Le Monde.fr | 06.02.2014 à 16h35 • Mis à jour le 07.02.2014 à 12h14 | Par Rémi Barroux
A Bamako, le 6 février.
Le nombre de mutilations génitales féminines tend à diminuer lentement dans le monde, mais trente millions de filles risquent d'en être encore victimes dans les dix prochaines années. Selon un communiqué de l'Unicef publié à l'occasion de la Journée mondiale contre les mutilations génitales féminines et l'excision, jeudi 6 février, ces pratiques continuent de toucher plus de 125 millions de femmes et de filles, dans une trentaine de pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Pour Michèle Barzach, présidente de l'Unicef France :
« Trop souvent, ces actes se perpétuent avec la participation des femmes elles-mêmes, prisonnières du poids de la tradition et de la norme sociale. Mais je suis optimiste : le soutien des femmes à ces pratiques est en baisse, y compris dans les pays à forte prévalence. De plus en plus d'hommes sont, eux aussi, pour l'abandon de l'excision, ce qui est fondamental pour le succès de notre combat. »
Selon l'agence des Nations unies dédiée à l'enfance et la famille, ces mutilations sont étroitement liées à certains groupes ethniques. « Les normes sociales et les attentes au sein de communautés partageant les mêmes convictions jouent un rôle important dans la perpétuation de ces usages », estiment les auteurs du rapport.
Lire aussi : L’excision reste une pratique généralisée dans une quinzaine de pays d’Afrique
http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/07/23/l-excision-reste-une-pratique-generalisee-dans-une-quinzaine-de-pays-d-afrique_3451442_3244.html
AVEC LE CONCOURS DE « FEMMES LEADERS »
Pour combattre ce qui s'apparente souvent à une « norme sociale », l'Unicef prône l'implication de tous les acteurs, communautaires, politiques, religieux, médicaux. Khalidou Sy, de l'ONG Tostan, raconte comment, au Sénégal, plus de 5 800 communautés sénégalaises se sont engagées dans des déclarations publiques d'abandon de ces pratiques, avec « le concours de femmes leaders ». Son organisation intervient auprès des réseaux sociaux traditionnels, pour les sensibiliser au Plan national d'action pour l'abandon de l'excision.
En Egypte, l'université d'Al-Azhar du Caire et la communauté religieuse travaillent ensemble pour répondre aux questions soulevées par les érudits religieux, les parents mais aussi pour les personnes qui travaillent dans le domaine de l'éradication des mutilations.
« Face à une recrudescence de justifications religieuses de l'excision, il fallait intervenir, explique Philippe Duhamel, reponsable de l'Unicef en Egypte. Nous avons sollicité les autorités religieuses, les oulémas, et nous avons édité une publication avec eux, il y a deux mois, s'appuyant sur des versets du Coran et la charia, montrant qu'il n'y avait aucune justification religieuse à cette pratique et qu'ils la condamnaient sans équivoque. »
GROUPES DE DISCUSSION
Au-delà de la publication de ce texte important, des groupes de discussion vont être organisés dans tout le pays. « Il ne s'agit pas de diffuser seulement ce document, poursuit Philippe Duhamel, mais de convaincre. L'Unicef et les représentants de l'université [d'Al-Azhar], qui est une référence dans tout l'islam sunnite, seront présents dans ces groupes autour des responsables religieux locaux. »
La baisse réelle de l'excision et des mutilations génitales se joue sur le terrain, dans cette capacité à mobiliser les acteurs locaux et à convaincre. « Soumettre ces pratiques à l'examen du grand public, de manière respectueuse, pourrait susciter des changements à l'échelle des communautés », écrit l'Unicef dans son rapport 2013. Il faut aller plus loin que le simple changement des attitudes individuelles et intégrer les attentes sociales et les communautés dans leur ensemble.