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Municipales à Eguisheim : duel au « village préféré des Français »
C’est le titre de gloire de ce bourg médiéval alsacien, décerné par France 2. Le maire s’en attribue le mérite, mais son adversaire assure qu’il n’y est pour rien !
Publié le 27.12.2013, 08h40
Eguisheim (Haut-Rhin). La bataille fait rage au «village préféré des Français».
Dans la vitrine d’une boutique d’un viticulteur de la Grand-Rue trône le portrait de Stéphane Bern, au beau milieu des bouteilles de riesling et autres gewurztraminer. Il faut alors lever la tête pour comprendre. « Eguisheim, village préféré des Français », annonce une banderole déployée entre deux maisons à colombages.
Le 4 juin, lors d’une émission sur France 2 orchestrée par l’animateur, la cité pittoresque alsacienne a ainsi décroché, sans rien demander, ce titre décerné sur la base des votes des internautes de l’Hexagone.
Depuis, celle qui était déjà très attrayante a vu sa fréquentation bondir de 40%, gagnant sur l’année 350000 visiteurs. Les vendeurs de beerawecka (pain de Noël aux fruits) ou les serveurs de flammekueche (tarte flambée) se frottent les mains. Claude Centlivre, le maire, qui brigue un second mandat, aussi. « On vient d’avoir encore trois reportages autour de Noël en un mois dans le 13 Heures de Jean-Pierre Pernaut », se félicite le jeune retraité de 61 ans, qui a « reçu également la visite de la ministre du Tourisme ».
La distinction tombée du ciel, cet ex-instit’ et directeur d’école en a fait un argument électoral. Il la met « au crédit » de son conseil, qui s’est « décarcassé » pour embellir et promouvoir encore un peu plus la bourgade médiévale de carte postale. « Cette récompense fait partie du bilan comme la réhabilitation de l’espace culturel et la construction du centre sportif », vante-t-il. « Il se sert de ça pour se valoriser un peu », observe un conseiller municipal.
Le tourisme demeure le thème numéro 1 de la campagne« Attention, la notoriété d’Eguisheim ne date pas d’hier. Avant Stéphane Bern, on a eu Pierre Bonte et Danièle Gilbert », rappelle un aîné. En dépit d’une popularité au zénith, l’édile, « sans étiquette » mais tout de même avec un « cœur à gauche » dans une commune qui plébiscite… la droite à tous les autres scrutins, ne crie pas victoire. « Pour savoir si je suis le maire préféré du village, j’attends le mois de mars », sourit-il.
Le viticulteur Jean-Luc Freudenreich, 58 ans, novice en conquête des urnes, entend bien jouer les trouble-fête en présentant une liste concurrente de 19 noms. Il lui manque encore des candidates pour la boucler. « On a un souci, c’est la parité. Si c’est pour prendre des potiches, c’est pas la peine », lâche-t-il. Lui a plutôt le cœur à droite mais il ne faut pas le dire. « Avec mes colistiers, on a décidé de ne pas déclarer nos opinions politiques », explique le prétendant, qui est aussi un magicien réputé ayant bien connu feu Garcimore.
Il ne manque pas de rappeler que son adversaire, « un gentil garçon », « n’est pour rien » dans l’attribution du label cathodique. Il lui reproche de ne « penser en ce moment que touristes » et « chiffres », de « réfléchir à court terme », d’avoir aussi fait « des déçus ». « La commune est endettée, mais pour lui tout va bien. » Et de prévenir : « Il n’arrivera pas à me dompter! »
Le premier magistrat n’est pas tendre avec son « challenger » qui ne « s’implique pas dans les associations », « est misogyne ». Au-delà de ces piques, c’est l’avenir du tourisme, premier employeur du village et désormais de masse — avec ses désagréments pour ceux qui ne profitent pas de la manne — qui demeure le thème numéro 1 de la campagne. « Normal, il n’y a pas tellement la crise ici, pas trop de chômage, pas trop d’insécurité », décrypte un couple de sexagénaires.
Pour les deux candidats, qui ont au moins une idée commune, pas question de vendre son âme aux marchands du temple. « On veut préserver le vrai, pas avoir des pièges à touristes! », insiste Jean-Luc Freudenreich, qui n’a pas encore dévoilé son programme. « Faut pas qu’on devienne un village musée ou une usine à touristes mais un village où il fait bon vivre », répète Claude Centlivre, qui projette une extension des parkings ou un agrandissement de l’office de tourisme car aujourd’hui c’est une « cage à lapins ».
Monsieur le maire a sans doute perdu une poignée de voix quand il a rappelé à certains commerçants qui « exagéraient » qu’il fallait pratiquer des « prix modérés ». « Il est sorti de son rôle, on n’a pas de leçons à recevoir », s’indigne un boutiquier. Mais il a aussi glané quelques suffrages en collectionnant les apparitions sur le petit écran. « Il cause bien, il présente bien », encense une électrice-admiratrice.