Le Monde.fr | 25.03.2014 à 09h54 • Mis à jour le 25.03.2014 à 11h01 | Par Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)
François Hollande et des entrepreneurs chinois à l'Elysée, le 25 juin 2013.
L'entrée du constructeur automobile chinois Dongfeng à hauteur de 14 % dans le capital du groupe français PSA, pour 800 millions d'euros, sera actée définitivement mercredi 26 mars, à l'occasion de la visite du président Xi Jinping en France.
Cette prise de participation approfondira la relation du groupe chinois avec les marques reconnues que sont Peugeot et Citroën, avec lesquelles il coopère déjà à domicile.
Elle renforcera, aussi, son accès à une expérience de longue date. Reconnaissance et histoire sont, en effet, ce qui fait défaut à l'industrie automobile chinoise.
La recherche d'une marque, d'un savoir-faire
Cette quête d'une marque et de son savoir-faire est souvent citée comme l'une des motivations des groupes chinois lorsqu'ils investissent en Europe, et particulièrement en France.
En tentant de se saisir de 46 % du capital du Club Med, le conglomérat privé Fosun veut, par exemple, accéder à l'expérience reconnue de la chaîne de clubs de vacances, qu'il entend « brancher » sur la croissance du marché chinois du tourisme.
L'opération, annoncée en mai 2013 et pour laquelle le groupe de Shanghaï s'associe à Ardian (nouveau nom du fonds AXA Private Equity), est pour l'heure suspendue à la décision de la cour d'appel de Paris, attendu le 29 avril, sur le recours d'actionnaires minoritaires s'estimant lésés dans la transaction.
La volonté de s'inscrire dans les objectifs quinquennaux de Pékin
Cette entrée au capital du Club Med est typique de la capacité des hommes d'affaires chinois à agir seuls, tout en se plaçant dans le sillage des objectifs fixés par Pékin, afin d'obtenir sa bénédiction.
Parmi les objectifs posés pour le douzième plan quinquennal, qui régit la deuxième économie mondiale jusqu'à la fin 2015, il n'a pas échappé à Guo Guangchang, le patron milliardaire de Fosun, que figurent le développement de la consommation intérieure, ainsi que celui des services, deux éléments présents dans l'opération Club Med.
Pour les entreprises chinoises, la France a également un rôle à jouer dans le cadre de l'objectif du développement durable.
Des intérêts très larges
Mais, à la différence de l'Allemagne, qui intéresse tout particulièrement la Chine pour ses industries mécaniques, il est difficile d'établir un périmètre précis des secteurs français attrayants pour la Chine, juge Françoise Nicolas, directrice du Centre Asie de l'Institut français de relations internationales (IFRI).
Outre PSA et le Club Med, on a ainsi vu le groupe Bluestar acquérir l'expert de la nutrition animale Adisseo et la branche silicone du chimiste Rhodia, en 2007, Hainan Airlines s'octroyer 48 % du capital de la compagnie aérienne française Aigle Azur (en octobre 2012), ou encore le champion des télécommunications ZTE se lancer dans la construction d'un centre de recherche à Poitiers.
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Un secteur intéresse néanmoins tout particulièrement la République populaire pour son savoir-faire, celui de l'agroalimentaire, qui est de piètre qualité en Chine.
Malgré les promesses, le gouvernement de Pékin s'est montré incapable de garantir aux consommateurs du lait en poudre de qualité depuis le scandale du lait coupé à la mélamine, qui éclata en septembre 2008.
Il s'agit, en regardant ce qui se fait en France, de palier un déficit qualitatif, tout en répondant à la hausse de la demande chinoise.
C'est ce qu'a fait le producteur de lait pour nourrisson Synutra en investissant 90 millions d'euros à Carhaix (Finistère) pour y bâtir des tours de séchage qui lui permettront de produire 100 000 tonnes de lait en poudre par an dès le second semestre 2015.
Au rattrapage technologique succède la volonté d'accéder à des marchés
Aux yeux de Mme Nicolas, la grande diversité des secteurs qui intéressent les entreprises chinoises reflète une nouvelle réalité. Si celles-ci n'ont pas pour autant cessé de chercher le rattrapage technologique, elles sont d'abord motivées par l'accès aux débouchés.
« Leur premier objectif est la pénétration des marchés. Sur ce point, [les Chinois] ne sont pas bien différents du reste du monde », constate cette spécialiste de l'Asie.
Probablement parce qu'ils ont déjà remonté la pente sur le plan de la technologie dans un certain nombre de domaines, tels que les télécoms, où les géants Huawei et ZTE n'ont plus rien à envier à leurs concurrents occidentaux.
Mais également parce que, sauf dans les secteurs jugés stratégiques où l'Etat est omniprésent, les hommes et femmes d'affaires chinois jouissent désormais d'une grande liberté de manœuvre, qui les pousse à rechercher les bonnes affaires et l'accroissement de leurs parts de marché. « Ils ont compris qu'il s'agit d'abord de faire du business », juge Mme Nicolas.