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Le retrait de Bossi marque la fin d'une époque
Mis à jour le 06/04/2012 à 22:55 | publié le 06/04/2012 à 18:43 Umberto Bossi quitte, jeudi soir à Milan, le siège de la Ligue du Nord , après avoir démissionné de la tête de son parti.
Englué dans un scandale de corruption, le leader de la Ligue abandonne la direction d'un parti tout-puissant au nord de l'Italie à quelques semaines des municipales test pour Mario Monti.Une page d'histoire se tourne avec la décision d'Umberto Bossi d'abandonner la direction de la Ligue du Nord, le parti séparatiste et xénophobe qu'il a fondé il y a vingt-trois ans.
Entré jeune en politique, militant dans les rangs du Parti communiste, cet activiste découvre à 38 ans les thèses autonomistes et fonde un mouvement qu'il transformera bientôt en un parti dont le leitmotiv sera: «Le Nord avant tout.»
Doté d'une intuition animale et d'une grande habileté tactique, il est le premier sur la scène italienne à percevoir le malaise du nord du pays, composé de dizaines de milliers de petits industriels et commerçants exaspérés par les lenteurs de l'administration, les pressions du fisc, l'extrême centralisation du pouvoir. Il a résumé ce sentiment de révolte dans un slogan qui a fait sa fortune politique: «Roma ladrona» («Rome la voleuse»).
Le mythe de la PadaniePour donner corps à cette révolte, Bossi a inventé un concept identitaire, la Padanie, un espace géographique imaginaire englobant toutes les frontières baignées par le bassin du Pô, du Piémont à la Vénétie, et, au-delà, jusqu'aux Alpes. La Padanie, telle qu'il la conçoit, est le lieu de toutes les vertus: courage, probité, goût du travail et sens des responsabilités. Son populisme exacerbé, son parler rauque et cru, ses insultes et ses gestes obscènes, son machisme ont contribué à propager son mythe dans les classes populaires très méfiantes à l'égard des partis traditionnels. Il parvient même, aux plus grands moments de la Ligue, à séduire les communistes. Le folklore des casques et emblèmes celtiques, les rassemblements sur les terres des ancêtres, les élections de Miss Padanie et autres manifestations pittoresques ont consolidé le mythe.
Sa virulence, ses slogans simplistes mais percutants, son racisme naturel, ses attaques violentes contre l'Église dont pourtant il se revendiquait et contre les pouvoirs constitués ont séduit une clientèle électorale prompte à se révolter et toute disposée à s'identifier à un leader charismatique. Pour mieux bâtir son pouvoir personnel, il s'est entouré d'un état-major politique de médiocre qualité et a rassemblé autour de lui une oligarchie familiale toute dévouée.
Umberto Bossi entrera dans l'histoire comme le leader qui a transformé l'Italie en imposant le fédéralisme. Il lui aura fallu plus de vingt ans pour faire valoir le concept qui devrait transformer profondément les structures centralisées héritées du pouvoir monarchique des Savoie.
Allié de Berlusconi«Ensemble au pouvoir, déchus ensemble», disait Silvio Berlusconi, à qui il a été lié, au-delà des clivages politiques, par une vieille et sincère amitié. Par deux fois, il est entré dans les gouvernements du Cavaliere. Il ne ménageait pourtant pas ses critiques, l'appelant par moments «le Berluskaz» ou encore «le mafieux d'Arcore». Mais il a aussi été son allié le plus fidèle, jusqu'au mois d'août dernier, quand il a pris ses distances.
Jeudi soir, la gorge nouée, la voix entrecoupée de sanglots, il expliquait qu'il devait démissionner «pour le bien de son parti et de ses militants». Tout en reconnaissant qu'il avait commis l'erreur de faire entrer ses fils en politique, des fils, au nombre de trois, au cœur du scandale.
Dès hier matin toutefois, il avait retrouvé sa vindicte pour dénoncer l'avalanche de preuves sur les détournements de financements publics accablant sa famille et son entourage: «Il y a quelque chose qui pue. La Ligue est l'unique force authentique d'opposition à ce magma qui soutient le gouvernement des banquiers (NDLR: celui de Mario Monti). L'unique en mesure de conquérir le Nord. Ne nous étonnons pas si ces révélations sortent à trois semaines des élections municipales», les 6 et 7 mai prochain.