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Gérald Thomassin, scénario meurtrier pour le «Petit Criminel»
17 juillet 2013 à 21:46 (Mis à jour: 19 juillet 2013 à 15:12) L'acteur Gérald Thomassin reçoit le César du meilleur espoir masculin le 9 mars 1991.
L’ex-espoir du cinéma a été interpellé il y a quelques jours pour un crime survenu dans l’Ain en 2008.
Le sans-famille Gérald Thomassin, qui a incarné
le Petit Criminel de Jacques Doillon en 1991 avant de retourner à la rue, plonge pour le meurtre de la postière d’un village de l’Ain, la veille de Noël 2008. Arrêté vendredi dernier au centre d’hébergement d’urgence de Rochefort (Charente-Maritime), qui l’accueille depuis huit mois, l’acteur à la dérive a été mis en examen pour
«vol à main armée et homicide volontaire sur personne chargée du service public», puis emprisonné à Bourg-en-Bresse (Ain).
L’hiver 2008, Gérald Thomassin, ex-César du meilleur espoir masculin ayant sombré dans l’alcool et la drogue après son éphémère ascension au firmament du 7
e art, habite avec d’autres marginaux en face de la poste de Montréal-la-Cluse, une bourgade à côté de Nantua.
Le 19 décembre, le bureau de poste est attaqué et l’employée communale qui le tient est tuée de 28 coups de couteau. Le corps de Catherine Burgod, mère de famille de 41 ans qui attendait un troisième enfant, est découvert dans une pièce attenante au guichet. Le meurtrier a emporté un butin dérisoire : entre 2 000 et 3 000 euros. L’arme du crime perpétré avec un certain acharnement typique des psychotiques ne sera jamais retrouvée. Et la poste de Montréal-la-Cluse fermée à jamais.
«Toxicomanie». A l’époque, les gendarmes de la section de recherches de Lyon chargés de l’enquête s’intéressent, selon
le Progrès, à l’immeuble situé juste en face, occupé par
«une population précarisée, parfois des marginaux avec des problèmes de toxicomanie». Placé en garde à vue et interrogé sur ce meurtre, comme d’autres compagnons d’infortune, Thomassin est relâché faute de preuve, et continue à végéter dans le village avec ses très maigres revenus sociaux, et plus vraiment de cachets ciné.
Son dernier vrai rôle remonte à 2001 dans le film
Paria de Nicolas Klotz, où il joue Momo, un jeune sans-abri débrouillard, un peu comme dans sa propre vie. Dans
le Monde, en avril 2008, le réalisateur encensera Thomassin -
«c’est l’un des plus grands du cinéma français» -, sous-employé à ses yeux et en proie à des travers destructeurs :
«Il commence très fort, puis se dissout […] et retombe dans ses problèmes de drogue. C’est très douloureux, et c’est pourtant la vie de Gérald, qui est déjà tellement du cinéma.» Dans le même entretien, Jacques Doillon - qui avait déniché en 1990 cet adolescent de 16 ans lors d’un casting dans des foyers de la Direction des affaires sanitaires et sociales (Ddass) de la région parisienne, et révélé son talent dans
le Petit criminel - le cassera, soulignant que le comédien
«n’aime pas le travail» et
«mène sa carrière» avec
«une relative désinvolture».Né à Drancy (Seine-Saint-Denis), le garçon abandonné à la Ddass et sorti de sa condition sociale grâce à Doillon avait tourné dans quelques films après
le Petit Criminel :
la Vie à rebours (1994) de Gaël Morel,
Clubbed to Death (1997) de Yolande Zauberman ou encore
Jacquou le croquant (2005) de Laurent Boutonnat, avant de retomber dans ses tourments.
En 2009, Thomassin a quitté l’Ain pour échouer en Charente-Maritime où il a vécu sans domicile fixe,
«sous une tente» à Rochefort d’après le Centre communal d’action sociale (CCAS). Mais les gendarmes n’ont pas perdu sa trace, continuant à le surveiller de loin en loin. Et plusieurs indices se sont accumulés. Un jour, l’acteur déchu a été surpris par le père de la postière, Raymond Burgod, en train de se prosterner en pleurs sur la tombe de la victime, sans pouvoir expliquer ce qu’il faisait ici. Placé sur écoute téléphonique, le suspect numéro 1 aurait même avoué le meurtre au cours d’une conversation et confessé le vol de la somme de 3 000 euros ce jour-là, si l’on en croit
le Progrès.Faisceaux graves. Fin juin, Gérald Thomassin a été rattrapé par les gendarmes à Rochefort où, suivi de près par un travailleur social depuis le mois de décembre, ce paumé
«vraiment très gentil», selon Claudine Le Gendre, la responsable du CCAS interviewée par l’AFP, essayait de s’en sortir malgré ses
«addictions et ses soucis judiciaires». Placé de nouveau en garde à vue pour le braquage et le meurtre de Montréal-la-Cluse, Thomassin aurait, d’après M
e Jacques Frémion, l’avocat de la famille de la victime,
«reconnu l’avoir tuée pour l’argent» avant de revenir chez le juge sur ces déclarations, faites parce qu’il
«en avait marre de sa garde à vue».
Mis en examen le 29 juin, le tueur présumé n’est pas écroué parce que le juge des libertés et de la détention en décide autrement, le plaçant juste sous contrôle judiciaire. Furieux, le parquet de Bourg-en-Bresse a fait appel, et l’a emporté vendredi. Munis d’un mandat d’arrêt, les gendarmes sont donc retournés chercher Gérald Thomassin à Rochefort. Celui-ci n’a pas pris la poudre d’escampette, se disant accusé à tort. Mais M
e Frémion ne l’entend pas ainsi :
«Il va falloir qu’il s’explique, le dossier dégouline de faisceaux graves et concordants, et son comportement suscite de multiples questions.» Persuadé que
le Petit Criminel est devenu grand.