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La fin du cumul n'emballe pas la gauche
Mis à jour le 08/07/2012 à 19:48 | publié le 08/07/2012 à 19:21
Au Sénat, le non-cumul des mandats ne fait pas l'unanimité. Les sénateurs pourraient, si ce principe était adopté, se retrouver coupés de la gestion et du quotidien des collectivités.
Le gouvernement aura du mal à trouver une majorité pour adopter cet engagement symbolique.Les socialistes avancent à reculons. Les Radicaux de gauche sont contre. Et la loi sur le non-cumul des mandats, que François Hollande avait promise «dès le lendemain de notre victoire en 2012», a déjà du plomb dans l'aile. Au Sénat, où la majorité de gauche ne tient qu'à six voix, le texte serait aujourd'hui rejeté puisque la majorité des 17 sénateurs du groupe RDSE (Rassemblement démocratique, social et européen) est résolument hostile au non-cumul.
Le président du groupe RDSE, Jacques Mézard, l'a clairement dit mercredi dernier au premier ministre, Jean-Marc Ayrault: «Bien sûr, il faut une limitation du cumul des mandats. Mais comment imaginer que le Sénat de la République, grand conseil des communes de France, (…) pourrait n'être composé que d'élus hors sol, coupés de la gestion quotidienne des collectivités?»
Le président des Radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet, a confirmé samedi au Figaro: «Il serait impensable de couper les élus de la réalité du terrain. Ce n'est pas sérieux. C'est excessif.» Le sujet sera sûrement abordé très vite par le premier ministre, qui a prévu de recevoir à Matignon Roger-Gérard Schwartzenberg, le président du groupe des Radicaux de gauche à l'Assemblée, et son homologue au Sénat Jacques Mézard, le 12 ou le 18 juillet.
«Pas d'automutilation de la classe politique»Même au sein du groupe socialiste du Sénat, «le sujet est très loin de faire l'unanimité», reconnaît le sénateur de Côte-d'Or, François Patriat. Le président du groupe PS, François Rebsamen, un défenseur du cumul des mandats, est sur la ligne «pas de désarmement unilatéral». En clair, il faut que la loi s'applique à tous. Enterrée, donc, pour l'heure, la règle inscrite dans les statuts du PS et ratifiée à plus de 70 % par les militants en 2009, pour que les parlementaires de se plier au non-cumul dès septembre 2011.
Les candidats socialistes aux législatives en situation de cumul ont d'ailleurs pris l'engagement écrit de se conformer à la règle. «Les députés PS ne doivent pas défendre un programme pour être élus, et le trahir quand ils ne veulent pas le respecter», dénonce Razzy Hammadi, nouveau député de Seine-Saint-Denis. Son voisin Pascal Popelin, premier adjoint à Livry-Gargan, qui a démissionné de son poste de vice-président du conseil général, met en garde: «Pas d'automutilation de la classe politique. Jamais un électeur ne m'a fait le procès du cumul. Il est important que les parlementaires conservent le lien avec les collectivités locales», déclare le nouveau député PS, qui a bien l'intention de se faire entendre en commission des lois.
Chez les Verts, on est hostile au cumul Le député Philippe Martin, également président du conseil général du Gers, ne veut pas de «précipitation»: «Je suis un cumulard qui souhaite une limitation. Pas de recul par rapport à l'objectif, mais on ne va pas chipoter pour quelques mois.» Philippe Martin, qui est premier vice-président et porte-parole du groupe des députés PS, considère que «le calendrier que propose le premier ministre, à savoir une loi rapidement votée pour une application en 2014, est un bon compromis». Il se félicite que Jean-Marc Ayrault ait pris l'engagement de recevoir les associations d'élus et d'engager une concertation, tout en fixant à 2014 la date d'application de la future règle, comme il l'a annoncé lors de son discours de politique générale le 3 juillet. Mais sans en préciser les contours.
Car la question du curseur fait débat. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a suggéré devant l'Association des journalistes parlementaires que les maires des petites communes (le seuil pourrait être fixé à 3 500 habitants) soient exemptés de la règle. Certains députés PS, tel René Dosière, considèrent que le non-cumul ne doit souffrir d'aucune exception. Christian Eckert (Meurthe-et-Moselle), député maire d'une commune de 2 000 habitants, juge à l'inverse que «l'idée du mandat unique est excessive». En revanche, le nouveau rapporteur général du budget plaide, comme son collègue de l'Aisne, pour le non-cumul des indemnités.
Chez les Verts, en dépit de l'exception de Noël Mamère, député et maire de Bègles (Gironde), on est hostile au cumul. François de Rugy (Loire-Atlantique), qui a démissionné de son mandat de maire adjoint de Nantes en 2008, juge qu'il s'agit d'une «réforme prioritaire» et que «sur la base du volontariat, ça ne marche pas». Seul député du Parti de gauche, Marc Dolez (Nord) est également «pour un mandat unique imposé par la loi».
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Questions à René Dosière, député socialiste de l'AisneComment doit-on procéder pour mettre fin au cumul des mandats?Si l'on parle de non-cumul des mandats et que l'on commence à mettre des seuils pour exonérer les maires des petites communes, c'est illisible pour l'opinion publique. La règle, c'est le non-cumul entre un mandat de parlementaire et une fonction exécutive locale. Il faut aussi inclure les présidences et vice-présidences d'intercommunalités et des communautés d'agglomérations. Il faut se tenir à une règle claire, qui a d'ailleurs été imposée aux ministres.
Comment convaincre les sénateurs de se plier eux aussi à la règle?Le problème des sénateurs se pose, car leur mode d'élection est différent. Il existe un lien fort entre le Sénat et les collectivités territoriales. Est-ce que cela nécessite un régime particulier? C'est à voir. Rien ne dit qu'il faut conserver en l'état le corps électoral du Sénat, qui représente davantage les communes que les autres collectivités. Mais je ne vois pas au nom de quoi les sénateurs seraient exemptés de la règle du non-cumul.
Faut-il appliquer la règle du non-cumul dès maintenant, avant le vote d'une loi?Je partage l'avis du constitutionnaliste Guy Carcassonne: aussi longtemps qu'il n'y a pas de loi anticumul, le cumul des mandats est politiquement nécessaire. J'ai moi-même proposé d'envoyer un premier signal fort à l'opinion: les parlementaires devraient abandonner leurs indemnités locales. Pour cela, il n'y a pas besoin d'une loi. Cela montrerait aux électeurs que l'on ne cumule pas les mandats pour des raisons financières. Et cela ferait économiser environ 12 millions d'euros par an à l'État. J'ajoute que le conflit d'intérêt le plus répandu, c'est le cumul des mandats.