WEB - GOOGLE - ACTUALITÉ International
Pour les islamistes tunisiens, la charia aura son heure
Mis à jour le 15/07/2012 à 21:51 | publié le 15/07/2012 à 16:45
Plusieurs milliers de Tunisiens ont assisté, jeudi, au premier congrès du parti islamiste à Tunis, un an et demi après la chute du régime de Ben Ali.
REPORTAGE - Au congrès du parti Ennahda, les militants savourent une liberté retrouvée mais appellent déjà la direction à des positions plus tranchées.
Najet et Leïla sont venues «pour se retrouver entre copines». Deux femmes aux voiles dorés, la quarantaine, qui boivent un thé à la cafétéria du palais des congrès du Kram. «C'est important d'être là, explique Najet, fonctionnaire à Haffouz, près de Kairouan. Ennahda fait partie de notre histoire. Moi, j'y ai adhéré en 1989, lorsque j'étais étudiante. Depuis, nous ne pouvions plus nous fréquenter entre nous.» À leurs côtés, Noureddine Jelassi écoute, tout sourire. Il était leur professeur à l'université de Tunis et les présente comme ses filles: «Je ne les avais pas vues depuis 1989 à cause de la répression de Ben Ali. C'est notre premier congrès libre en Tunisie depuis vingt-trois ans. Grâce à la révolution, nous n'avons plus à nous cacher.»
Profil des militants rencontrés: classe moyenne, enseignants, fonctionnaires, francophones pour certains, diplômés souvent. Dans les allées, les femmes portent toutes le hidjab, simple voile, alors que très peu circulent en tchador et aucune en niqab. «Cette journée est un don de Dieu!», lance Hédi Jazi, 54 ans. Venu de Nabeul, à deux heures et demie de route, il était greffier au ministère de l'Intérieur avant de passer dix ans en prison.
Une génération «kidnappée»Parmi les militants, beaucoup de filles jeunes sous leurs voiles, la plupart ne dépassant pas la vingtaine, quand les garçons semblent manquer à l'appel. «Il n'y a pas trop de 25-35 ans, confirme Anouar, 22 ans. C'est une génération que Ben Ali a “kidnappée” en les envoyant à la fac, en leur donnant des diplômes.»
Anouar vient d'un village près de Béja, dans l'intérieur des terres. Il échange avec Hiba, 17 ans, qui n'a pas de problème à parler avec un inconnu. Hiba se retrouve dans les idées d'Ennahda, mais, comme beaucoup, elle aimerait voir changer la position du parti concernant la charia. En mars dernier, Rached Ghannouchi a décidé de ne pas influer pour qu'elle soit inscrite dans la Constitution. «Nous sommes pour la charia, assure Hiba. Mais les gens ne savent pas ce que c'est. Rached Ghannouchi n'a pas dit qu'il n'en voulait pas, il a dit qu'il fallait l'expliquer aux gens pour qu'ensuite ils la réclament d'eux-mêmes.»
«Je suis déçue par le rejet de la charia, explique plus loin Marwa. Mais je pense qu'Ennahda va changer d'avis.» Étudiante en médecine, Marwa est ici avec sa sœur cadette. Dans la famille, tout le monde vote Ennahda: «On a confiance en eux, ce sont d'anciens prisonniers, donc ils ne vont pas nous priver de nos libertés.» Safa, la petite sœur, tente de donner son avis sur les salafistes - «nous avons des points communs avec eux» - avant d'être corrigée par son aînée, qui les juge trop extrémistes.
Ennahda serait en revanche, aux yeux d'Asma, trop ouvert. Elle qui a réussi à convaincre ses parents de voter Ennahda trouve que «le parti s'efforce trop de satisfaire les modernistes et cède du terrain». Sa copine Holfa est sûre qu'«Ennahda optera pour la charia quand ce sera le moment». Ce qui comblerait Asma, qui est pour la polygamie.