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Contrôles d'identité : Valls inquiète la police
Mis à jour le 01/06/2012 à 11:31 | publié le 31/05/2012 à 18:20
Manuel Valls salue des policiers, lors d'une visite au commissariat de Noisy-le-Sec, le 17 mai.
Le ministre de l'Intérieur étudie l'idée d'un récépissé remis à la personne contrôlée. La mésure est en préparation.
En finir avec le «contrôle au faciès»? À peine installé Place Beauvau, Manuel Valls a émis l'idée d'«améliorer la relation entre la police et la population». Vendredi dernier, à l'occasion d'une première rencontre avec les syndicats de policiers, le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il fallait «s'inspirer peut-être de l'expérience anglo-saxonne sur les contrôles d'identité». Autrement dit, d'un système où le policier doit donner à toute personne contrôlée un reçu sur lequel figurerait son numéro de matricule, en cas de contestation.
Des associations réclament un tel changement depuis des années, à commencer par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap). Il y a deux ans, à l'initiative du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), dirigé par Fabien Jobard, et de la fondation caritative Open Society, du milliardaire américain George Soros, un «testing» avait été organisé gare du Nord, à Paris. Il s'agissait d'espionner la police pour vérifier combien elle dirigeait ses contrôles prioritairement sur les personnes de couleur ou d'origine étrangère, ces fameux «contrôles au faciès» que les défenseurs des droits de l'homme réprouvent.
Vendredi matin, le premier ministre a assuré qu'un texte était en préparation sur le sujet. «Je pense que ça sera utile à tous. Aux personnes contrôlées, qui doivent être contrôlées mais pas trois, quatre fois,, et aux policiers aussi parce que les policiers ont besoin de retrouver la confiance et le respect», a jugé Jean-Marc Ayrault sans toutefois donner de calendrier.
Le cabinet de Manuel Valls a lancé depuis mardi des consultations, réclamant des éclaircissements sur le système anglais à l'attaché de sécurité intérieure français basé à Londres, ressortant toutes les notes et circulaires de l'ère Sarkozy-Guéant visant à mieux encadrer les contrôles d'identité. «Pas question de monter une usine à gaz», prévient un connaisseur du dossier auprès du ministre. Le tutoiement, toujours pratiqué par certains agents lors des contrôles, est également une pratique que Manuel Valls souhaiterait voir disparaître.
En tant que maire d'Évry (Essonne), le premier flic de France a depuis longtemps eu vent de situations choquantes. Il cite le cas de ces jeunes, ou moins jeunes, contrôlés deux, trois ou quatre fois dans la même journée, parfois par les mêmes agents. Ce qui nourrirait chez certains un sentiment de harcèlement.
«Un message de défiance»Les syndicats de policiers, de leur côté, défendent leur base. «Remettre un récépissé à un voyou le matin? Mais autant lui donner un blanc-seing pour pourrir la vie d'un quartier toute la journée!» proteste Patrice Ribeiro, le patron de Synergie-officiers. À l'entendre, cela reviendra à affaiblir l'autorité de la police, en délivrant «un message de défiance à l'égard de fonctionnaires déjà très exposés». Même son de cloche à l'Unsa-police, syndicat plutôt classé à gauche, où l'on s'interroge sur la «suspicion» qu'un tel système jetterait sur la «police républicaine». Le patron d'une brigade anticriminalité de banlieue explique: «Le contrôle d'identité offre la possibilité de procéder à des palpations sur les individus. C'est là que nous tombons souvent sur des armes ou de la drogue cachée dans les poches. Si on nous enlève ce support, nous n'aurons plus la même sécurité dans nos interventions. Les petits caïds estimeront avoir des droits sur nous. Autant renoncer à aller au contact!»
Conseiller régional UMP de Seine-Saint-Denis, Bruno Beschizza met en garde: «Cette histoire de reçu, c'est la fausse bonne idée. Pour des motifs louables certes, on risque de paralyser la police.» Cet ancien syndicaliste policier s'interroge: «Mais de quelle police nous parle-t-on? Aujourd'hui, elle est à l'image de la société, mixte, multiculturelle, avec des agents blacks, blancs, beurs. Rien à voir avec la vieille rengaine du contrôle au faciès!» dit-il. Reste qu'en France, de nos jours, quand un policier vous contrôle, rien ne permet de l'identifier. Le numéro de matricule a disparu de l'uniforme…