Le Monde.fr | 26.04.2014 à 06h19 • Mis à jour le 26.04.2014 à 11h11 | Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)
Ils sont loin d'être majoritaires, mais « Colt », « Remington » ou « Ruger » sont de plus en plus donnés aux Etats-Unis. Révélateur d'une époque ?
Colt, Remington, Ruger. Ce n'est pas l'inventaire d'une armurerie, mais la liste de trois prénoms qui sont donnés de plus en plus fréquemment aux Etats-Unis. Laura Wattenberg, créatrice du site BabyNameWizard, tient depuis des années des statistiques et a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet. Elle a ainsi constaté, à partir des fichiers officiels de la Social Security, que les noms d'armes à feu avait connu une croissance exponentielle dans les maternités au cours des dernières années. Le nombre de petits Colt a par exemple augmenté de 492 % entre 2002 et 2012. La hausse pour les jeunes Remington a explosé de 360 %. Quant aux Ruger, le premier fabricant d'armes aux Etats-Unis, le chiffre atteint les 513 %, leader oblige.
Pour être tout à fait honnête, ces prénoms, malgré cette hausse vertigineuse, restent donnés dans de très faibles proportions. On ne compte qu'un petit millier de Colt, 666 Remington et 118 Ruger. Autant dire une goutte d'eau (ou de sang) par rapport aux quatre millions de naissances qui ont lieu chaque année aux Etats-Unis. Pas franchement de quoi venir troubler la hiérarchie des prénoms les plus donnés, qui étaient en 2012, toujours selon les statistiques de la Social Security, Emma et Sophia pour les filles, et Mason, William ou Liam pour les garçons.
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PETITS FACEBOOK ET RETWEETS
Le phénomène a tout de même interpellé Laura Wattenberg, qui, depuis qu'elle a commencé son recensement, en a vu pourtant passer des vertes et des pas mûres en matière de prénom. Dernièrement, des petits Facebook ou Retweets ont été ainsi enregistrés. Toutefois, les réseaux sociaux ont moins de succès que les armes en matière de prénom.
Mais dans un pays où toutes les dix-sept minutes une personne est tuée par arme à feu et qui, en 2013, a connu 236 tueries de plus de quatre victimes, donner à son enfant le nom d'un revolver ou d'une carabine ne peut être tout à fait anodin. Laura Wattenberg compare les prénoms à des « fossiles », qui peuvent en dire long sur une époque : « Quand on regarde en arrière, dit-elle, on peut avoir une idée de quoi les gens parlaient, de leurs obsessions comme de leurs rêves. »
FAIBLE SUCCÈS POUR KALACHNIKOV
Dans ces conditions, quelle signification donner au fait que Gunner (« artilleur ») soit passé de la 739e place des patronymes les plus courants en 1999 à la 293e ? Ce prénom est même devenu plus populaire que le plus traditionnel Gunnar, à la consonance pourtant très proche. Remington, qui est à la fois, paraît-il, féminin et masculin, s'est, lui, hissé du 731e rang il y a dix ans au 421e aujourd'hui. La cote des Gauge (« calibre ») est également en forte augmentation. C'est à se demander ce que certains seraient prêts à faire pour bien armer leur enfant dans la vie. Kalachnikov n'est pas encore répertorié, pas assez made in America, sans doute.
Face à la fantaisie sans limite des parents pour choisir un prénom, l'Etat mexicain de Sonora, voisin des Etats-Unis, a, lui, préféré prendre les devants et dresser une listes de 61 prénoms interdits, parmi lesquels Burger King, Twitter, Hitler, Virgin ou encore Terminator. Colt, Remington et Ruger n'ont visiblement pas encore traversé la frontière. Mais pour combien de temps encore ?
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