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Syrie : Londres renonce à intervenir, possible action unilatérale de Washington
30 août 2013 à 07:32 (Mis à jour: 07:50)
Des américains d'origine syrienne manifestent devant les Nations Unies, le 31 janvier 2012 après la demande de la Ligue arabe au Conseil de sécurité d'adopter une résolution pour régler la crise en Syrie.
Après le rejet de la motion par le Chambre de communes britannique, Washington est dans l'incertitude, renforcée par des manifestations anti-intervention. «La Grande-Bretagne ne serait pas impliquée dans une action militaire», a annoncé un porte-parole de Dwoning Street durant la nuit, renforçant l’hypothèse d’une action unilatérale des États-Unis.
Le Parlement britannique a rejeté jeudi l’idée d’une intervention militaire contre la Syrie, renforçant l’hypothèse d’une éventuelle action unilatérale des Etats-Unis, Damas ayant promis de se défendre
«contre toute agression.»Dans ce climat de fortes tensions face à la perspective d’une action militaire qui serait menée par Washington, des inspecteurs des Nations unies enquêtent depuis lundi près de Damas sur l’attaque chimique du 21 août qui a fait des centaines de morts et ont recueilli
«quantité» d’éléments.
La Chambre des Communes britannique a rejeté jeudi soir, par 285 voix contre 272, une motion présentée par le Premier ministre David Cameron qui défendait le principe d’une intervention militaire en Syrie. Ce dernier a immédiatement indiqué qu’il tirerait les conséquences de ce vote.
«Il est clair que le Parlement britannique ne veut pas d’intervention militaire britannique. Je prends note et le gouvernement agira en conséquence», a-t-il réagi.
«Je crois fermement à la nécessité d’une réponse forte face à l’usage d’armes chimiques. Mais je crois aussi au respect de la volonté de la Chambre des Communes», a ajouté David Cameron.
La motion gouvernementale condamnait
«l’usage d’armes chimiques en Syrie le 21 août 2013 par le régime de (Bachar al-)Assad» et convenait
«qu’une réponse humanitaire forte est requise de la part de la communauté internationale, impliquant si nécessaire une action militaire qui soit légale, proportionnée et destinée à sauver des vies en empêchant tout usage futur d’armes chimiques en Syrie.»«J’étais déterminé à ce qu’on tire les leçons de l’Irak et je suis content qu’on ait fait entendre raison au Premier ministre ce soir», a réagi le chef du Labour, Ed Miliband.
Le ministre de la Défense Philip Hammond a quant à lui reconnu que David Cameron était
«déçu» et estimé que ce résultat allait
«certainement peser sur la relation spéciale» entre les États-Unis et le Royaume-Uni.
Le Conseil de sécurité de l’ONU est également dans l’impasse. Une réunion d’à peine 45 minutes entre les cinq membres permanents (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France disposant tous d’un droit de veto) s’est achevée sans progrès apparents. Elle s’était tenue à la demande de la Russie, alliée de la Syrie et donc farouchement opposée à toute action militaire.
«Coup de semonce»
Réagissant au vote du Parlement britannique, la Maison Blanche a laissé entendre que le président Barack Obama pourrait décider d’une action unilatérale, même si le président américain n’avait toujours pas pris de décision vendredi matin.
«Les Etats-Unis continueront à consulter le gouvernement britannique, l’un de nos alliés et amis les plus proches», mais «les décisions du président Obama seront guidées par ce qui est dans l’intérêt des Etats-Unis», a déclaré la porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, Caitlin Hayden.
Obama
«pense que des intérêts cruciaux des Etats-Unis sont en jeu, et que les pays qui violent les règles internationales sur les armes chimiques doivent rendre des comptes», a-t-elle poursuivi. Le président américain avait dit mercredi soir ne pas avoir pris de décision sur la Syrie, mais il avait parlé d’un nécessaire
«coup de semonce» contre Damas. Les Etats-Unis
«répondront» à l’utilisation par la Syrie d’armes chimiques, a réaffirmé la porte-parole adjointe du département d’Etat Marie Harf, mais sans être plus explicite.
Plus tôt jeudi, la présidence avait en outre confirmé la publication prochaine,
«avant la fin de la semaine», d’une
«version déclassifiée d’une évaluation du renseignement quant à l’usage d’armes chimiques par le régime Assad.» «La Maison Blanche a montré qu’il ne faisait aucun doute que des armes chimiques avaient été utilisées, et utilisées intentionnellement par le régime Assad», a affirmé le représentant démocrate Eliot Engel.
Le républicain Bob Corker a également évoqué les
«preuves fortes de l’utilisation continue par le régime Assad d’armes chimiques.»«Il est de la responsabilité de chaque pays de prendre ses propres décisions», a par ailleurs affirmé le chef du Pentagone Chuck Hagel.
«Nous continuons de consulter les Britanniques, comme les autres alliés. Cette consultation comprend des façons d’aller de l’avant ensemble pour répondre à cette attaque à l’arme chimique en Syrie», a précisé le haut responsable.
Face à cette poussée de fièvre et malgré le scepticisme qui s’est fait jour depuis mercredi sur l’opportunité d’une intervention, le président syrien Bachar al-Assad s’est engagé à
«défendre» son pays
«contre toute agression» des Occidentaux.
Fort de l’appui de la Russie, Assad, qui avait déjà démenti les accusations
«insensées» de recours aux armes chimiques, a martelé que la Syrie était
«déterminée à éradiquer le terrorisme soutenu par Israël et les pays occidentaux», assimilant une nouvelle fois la rébellion à du
«terrorisme.»Du côté de l’ONU, les inspecteurs enquêtant en Syrie ont récolté quantité d'
«éléments» dans la région de l’attaque chimique, près de Damas. Ils doivent faire un compte-rendu oral au secrétaire général Ban Ki-moon après leur départ de Syrie prévu samedi. Les échantillons recueillis seront transmis à des laboratoires en Europe, conformément à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, et ces analyses pourraient prendre des semaines, selon un porte-parole de l’ONU, Farhan Haq. Quoi qu’il en soit, un feu vert du Conseil de sécurité pour l’usage de la force en Syrie est hautement improbable compte tenu de l’opposition de la Russie et de la Chine.
La France, l’autre alliée de Washington au Conseil de sécurité, a reconnu qu’une riposte militaire était
«compliquée à construire». Le président François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel ont dit attendre les résultats de l’enquête de l’ONU. Le chef de l’Etat français a cependant insisté sur la nécessité de
«marquer un coup d’arrêt par rapport à l’escalade de la violence.» Et le Canada a d’ores et déjà annoncé ne pas envisager de participer à d’éventuelles frappes.
Les Etats-Unis ont rassemblé depuis une semaine des renseignements et informations sur l’attaque chimique et la Maison Blanche devait communiquer jeudi soir au Congrès les éléments en sa possession.
Le gouvernement américain devait organiser dans la soirée une conférence téléphonique avec des parlementaires du Sénat et de la Chambre des représentants. Une
«version déclassifiée» d’un rapport des services de renseignement américains devrait être publiée
«avant la fin de la semaine.» Le Pentagone a déployé un destroyer supplémentaire face aux côtes syriennes, portant temporairement à cinq le nombre de navires équipés de missiles de croisière en Méditerranée orientale. Le Royaume-Uni a déployé six avions de chasse Typhoon sur l’une de ses bases à Chypre, à une centaine de kilomètres seulement des côtes syriennes.
A Damas, les forces armées syriennes ont été repositionnées hors de leurs postes de commandement, et les habitants se préparaient au pire, certains pliant bagages, d’autres subissant des contrôles renforcés à des barrages routiers.
S’exprimant depuis la Turquie, qui prône une opération musclée contre le voisin syrien, l’opposition syrienne a affirmé que les défections s’étaient multipliées dans l’armée syrienne ces derniers jours.
Dans le camp des alliés de Damas, Moscou a annoncé l’envoi en Méditerranée d’un bateau de lutte anti-sous-marine et d’un navire lance-missiles. L’Iran, par la voix de son chef d’état-major Hassan Firouzabadi, a prévenu qu’une action militaire contre la Syrie aurait des conséquences sur toute la région et mènerait Israël
«au bord des flammes». Celui-ci a rétorqué qu’il répliquerait
«avec toute sa force» et fait état du déploiement de systèmes d’interception antimissiles.
Des centaines de personnes manifestent à New-York
Des défenseurs du président syrien Bachar al-Assad et Américains ne pouvant pas supporter l’idée d’une nouvelle guerre, se sont retrouvés en fin d’après-midi sur la célèbre place au milieu des touristes.
«USA, Otan, ne touchez pas à la Syrie!», scandaient-ils, certains portant des portraits du président Assad.
Un médecin syrien dans le cortège, arrivé aux Etats-Unis il y a 17 ans, brandissait une pancarte indiquant :
«Syrie = Irak. Mêmes mensonges.»«C’est encore un mensonge, et beaucoup de gens vont mourir pour rien», a-t-il expliqué.
«Où sont les armes chimiques? Nous ne les avons pas trouvées.»D’autres Syriens d’origine chrétienne, portant le drapeau rouge, noir et blanc de leur pays défendaient aussi leur président, affirmant que les accusations selon lesquelles il aurait utilisé des armes chimiques contre son peuple étaient un mensonge. Ils préféraient pointer du doigt des
«terroristes» et acteurs extérieurs.
Une Américaine, était tout autant dubitative.
«La même chose est arrivée en Irak», a-t-elle souligné, rappelant les affirmations américaines sur les armes de destruction massive, avancées pour l’invasion de l’Irak en 2003.
«Je pense que les Etats-Unis n’ont aucun droit d’aller en Syrie.»
Le spectre de l'Irak, l'«erreur tragique»
Certains parlementaires, comme le républicain John McCain, très en pointe dans ce dossier depuis le début de la guerre civile en Syrie, poussent le président à bombarder le pays. Mais 116 élus de la Chambre (sur 435), dont 18 démocrates, ont réclamé la convocation du Congrès de façon à autoriser formellement des frappes.
La loi américaine requiert en théorie une autorisation votée par le Congrès pour tout déploiement durable de forces à l’étranger, mais les présidents américains ont toujours estimé qu’ils disposaient du pouvoir constitutionnel de déclencher des opérations militaires sans aval parlementaire.
Le président de la commission des forces armées du Sénat, Carl Levin, a souhaité des
«frappes limitées et ciblées» contre le pouvoir syrien, et qu’elles soient soutenues par d’autres pays, mais la téléconférence de jeudi s’est produite juste après le rejet par le Parlement britannique d’une participation à une action militaire contre Damas. La Maison Blanche a ensuite affirmé que Obama prendrait sa décision en fonction des intérêts des Etats-Unis.
Le déploiement en Méditerranée orientale de cinq destroyers américains équipés de missiles de croisière ne laisse que peu de doute sur la forme que prendrait une offensive.
Le théâtre du Moyen-Orient, des accusations portant sur des armes de destruction massive détenues par un régime autoritaire, une administration américaine affirmant détenir des preuves et disant être prête à se passer du soutien des Nations unies: les observateurs relèvent de nombreuses analogies entre la Syrie de 2013 et l’Irak de 2003, exemple invoqué jeudi soir à Londres par l’opposition travailliste.
Obama, qui avait jadis qualifié l’invasion et l’occupation de l’Irak d'
«erreur tragique», a tenté de calmer ces appréhensions mercredi en mentionnant
«une approche limitée, sur mesure» en Syrie pour
«ne pas nous retrouver entraînés dans un long conflit, pas une répétition de l’Irak.»