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Libye : les milices font régner leur désordre
Mis à jour le 05/06/2012 à 21:46 | publié le 05/06/2012 à 19:05
Sur cette vidéo diffusée lundi, on aperçoit des miliciens armés et des véhicules militaires sur le tarmac de l'aéroport de Tripoli.
La lutte pour le contrôle de l'aéroport de Tripoli illustre une situation inquiétante.
Soudain, dans une parfumerie du centre de Paris, les téléphones portables de quatre Libyens se mettent à sonner tous en même temps. «On rentre», lance Mokhtar el-Akhdar au bout de quelques minutes. Lundi après-midi, cet important chef révolutionnaire et ses trois compagnons interrompent brusquement leurs emplettes et leurs vacances parisiennes. Ils viennent d'apprendre la prise de l'aéroport de Tripoli par une des nombreuses milices libyennes.
Figure de la révolution, Mokhtar el-Akhdar commande aujourd'hui un quart des combattants zintanes, la grande tribu de l'Ouest qui a fait basculer la guerre en août 2011 en prenant la capitale Tripoli. Il avait ensuite investi pendant de longs mois l'aéroport principal, avant d'affirmer sa volonté de le rendre aux autorités civiles. Dans le souci, disait-il, de participer à la normalisation, il continuait d'en assurer la sécurité, mais «à l'extérieur» et «sous les ordres du ministère de la Défense», expliquait-il encore dimanche à Paris, autour d'un couscous offert dans l'appartement parisien loué par l'ambassade libyenne.
Les hommes qui avaient envahi les pistes lundi appartiennent pour leur part à une autre unité d'ex-révolutionnaires, la Brigade al-Aouefea («les fidèles») venue de Tarhouna, au sud de Tripoli. Ils pensaient que leur chef, Abou Oegueila al-Hebeichi, était détenu dans l'enceinte de l'aéroport, ce qui ne semble pas être le cas. «Al-Hebeichi, authentique héros de la révolution, avait été arrêté dimanche à un barrage sur la route de Tripoli par les hommes d'Abdelhakim Belhadj, l'islamiste qui s'est instauré commandant militaire de Tripoli, explique Patrick Haimzadeh, ex-diplomate français en poste à Tripoli, et bon connaisseur de la Libye. Dès dimanche, le conseil des anciens de Tarhouna a posté un ultimatum sur Internet. L'assaut contre l'aéroport a suivi». L'affaire s'est temporairement réglée lundi soir par la négociation. Mais cet épilogue est provisoire. Mokhtar el-Akhdar va reprendre l'aéroport, comme il l'a confié peu après son arrivée en Libye.
Risque d'un vide politiqueL'affaire illustre bien la réalité libyenne. Malgré les annonces répétées de la formation d'une armée nationale, les milices tiennent toujours le haut du pavé. Chacune d'entre elles affirme obéir au ministère de la Défense, mais tout en gardant ses armes et son autonomie. Coïncidence malheureuse, l'affaire de Tripoli s'est déroulée à la veille de la visite à Paris du chef d'état-major de cette armée virtuelle, le général Youssef al-Mangouche. Attendu mardi, il devait parler coopération militaire, en particulier dans le domaine du recyclage des miliciens… Une perspective qui paraît s'éloigner au moment où la Libye risque de se retrouver dans un vide politique. Le président Abdeljalil a lui-même évoqué la possibilité d'un report des élections d'une Constituante et de l'installation d'un nouveau gouvernement, prévues à la fin du mois, en raison du désordre ambiant.
Ce report, Mokhtar el-Akhdar n'en veut pas: «Il y a une forte pression du peuple pour que ces élections aient lieu», estimait-il lors de son séjour à Paris. Il imagine une transition politique sous surveillance des milices, réunies dans un «Conseil national des révolutionnaires» en formation, selon lui. «Nous allons veiller à ce que ni les anciens kadhafistes ni les arrivistes de la dernière heure ne participent au gouvernement», assure-t-il.
Cette alliance des milices paraît toutefois bien utopique au moment où deux groupes se disputent l'aéroport de Tripoli. À l'autre bout du pays, à Benghazi, la situation n'est pas meilleure. Une brigade locale a pris d'assaut lundi soir le poste de police militaire, à la suite d'un accrochage qui avait fait un mort dans les rangs des ex-révolutionnaires.