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Cohn-Bendit ouvre un front chez les Verts
Mis à jour le 22/06/2012 à 21:49 | publié le 22/06/2012 à 19:50
Daniel Cohn-Bendit et Jean-Vincent Placé à l'assemblée constituante d'Europe Écologie-Les Verts, en 2010, au Palais des congrès de Lyon.
L'eurodéputé et Placé, patron des sénateurs écolos, ont croisé le fer sur le comportement des dirigeants du parti.«Aujourd'hui, nous incarnons souvent l'insoutenable légèreté de l'arrivisme.» Daniel Cohn-Bendit a eu la délicatesse de s'inclure dans sa verte critique des écologistes. Mais usant, dans un entretien à Libération, vendredi, du ton direct qui est sa marque de fabrique, le coprésident du groupe écolo au Parlement européen a provoqué une certaine ébullition au sein d'Europe Écologie-Les Verts, qu'il a cofondé. D'autant que se tient ce week-end le conseil fédéral du parti au cours duquel Pascal Durand devrait être élu secrétaire national à la suite de Cécile Duflot.
Pour Cohn-Bendit, qui dresse le bilan des élections présidentielle et législatives, le «paradoxe», c'est que les écologistes d'EELV existent «à l'Assemblée, au Sénat et au gouvernement, mais plus dans la société». «Nous avons échoué, dit-il, là où on voulait redonner espoir: en faisant de la politique autrement.» Sur Canal , il a à nouveau proposé de relancer la «coopérative des écologistes», «lieu de débats» où seraient invitées des personnalités les plus diverses, comme Nathalie Kosciusko-Morizet ou Jean-Luc Mélenchon.
Les attaques de «Dany» visent directement le sénateur Jean-Vincent Placé, accusé d'avoir été «trop occupé à trouver un ministère». «Dany, il dit toujours ce qu'il a envie de dire. Ça a des côtés intéressants et d'autres moins, en particulier dans le collectif…» Avec une certaine lassitude, Placé, président du groupe écolo au Sénat, a accueilli les propos de son homologue européen, un homme «qui a fait sa fortune politique en brûlant la maison». «Il critique tout depuis 44 ans, a accusé Placé sur Europe 1 vendredi matin, et si je suis le successeur du général de Gaulle dans ses critiques, moi ça me va bien…» Si l'attaque personnelle «glisse» sur les épaules du sénateur de l'Essonne, qui a négocié l'accord d'avant la présidentielle entre les socialistes et les écologistes, le fond des critiques de «Dany» est à peine pris plus au sérieux. Cohn-Bendit accuse EELV de s'accommoder «parfaitement du fonctionnement hiérarchique, autoritaire et clanique de la politique traditionnelle». «Nous faisons de la politique autrement depuis très longtemps et nous ne l'avons pas attendu pour ça, réplique Placé. À nous d'être démocratiques dans les responsabilités que nous avons, et d'être clairs sur la stratégie…»
Placé compte bien mettre en avant l'autonomie des écolos. Il a d'ailleurs commencé vendredi, en déplorant «l'éviction» de Nicole Bricq du ministère de l'Écologie, y voyant «un drôle de message» envoyé aux Verts.
BouillonnementDe Rio, Eva Joly est aussi intervenue vendredi dans ce bouillonnement. Concédant que Daniel Cohn-Bendit est «un excellent politicien», l'ex-candidate à la présidentielle lui a reproché de n'avoir pas été «très présent» dans la campagne. Son conseil: «qu'il s'engage plus et qu'il ne fasse pas que des oukases».
«Notre campagne à la présidentielle, c'est un euphémisme de dire qu'elle n'a pas créé une dynamique forte dans la société», a reconnu de son côté Pascal Durand qui admet que le parti «s'est mal comporté en terme de demandes par rapport aux ministères. On est apparu comme des politiciens». L'analyse est sans concession. «On s'est vu trop beaux à la suite des européennes et des régionales», a-t-il dit. «Il faut qu'on soit crédible, ce n'est pas le cas pour le moment».
Membre du bureau national d'EELV, Lucile Schmid, proche de Daniel Cohn-Bendit, juge qu'il «a eu raison de dénoncer une manière d'être en politique, mais tort de personnaliser sa critique». Pour autant, Lucile Schmid, qui a participé à la rédaction du programme de la présidentielle, verse aussi dans l'autocritique: «Avoir des élus, c'est plus facile que de fonder une écologie politique confrontée au réel.» Elle a aussi le sentiment qu'EELV reflète «une notion de l'écologie politique plus évanescente que jamais».
D'où le projet, avec le député européen Jean-Paul Besset et le sénateur André Gattolin, de relancer, avec la bénédiction de Pascal Durand, la «Fondation pour l'écologie politique» dont le dossier n'a jamais été déposé. Une fondation à titre plein, à l'image de la Fondation Jean-Jaurès au PS ou de la Fondation pour l'innovation politique à droite, destinée «à permettre et nourrir le débat entre les intellectuels et les praticiens de l'écologie», indique Lucile Schmid qui voit dans le FN, «sorti singulièrement renforcé de ces élections, un avertissement aux partis qui ne portent plus assez de projets».