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Algérie : des législatives en trompe-l'œil
Mis à jour le 10/05/2012 à 14:08 | publié le 09/05/2012 à 18:42
Un vendeur sous des affiches électorales dans une rue d'Alger, mardi.
Une scène politique verrouillée et le spectre de la fraude devraient déboucher sur de nouveaux records d'abstention lors du scrutin de ce jeudi.
Alger
Au terme d'une campagne terne et sans relief, le scrutin pour les législatives du 10 mai en Algérie risque de battre un nouveau record d'abstention. À l'image dégradée des parlementaires, réputés pour un affairisme débridé et des indemnités qui s'élèvent à 20 fois le smic (de 180 euros environ) s'est greffé le spectre de la traditionnelle fraude, devenue une seconde nature du régime.
Mardi, des partis d'opposition ont dénoncé les manœuvres de l'administration en faveur du FLN dans les bureaux de vote itinérants, qui recueillent, depuis lundi, les suffrages des nomades du désert. Il y a quelques jours, les contestataires avaient dénoncé l'inscription, hors délai, sur les listes électorales des villes de garnison, de militaires déjà inscrits dans leurs communes d'origine. Des suffrages doubles qui iront grossir le score de l'ex-parti unique.
Pour donner du crédit à l'opération, les autorités ont invité des observateurs internationaux. Comme lors des précédents scrutins, les représentants de l'ONU et des organisations «amies» comme la Ligue arabe, l'Union africaine et l'Organisation de la Conférence islamique n'ont pas fait de vagues. Ceux de l'Union européenne ont soulevé un gros lièvre en demandant de consulter le fichier électoral national. «Les observateurs sont autorisés à accéder au fichier électoral de toutes les wilayas (départements), mais le fichier national renferme des données personnelles et confidentielles que la loi algérienne interdit de communiquer», esquive le ministère des Affaires étrangères.
Pour Abdelaziz Bouteflika, qui a comparé le scrutin législatif à l'insurrection du 1er novembre 1954 (début de la guerre de libération nationale), il y va de la survie du système politique mis en place à l'indépendance. Les «traîtres» qui prônent le boycott sont pourchassés par la police et des imams leur promettent les flammes de l'enfer. Après avoir réussi, en 2011, à déjouer la contagion du «printemps arabe» par un savant dosage de manœuvres occultes, de répression «soft» et d'augmentation spectaculaire des salaires, le président algérien voit dans ces élections le couronnement de ses «réformes démocratiques». Avec, en ligne de mire, l'élection présidentielle d'avril 2014. Mardi, il a déclaré la succession ouverte: «Je m'adresse aux jeunes qui doivent prendre le témoin, car ma génération a fait son temps. (…) L'heure de la retraite a sonné pour les anciens ne pouvant gérer les affaires du pays» (lire ci-dessous).
Espoirs trahisEn attendant, ses réformes ont verrouillé le champ des libertés et donné des gages de bonne de foi aux islamistes. Objectif: les intégrer davantage dans le système politique et éviter ainsi l'effondrement brutal du régime. Portés par la tempête islamiste qui souffle sur la région et chouchoutés par le pouvoir, les dirigeants de l'Alliance verte (coalition de trois partis islamistes «modérés», dont le Hamas, qui siège au gouvernement) se voient déjà dans le wagon de tête du train de la recomposition qui leur livrerait la société en pâture sans remettre en cause les équilibres du régime. Abdellah Djaballah, un intégriste pur jus qui préside le Parti de la justice et du développement, sort déjà les griffes et cible les laïques, «plus grands criminels après ceux qui doutent de l'unicité de Dieu».
En privilégiant la sauvegarde du régime, les autorités ont hypothéqué l'avenir. Le vrai débat, ouvert à tous les courants pacifiques en vue de définir un contrat de cohabitation, n'a pas eu lieu. Échaudés par tant d'espoirs trahis, les Algériens semblent résignés. Mais le prochain soubresaut pourrait être fatal.
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Abdelaziz Bouteflika: «Ma génération a fait son temps»À l'assistance qui le priait d'effectuer un «4e mandat», le président Abdelaziz Bouteflika, mardi 8 mai à Sétif, a répliqué: «Je m'adresse aux jeunes qui doivent prendre le témoin, car ma génération a fait son temps.» Le chef de l'État algérien depuis 1999 répète la formule trois fois et poursuit: «Après avoir libéré le pays et participé à son édification, l'heure de la retraite a sonné pour les anciens ne pouvant plus gérer les affaires.» Plus jeune ministre dans le premier gouvernement de l'Algérie indépendante en 1962, Abdelaziz Bouteflika, aujourd'hui âgé de 75 ans et que l'on dit malade depuis des années, est apparu très fatigué lors de ce déplacement à Sétif. Son mandat présidentiel s'achève en 2014. Mais, s'il ne se représente pas lui-même, chacun le croit déterminé à porter choisir son successeur. Ces législatives ne sont que le prélude à ces grandes manœuvres. Bouteflika s'est rarement autant impliqué dans une campagne, répétant que l'avenir de l'Algérie se jouait aujourd'hui, comme il s'était joué en 1954, au début de la guerre d'indépendance. Une dramatisation qui n'a guère convaincu.