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Égypte : les méthodes musclées des Frères musulmans
Mis à jour le 08/08/2013 à 22:11 - Publié le 08/08/2013 à 17:59
Des membres de la confrérie des Frères musulmans et des supporteurs de l'ex-président Mohammed Morsi font la prière du soir, jeudi, jour de l'aïd-el-fitr, devant la mosquée de Rabaa, dans les faubourgs du Caire.
Des témoins font état de tabassages en règle en marge des sit-in organisés au Caire par la Confrérie islamiste.
Dans le parc Orman, Shaaban, militant salafiste, laisse échapper d'un coup: «Qu'est-ce qu'on est bien, ici! La vie est belle.» À côté, le sit-in pro-Morsi de Nahda somnole. C'est le creux de la journée. Les coupoles de l'université du Caire scintillent sous le soleil puissant. Les femmes préparent les gâteaux pour la fête de l'Aïd. Les enfants jouent avec les chats, qui jouent avec les mouches. Des hommes dorment à l'ombre d'une cafétéria, au centre du parc.
C'est là que Hassan Sabry a repris connaissance, il y a un mois, à côté de deux cadavres. Il n'est pas encore 9 heures du soir. Vers l'université, ça continue à tirer - beaucoup de chevrotine, quelques armes automatiques. Les manifestants pro-Morsi se battent contre les habitants du quartier de Bein al-Sarayat. Hassan se sent broyé. Il a été passé à tabac à coups de poings, de barre de fer, de matraque électrique. Il a été vaguement interrogé: «D'où viens-tu? Qui te paie?» Il n'était pas le seul à subir ce traitement. «Regardez, on a encore eu un de ces porcs de Bein el-Sarayat», a entendu le jeune homme en voyant arriver un prisonnier.
Hassan Sabry garde de cette journée du 2 juillet des cicatrices encore fraîches. Mais il est vivant. Dix-huit personnes sont mortes ce jour-là, dont Karam Hassan, 48 ans. Son corps portait des traces de torture. Il a été tué d'un coup de couteau dans le ventre. Ces violences ont été récemment dénoncées dans un rapport d'Amnesty International. Il y en aurait aussi au sit-in de Rabaa, dans les faubourgs du Caire, devenu au fil des semaines une vitrine pour les Frères musulmans.
Violence généraleLà-bas, on nie toute torture. Les cadres de la Confrérie des Frères musulmans répondent collectivement: «Nos rassemblements sont pacifiques. Nous n'avons jamais constaté de tortures. Ce sont des rumeurs propagées par l'armée et la police.» Fin de communiqué. Mais, sous couvert d'anonymat, l'un des organisateurs du sit-in confie: «Ce que j'ai vu de mes yeux, ce sont des gens se faire tabasser pendant des affrontements. Mais ils n'étaient emmenés nulle part. Il n'y a ni prison ni chambre de torture. Le pouvoir y verrait une excuse trop facile pour intervenir.»
Au sit-in de Nahda, si paisible en cet après-midi, difficile d'imaginer un tel déchaînement de violences. Dans le parc Orman, là où étaient retenus les prisonniers des pro-Morsi, pas de trace des combats. Shaaban, le militant salafiste, nous montre tout. En revanche, dans le quartier de Bein el-Sarayat, les éclats de balles sont aussi frais que les cicatrices de Hassan.
En Égypte, on ne sait pas très bien comment ça part. On sait simplement que ça part vite et fort. Bein el-Sarayat voyait ces manifestants d'un mauvais œil. Les marchands ambulants de ce quartier populaire, qui vit grâce aux étudiants de l'université voisine, étaient interdits de sit-in. Une ou deux provocations de part et d'autre ont suffi. Les affrontements commencent. C'est moins anti-Morsi contre pro-Morsi qu'un quartier contre des étrangers encombrants. Mais les militants islamistes, mieux armés, mieux organisés, pénètrent dans le quartier et raflent des dizaines de personnes - dont Hassan Sabry.
«Il faut remettre ces tortures dans le contexte de violence générale, explique Mohammed Lotfy d'Amnesty. Pendant la révolution de 2011, des gens accusés d'être pro-Moubarak étaient retenus dans des tentes ou sous les estrades. Depuis deux ans, en l'absence de la police, des gens appliquent leurs propres lois et pensent qu'ils peuvent eux-mêmes punir.» En général, ces éruptions de violence retombent vite. Le lendemain, l'armée se déploie, prouvant encore que les militaires restent les arbitres de la transition égyptienne.
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Le statu quo se poursuit au CaireDes milliers de partisans de Mohammed Morsi ont de nouveau manifesté jeudi au Caire pour exiger le retour dans ses fonctions du président islamiste renversé par l'armée. Bien qu'il ait proclamé mercredi l'échec de la médiation internationale tentée pour trouver une issue pacifique à la crise, le nouveau pouvoir mis en place par les militaires s'est abstenu jusqu'ici de mettre à exécution sa menace d'un démantèlement par la force des sit-in des Frères musulmans. Selon une source militaire, la crainte de perdre la caution de civils comme le vice-président Mohamed ElBaradeiretiendrait les autorités.