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Règlements de comptes dans les rangs de l'armée malienne
Mis à jour le 08/02/2013 à 23:02 | publié le 08/02/2013 à 20:18
Vendredi à Bamako, après une fusillade qui a fait un mort et six blessés.
Extrêmement fragilisé, l'État malien doit faire avec les divisions de son armée.Pendant que les opérations françaises contre les djihadistes s'intensifient dans le nord du pays, près de la frontière algérienne, l'armée malienne règle ses comptes à Bamako. Vendredi, les habitants du quartier de Djicoronipara ont été réveillés par des combats. Retranchés dans leurs casernes, les bérets rouges, l'unité parachutiste qui compose l'ex-garde rapprochée du président déchu Amadou Toumani Touré, renversé par un coup d'État militaire le 22 mars 2012, ont affronté les bérets verts: les gendarmes et la garde nationale.
La mutinerie, qui a fait selon les premiers bilans deux morts et treize blessés, aurait été déclenchée par des mesures disciplinaires prises contre des membres de l'unité parachutiste. Elle témoigne de l'extrême fragilité de l'État malien et des divisions de son armée, toujours tentée par les coups de force depuis qu'elle a été laminée par les groupes islamistes armés. Chaque clan se rejette la responsabilité des affrontements. Les bérets rouges, qui vivent avec leur famille dans leur cantonnement, s'estiment victimes d'une attaque préméditée, alors qu'ils exprimaient «pacifiquement» des «revendications». Ils se disent marginalisés. «Le chef d'état-major a pris des mesures disciplinaires contre des parachutistes et certains d'entre eux n'ont pas été contents, donc, quand ils se sont levés ce matin, ils ont commencé à tirer», explique, de son côté, le ministère de la Défense.
Apparemment des bérets rouges refusent de quitter la capitale pour être réaffectés dans d'autres unités déployées dans les zones reprises à al-Qaida et à ses alliés. En début de semaine, le général Tahirou Dembélé, chef d'état-major, avait déclaré à la télévision vouloir les envoyer combattre aux côtés des soldats français. Il s'agissait de les dissoudre dans d'autres corps pour en finir avec leur irrédentisme. En avril 2012, les bérets rouges avaient vainement tenté de reprendre le pouvoir après le coup d'État du 22 mars contre le président Toumani Touré, mené par les hommes du capitaine Amadou Sanogo, chef des bérets verts. Les heurts entre les deux unités avaient fait une vingtaine de morts.
Aujourd'hui, le capitaine Sanogo évite de s'exprimer en public, car l'heure est à la «transition politique». L'ex-putschiste, qui s'est effacé officiellement devant les civils, conserve une forte influence. Il s'était déclaré à de multiples reprises contre l'intervention française et contre l'appui militaire des pays de l'Afrique de l'Ouest. Une position difficile à tenir après les succès des troupes françaises. À la veille du déclenchement des premières frappes pour stopper les colonnes djihadistes, des rumeurs d'un nouveau coup d'État avaient couru dans Bamako.
Le «boss» est invisibleÀ Kati, la ville garnison fief du capitaine Sanogo, son portrait s'étale sur les murs d'enceinte des terrains d'entraînement mais le «boss» est invisible. Un comité de crise déclare gérer les affaires courantes. Une quinzaine de gradés se réunissent autour du secrétaire général, le colonel Diallo. «Le capitaine Sanogo a restauré la discipline et la confiance qui manquait», assure le colonel. «Le comité suit et analyse les événements. C'est une force de proposition pour le ministère de la Défense. Il permet de mettre de l'huile dans les rouages», ajoute-t-il. Sur les terrains vagues du camp, protégé par des blindés, un officier des bérets verts accuse les bérets rouges de «vouloir animer la galerie». «Ces gens dépendent de la justice», tranche-t-il. Il revient aussi sur les échos de soulèvement militaire. «Quand il y a coup d'État, c'est que les conditions l'imposent. Il nous faut d'abord une bonne gouvernance.» Et de citer un dicton local: «Quand la chèvre est trop coincée, elle peut mordre comme un chien.»
Des tanks de fabrication soviétique croupissent dans des hangars. Il y a là des T54, des blindés chenillés Chilka, des engins en mesure de tirer en théorie des missiles filoguidés. Une grande partie du matériel est hors d'usage, l'autre semble n'avoir jamais servi. «On a des problèmes de carburant», note un membre du comité. Lors de la déroute de l'armée malienne devant les djihadistes voici un mois à Konna, dans le centre, les soldats de Bamako n'avaient pas d'essence pour se replier. Ils avaient choisi, pour sauver leur peau, d'enfiler des habits civils. Le défi est aujourd'hui de reconstruire cette armée en bien mauvais état.
Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, a vivement condamné les «tirs fratricides» entre soldats maliens, lançant un nouvel appel à «l'union sacrée indispensable», en plein reconquête du nord du Mali contre les groupes islamistes armés.