Etat américain a affimé que Bachar el-Assad a «soit complètement perdu l'autorité qu'il avait sur la Syrie, soit il n'est plus qu'un jouet, ou alors il est complètement coupé de la réalité». Pour la diplomatie américaine, il y a dans cette interview «soit du mépris, ou alors, comme il l'a dit, de la folie».
«Ce ne sont pas mes forces»
Tout au long de l'interview menée par Barbara Walters, le président el-Assad a en effet nié avoir ordonné une répression sanglante contre les manifestants qui demandent sa démission. À la question «ne pensez-vous pas que vos forces sont allées trop loin dans la répression ?», le Syrien se dédouane en expliquant qu'il ne s'agit pas de «ses forces», ce qui n'est pas sans rappeler la défense de son ancien homologue libyen Mouammar Kadhafi, en son temps : «Je suis président. Je ne suis pas propriétaire du pays. Ce ne sont pas mes forces.» Interrogé sur les ordres qu'il aurait donnés, el-Assad préfère répondre de manière détournée : «On ne tue pas sa population... Aucun gouvernement dans le monde ne tue son propre peuple, à moins d'être mené par un fou.»
À plusieurs reprises, le dirigeant syrien a remis en cause les informations présentées par Barbara Walters, comme le bilan de 4000 morts dressé par l'ONU ou encore l'exemple d'Hamza, ce garçon de 13 ans torturé et rendu sans vie à ses parents, véritable icône de la contestation syrienne. «Ceci ne sont pas des informations, ont-elles été vérifiées ? Qui a dit que l'ONU était une institution crédible ?», a martelé el-Assad à chacune des accusations. «Oui, nous avons un ambassadeur à l'ONU, nous jouons le jeu.» Il a par ailleurs affirmé que «la majorité» des personnes tuées étaient «des partisans du régime et non l'inverse.» Selon lui, 1100 soldats et policiers feraient partie des victimes.
«J'ai fait de mon mieux»Concernant un éventuel sentiment de «culpabilité», le président syrien a déclaré, après un petit rire, avoir «fait de son mieux pour protéger la population». «On ne peut pas se sentir coupable quand on a fait de son mieux. On se sent désolé pour les vies qui ont été perdues, mais on ne se sent pas coupable quand on ne tue pas des gens.» Bachar el-Assad a finalement concédé que des membres des forces armées avaient pu aller trop loin, tout en niant une nouvelle fois une quelconque responsabilité : «Toute réaction violente a été le fait d'un individu, et non pas d'une institution», a-t-il déclaré, avant d'ajouter : «Il y a une différence entre une répression politique délibérée et quelques erreurs commises par certains responsables. Il y a une grande différence.»
Depuis le début de la répression, le régime d'el-Assad n'a pas arrêté d'être condamné par plusieurs pays, dont certains anciens alliés, comme la Turquie, et par l'ONU, qui a jugé que plusieurs «crimes contre l'humanité avaient été commis». La Ligue arabe a aussi imposé des sanctions économiques inédites à la Syrie. Des pressions qui semblent faire ni chaud ni froid au dirigeant syrien : «Nous sommes visés par des sanctions depuis 30, 35 ans. Ce n'est pas quelque chose de nouveau.»
Réfutant une démission, Bachar el-Assad a déclaré que s'il n'avait pas le soutien des Syriens, il ne pourrait pas être «encore en place». «Si je sens que le soutien du peuple décline, je partirai», a-t-il déclaré, assuré. «Nous n'avons jamais dit que nous étions une démocratie », a précisé le président syrien, tout en mettant en avant les «réformes» prises au cours des neuf derniers mois. «Cela prend très longtemps, cela demande beaucoup de maturité d'être une démocratie à part entière», a-t-il conclu.
Dans son discours du 20 juin à l'université de Damas, et comme lors des deux précédents, el-Assad avait déjà refusé de reconnaître l'ampleur de la contestation, préférant parler de «conspiration». Depuis, une réforme a autorisé le multipartisme au mois d'août pour mettre fin à l'hégémonie du parti Baas. Une annonce qui n'a pas suffi aux contestataires, qui réclament toujours le départ de Bachar el-Assad.