LE MONDE | 05.05.2014 à 11h09 • Mis à jour le 05.05.2014 à 11h16 | Par - Bruxelles Bureau européen
Michel Sapin devait connaître, lundi 5 mai, son baptême du feu bruxellois en tant que nouveau ministre des finances de François Hollande. A l'initiative sur la taxe sur les transactions financières, qu'il espère relancer, le successeur de Pierre Moscovici est en position nettement plus défensive sur la politique économique de la France, scrutée de près par ses partenaires européens.
Dans la matinée lundi, la Commission européenne a d'ailleurs une nouvelle fois mis la pression sur l'exécutif français, en dévoilant ses prévisions de printemps. Pour Bruxelles, le déficit français devrait atteindre 3,9 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, puis 3,4 % en 2015.
Ses attentes ne prennent que partiellement en compte le pacte de responsabilité mis sur les rails à Paris, alors que le nouveau gouvernement prévoit de son côté un déficit de 3,8 % en 2014, et de 3 % en 2015, pour rester dans les clous du pacte de stabilité et de croissance.
« L'écart entre nos prévisions de déficit s'explique, mais notre intention est vraiment d'atteindre 3 % en 2015 », minimise-t-on dans l'entourage de M. Sapin. L'ancien ministre de l'emploi devrait noter que la Commission prévoit l'inversion de la courbe du chômage, non pas en 2014, mais en 2015 : le taux de sans-emploi devrait alors redescendre à 10,2 % de la population active, contre 10,4 % en 2014.
Le déficit public s'est résorbé de plus d'un tiers en quatre ans, mais pas encore assez pour répondre à l'objectif fixé
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REDRESSER LA COMPÉTITIVITÉ
Michel Sapin, le ministre des finances, est attendu lundi 5 mai à Bruxelles
La Commission devrait attendre le 2 juin pour faire des recommandations plus définitives. Elle reconnait d'ores et déjà que le pacte de responsabilité contribuera à améliorer la situation, à condition d'être mis en oeuvre avec rigueur pour « réaliser les économies annoncées, et chercher les gains d'efficacité à tous les niveaux de l'administration ».
Pour Siim Kallas, le successeur d'Olli Rehn aux affaires économiques et monétaires, une « application déterminée des plans du gouvernement » peut encore permettre « de ramener le déficit sous les 3 % du produit intérieur brut l'année prochaine ». « Cela renforcerait la confiance dans l'économie française, et dans sa capacité à se réformer », explique le vice-président de la commission.
Bruxelles diffère très légèrement de Paris au sujet des prévisions de croissance (1 % en 2014 et 1,5 % en 2015, contre 1,7 % pronostiqué par le gouvernement). Pour la commission, la reprise continue d'être soutenue par la demande intérieure. A ses yeux, les différentes mesures annoncées pour redresser la compétitivité des entreprises françaises ne vont faire que « ralentir le rythme de perte de parts de marché » à l'international, car elles ne ciblent pas assez les groupes exportateurs.
Du coup, de manière générale, la France devrait croître un peu moins vite que la zone euro (à 1,2 % cette année, et 1,7 % en 2015). Sa dette devrait continuer à progresser pour se situer à 96,6 % du PIB l'an prochain, légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l'union monétaire. L'écart entre Paris et Berlin a même tendance à se creuser : la dette allemande est orientée à la baisse et les comptes publics seront à l'équilibre en 2014
Ces chiffres à peine digérés, Michel Sapin devait rencontrer ses homologues, dont l'Allemand Wolfgang Schäuble, dans le cadre de la réunion mensuelle des grands argentiers de la zone euro, lundi après-midi. Comme tout nouvel arrivant dans ce cénacle, il sera invité à présenter les grandes lignes des projets budgétaires, et les réformes du gouvernement Valls. Il devait s'entretenir au passage avec Siim Kallas.
L'idée est de dissiper le flou apparu lors de la nomination du nouveau gouvernement : M. Sapin lui-même avait suggéré de changer le « rythme » de la rigueur à la Française, avant d'assurer, sous la pression des capitales européennes, qu'il maintiendrait le cap des 3 % de déficit d'ici à la fin 2015.
Le successeur de Pierre Moscovici est d'autant plus attendu que le nouveau gouvernement a tardé, pour cause de remaniement, à remettre à Bruxelles son programme de stabilité, et son « plan national de réforme ». Les deux documents ne seront pas transmis avant le 7 mai.