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Cholestérol : une étude relance la polémique
Publié le 04/10/2013 Image de synthèse d'une artère touchée par des dépôts de cholestérol (en jaune), autrement dit une athérosclérose.
Des cardiologues craignent la survenue de décès en cas d'arrêt de traitement.
Il y aurait chaque année en France plus de 1 100 morts et près de 5 000 accidents cardio-vasculaires majeurs supplémentaires si tous ceux qui ont l'intention d'arrêter de prendre leur statine - un médicament qui lutte contre l'excès de cholestérol - passaient à l'acte.
Un tableau apocalyptique dressé il y a quelques jours dans les
Archives of cardiovascular disease par cinq cardiologues français. Et surtout une réponse directe au livre controversé du Pr Philippe Even,
La Vérité sur le cholestérol publié en début d'année, dans lequel le médiatique médecin affirmait: «Le cholestérol est sans danger, les statines ne servent à rien et l'infarctus ne tue guère après 75 ans». Des résultats à prendre toutefois avec précaution.
Les cardiologues ont donc interrogé 142 patients qui étaient traités par statine, pour évaluer la proportion de ceux ayant l'intention d'arrêter leur traitement. Un nombre de patients très réduit mais qui permet de distinguer deux groupes à risque distinct: les 105 personnes «en prévention secondaire», c'est-à-dire ayant déjà eu un accident cardio-vasculaire majeur (type infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral) et à fort risque de récidive pour qui une statine est indispensable, d'une part, et les 37 autres participants à risque plus faible, dits «en prévention primaire», puisque n'ayant jamais eu d'accident cardiaque et pour qui les statines se discutent.
«Au total, 24,3 % des patients en prévention primaire avaient l'intention d'interrompre leur traitement par statine et 8,6 % de ceux en prévention secondaire», remarquent les auteurs. Spontanément, un quart des patients évoque la polémique sur les statines au cours de la consultation médicale. Par ailleurs, un patient sur quatre, en prévention primaire, et un sur cinq en prévention secondaire rapportent des effets indésirables: faiblesses musculaires, raideurs ou douleurs. Or, ce sont surtout ces patients qui envisagent d'arrêter leur traitement, ce qui relativise l'impact de la polémique.
Le Pr Even passe à l'offensiveLes principales faiblesses méthodologiques de l'étude viennent de l'extrapolation effectuée. Elle suppose que l'on trouverait la même proportion de personnes tentées par l'arrêt du traitement si l'on interrogeait les 6,2 millions de Français traités par statine. Il aurait aussi fallu déduire la proportion de personnes tentées par l'arrêt du traitement qui renoncent finalement à le faire après en avoir parlé à leur médecin.
Le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la Haute autorité de santé, «trouve que cette relance de la polémique est inutile et mal venue. Cet article à la méthodologie très discutable ne change rien à ce que nous avons déjà dit au printemps dernier».
Le Pr Even est passé à l'offensive vendredi matin sur Europe 1 en affirmant: «Cette étude est publiée dans une feuille de chou, le dernier journal de cardiologie du monde, le moins lu, le moins cité, cinq signataires inconnus, un professeur qui a de loin en cardiologie les liens d'intérêts les plus marqués avec l'industrie pharmaceutique.»
«Cette étude n'a pas été réalisée à la demande de l'industrie pharmaceutique mais plutôt dans le but de contrebalancer cette polémique», explique au
Figarole Dr Puymirat, principal auteur de l'étude. «Pour faire de la recherche clinique, il est aujourd'hui impossible de travailler sans l'industrie mais cela ne signifie pas qu'on est lié à eux», rappelle-t-il.
Dommage que les autorités de santé n'aient pas encore jugé bon de réaliser une étude sur «l'effet Even». Après tout, l'impact éventuel du battage médiatique est aussi une affaire de santé publique.
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«J'invite le Pr Even à découvrir la Haute Autorité de santé»Jean-Luc Harousseau, le président de la Haute Autorité de santé (HAS), aura donc choisi l'humour, et
Le Figaro, pour répondre aux accusations lancées par le Pr Even. «La Haute Autorité de santé n'est ni haute ni autorité», avait pontifié ce dernier vendredi matin sur l'antenne d'Europe 1. Il répondait au journaliste Thomas Sotto qui soulignait la contradiction entre les recommandations de la HAS et son propre livre
La Vérité sur le cholestérol. En février, la HAS avait publié un communiqué sans ambages sur le bon usage des statines: «Inquiéter les malades, provoquer leur défiance vis-à-vis d'un traitement utile et vis-à-vis des médecins qui prescrivent leur traitement n'est pas responsable.»
Cette fois, le Pr Harousseau feint la surprise: «Je suis très fier que le médiatique Pr Even daigne s'intéresser à la HAS. Plus sérieusement, dire comme il le fait que la moitié des experts de nos commissions sont financés par l'industrie pharmaceutique est un peu méprisable. J'invite le Pr Even à regarder à la HAS les déclarations de conflits d'intérêts, la gestion que nous en faisons, la façon dont les cas difficiles sont contrôlés par un groupe déontologique extérieur.» Bref, le Pr Even est invité à un peu plus de rigueur et de modération.