LE MONDE | 15.05.2014 à 11h36 • Mis à jour le 15.05.2014 à 19h37 | Par Stéphane Lauer (à New York), Frédéric Lemaître (à Berlin) et Eric Albert (à Londres)
L'industrie est en mutation permanente. On peut distinguer des secteurs aux recrutements réguliers comme l'aéronautique, l'énergie, le nucléaire ou encore le ferroviaire.
Le gouvernement l'assure. En élargissant le décret sur les entreprises « stratégiques » à cinq nouveaux secteurs (les transports, l'énergie, l'eau, la santé et les télécommunications), la France ne fait que se mettre au niveau des autres pays industrialisés, qui disposent déjà tous d'un tel outil. Revue de détail des dispositifs existant chez trois de nos partenaires.
Lire l'entretien avec Arnaud Montebourg : Arnaud Montebourg : « C'est la fin du laisser-faire »
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Les Etats-Unis
Même si les Etats-Unis ont la réputation d'une économie ouverte sur le monde et restent la première destination mondiale pour les investissements étrangers, le pays a aussi mis en place des règles pour protéger certaines de ses entreprises des appétits étrangers. Celles-ci concernent notamment les intérêts touchant à la « sécurité nationale » et aux « infrastructures cruciales ».
En cas de proposition de rachat, les offres sont examinées dans un délai de soixante-quinze jours par le Committee on Foreign Investment in the United States (Comité sur l'investissement étranger aux Etats-Unis, CFIUS). Celui-ci est composé de onze agences (départements de la défense, du Trésor, du commerce, et de la sécurité intérieure…). Le CFIUS peut demander des aménagements et, très rarement, recommander au président des Etats-Unis de s'opposer au rachat.
Mais parfois, les protestations politiques peuvent se révéler encore plus efficaces. Ce fut le cas en 2006, lorsque la société DP World, détenue par le gouvernement de Dubaï, avait tenté de racheter six terminaux portuaires américains. La Maison Blanche avait donné son feu vert, mais l'entreprise avait finalement renoncé face au tollé suscité par cette affaire au Congrès. Le CFIUS est, de fait, une arme de dissuasion en termes de protectionnisme : près de la moitié des offres publiques d'achat examinées par cet organisme n'ont pas été jusqu'à leur terme.
L'Allemagne
En 2008, le gouvernement allemand, inquiet du rachat éventuel d'entreprises par des fonds souverains étrangers, s'est donné la possibilité d'empêcher une telle opération. Encore faut-il que celle-ci présente « un danger effectif et suffisamment important » qui « menace l'intérêt fondamental de la société ».
D'après les experts, sont surtout concernés les domaines de la défense et des télécommunications. Le ministère de l'économie dispose d'un délai de deux mois pour interdire une opération ou pour exiger les aménagements qu'il juge nécessaires.
Un décret publié par la suite prévoit qu'un tel dispositif peut s'appliquer non seulement lors du rachat d'une société, mais lors de l'acquisition d'au moins 25 % de son capital. Mais, jusqu'à présent, cette loi n'a jamais été utilisée.
Le Royaume-Uni
Traditionnellement l'un des pays économiquement les plus ouverts, le Royaume-Uni n'a presque aucun outil législatif pour bloquer les prises de contrôle par des sociétés étrangères. La loi de 2002 sur les entreprises permet d'imposer un test d'intérêt public dans uniquement trois domaines : la sécurité nationale, les marchés financiers et les médias. La bataille Pfizer-AstraZeneca, actuellement en cours dans la pharmacie, n'est pas concernée par cette loi.
Les députés britanniques, qui interrogeaient le patron de Pfizer mardi 13 mai, reconnaissaient d'ailleurs leur impuissance. Et Pascal Soriot, le directeur général d'AstraZeneca, opposé à l'acquisition, a affirmé qu'« au final, c'est aux actionnaires de décider ».
En revanche, le Takeover Panel, un organisme indépendant chargé de superviser les règles des fusions et acquisitions, a vu ses règles récemment modifiées. Désormais, les promesses réalisées au moment d'une acquisition (par exemple, pas de licenciement, ou le maintien d'une usine…) seront légalement contraignantes, pendant cinq ans.
En cas de non-respect des engagements, l'entreprise peut être poursuivie devant la Haute Cour de justice et risque une amende. Vince Cable, le ministre de l'industrie, précise cependant que ces nouveaux pouvoirs judiciaires n'ont jamais été testés devant la justice, et que le montant potentiel des amendes est inconnu.