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Le chaos du Sinaï hante la relation Égypte-Israël
Mis à jour le 08/08/2012 à 08:34 | publié le 07/08/2012 à 19:39
Le président égyptien, Mohammed Morsi (au centre) en compagnie du ministre de la Défense, Hussein Tantaoui (à gauche), lundi, en visite dans le nord du Sinaï.
L'attaque d'un poste-frontière témoigne du vide sécuritaire qui prévaut dans la péninsule, au grand dam de l'État hébreu.L'attaque meurtrière de djihadistes non identifiés contre des postes frontaliers israéliens et égyptiens au nord du Sinaï vient bouleverser le système de relations déjà complexe existant entre les trois principaux acteurs de la région: l'Égypte, Israël et le Hamas, qui gouverne de facto la bande de Gaza.
Israël voit se confirmer le scénario catastrophe d'un Sinaï devenu une terre de non-droit d'où les djihadistes de tout le Moyen-Orient peuvent lancer des attaques contre son territoire. Si la menace représentée par les groupes radicaux palestiniens de Gaza reste relativement contrôlable par des représailles ciblées, la présence de djihadistes dans les immensités du Sinaï constitue un phénomène beaucoup plus difficile à prévenir. La construction d'une clôture électrifiée le long de la frontière avec l'Égypte, qui devrait être achevée dans les prochaines semaines, et le renforcement du commandement sud de l'armée israélienne sont une réponse à la nouvelle donne, après trente ans de calme relatif sur cette frontière.
Mais Israël, qui essaye aussi de préserver ce qui peut l'être de ses relations sécuritaires avec l'Égypte, s'est abstenu de critiquer ouvertement le manque de contrôle du Caire sur la péninsule du Sinaï. Et espère sans trop y croire que l'Égypte prendra enfin des mesures destinées à y rétablir son autorité.
En Égypte, le nouveau gouvernement des Frères musulmans fait face à sa première crise de souveraineté. L'attaque qui a tué 16 soldats égyptiens est un affront que le président Mohammed Morsi ne peut laisser passer, sous peine de voir sa position affaiblie vis-à-vis du Conseil suprême des forces armées, la junte militaire qui a assuré l'intérim du pouvoir depuis la chute de Moubarak, et qui conserve d'importantes prérogatives.
Une menace pour la paix«Les responsables de ce crime seront pourchassés et arrêtés», a promis le président Égyptien. L'Égypte doit aussi gérer son opinion publique, toujours prompte à adhérer aux théories du complot. Les Frères Musulmans ont accusé le Mossad israélien d'être derrière l'attaque. L'appareil sécuritaire égyptien a laissé entendre qu'une partie des assaillants pourraient être venus de la bande de Gaza par les tunnels creusés sous la frontière.
L'Égypte a annoncé la fermeture jusqu'à nouvel ordre du terminal de Rafah, qui relie son territoire avec Gaza. Le Hamas, qui dément que les auteurs de l'attaque soient des Palestiniens, doit quant à lui faire face à un regain d'activité des groupuscules islamistes radicaux sur son territoire, qui risquent de l'entraîner dans un nouvel affrontement avec Israël, et menacent ses bonnes relations avec le pouvoir des Frères musulmans au Caire.
Tout en accusant lui aussi Israël d'être à l'origine de l'attaque, le Hamas a fait fermer les tunnels clandestins, dont il contrôle les activités. Les négociations que mène depuis plusieurs mois le Hamas avec les nouvelles autorités égyptiennes pour rouvrir la frontière, et mettre ainsi fin au blocus de son territoire, sont, en attendant, au point mort.
Mais c'est sur les relations égypto-israéliennes que l'impact de l'attaque est le plus direct. La péninsule du Sinaï est l'enjeu central du traité de paix signé par l'Égypte et Israël en 1979. C'est en échange du retour de ce vaste territoire que l'Égypte est devenu le premier pays arabe à reconnaître Israël. Les Israéliens ont accepté, de leur côté, la première rétrocession d'un territoire conquis sur un pays arabe en échange d'une démilitarisation du Sinaï. La dégradation rapide de la situation sécuritaire dans cette zone remet en cause la sécurité d'Israël comme la souveraineté égyptienne, et menace ce qui reste de la paix froide en vigueur entre les deux pays.
«Le but de l'attaque était certainement, plutôt que de seulement tuer des soldats égyptiens, une tentative d'enfoncer un coin entre l'Égypte et Israël et d'exacerber le chaos dans la région… ce qui constitue un lien direct avec le mode opératoire d'al-Qaida», écrit l'éditorialiste Ofer Shelah dans le quotidien
Maariv.