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Internet : les Français inquiets du pillage de leurs données personnelles
Publié le 02/07/2013 à 19:49
Pour 77 % des sondés, il est nécessaire que l'Union européenne réglemente les pratiques de Google.
Selon un sondage exclusif, ils sont conscients du phénomène mais ne prennent pas les précautions nécessaires.
Vos photos, vos courriers électroniques, vos conversations audio ou encore vos transferts de fichiers, tous consultables directement par… le FBI! Les révélations explosives de l'ex-consultant des renseignements américains Edward Snowden sur l'espionnage à grande échelle orchestré par les États-Unis avec la coopération de plusieurs géants du Web tels Google, Facebook ou encore Yahoo! viennent nous rappeler de manière brutale à quel point nos vies numériques sont aujourd'hui exposées. Et nos données personnelles convoitées.
Trop? C'est ce qui ressort en tout cas de notre sondage exclusif OpinionWay. «Ce qui est frappant, c'est la réelle inquiétude dont témoigne la quasi-totalité des sondés, commente Bruno Jeanbart, le directeur général adjoint d'OpinionWay. Quelles que soient les générations, ils sont convaincus que la protection des données est de moins en moins garantie.»
La bonne nouvelle, toutefois, que laissent transparaître les résultats de l'enquête, c'est une réelle prise de conscience des Français: 98 % des personnes interrogées estiment ainsi que la protection des données et le respect de la vie privée sont deux enjeux importants, de même que le droit à l'image (89 %). «Les gens ont compris qu'ils ne sont plus de grands anonymes, décrypte un directeur de Cloudwatt, société de cloud computing. Ils savent que tout est stocké et disponible, qu'Internet est devenu une mémoire illimitée dans le temps et dans l'espace.» Même analyse d'Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil): «Le citoyen numérique est plus mature aujourd'hui. On le voit bien avec l'augmentation du nombre de plaintes que nous recevons. Il a observé l'univers virtuel, il a consommé sur Internet, il possède une identité numérique, un profil d'utilisateur et maintenant qu'il a conscience d'être identifié, sa perception du risque croît.»
Un manque évident de connaissanceProblème: si 82 % des Français ont maintenant intégré l'existence d'une contrepartie à la gratuité des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, reste que les rouages de ce système demeurent encore très flous pour eux. La preuve? Ils identifient à 87 % la présence de publicité comme contrepartie, mais seulement à 58 % l'utilisation des données personnelles. «Or, les deux vont de pair, insiste Isabelle Falque-Pierrotin. En clair, les Français ne maîtrisent pas la manière dont les données sont exploitées.»
Autre exemple du manque évident de connaissance des utilisateurs: si les sondés perçoivent bien (66 %) le caractère public des réseaux sociaux, «ils n'ont pas conscience que la multiplicité des messages déposés permet aux opérateurs de dégager des profils extrêmement précis», fait remarquer Bruno Jeanbart. Pour ne rien arranger, «le ciblage publicitaire sur Internet est devenu tellement courant, il semble aujourd'hui tellement naturel, que personne ne fait finalement le lien avec les données personnelles. Et moins on fait le lien, moins on s'inquiète. Les opérateurs le savent et en jouent beaucoup», pointe Bruno Jeanbart.
Une réglementation plus strictePas évident, en même temps, de comprendre ce qui s'apparente à une véritable nébuleuse au regard de l'internaute lambda. «Développer une culture sur le sujet est indispensable», martèle Isabelle Falque-Pierrotin. Aux côtés d'un collectif de vingt-huit acteurs issus du monde industriel et de la société civile, la présidente de la Cnil a d'ailleurs prévu de lancer, le 10 juillet prochain, une grande campagne afin que l'éducation numérique soit décrétée «grande cause nationale», comme a pu l'être l'illettrisme. «Les gens ont besoin de comprendre, d'être informés et d'avoir des outils de maîtrise», déclare-t-elle.
En attendant, les Français réclament une règle du jeu plus claire. À titre d'exemple, 92 % souhaiteraient que Google demande au préalable à utiliser leurs données personnelles. «Les gens ne sont pas forcément contre une relation consumériste, à condition seulement que les choses soient dites clairement dès le départ», ajoute Bruno Jeanbart.
Davantage de transparence, donc, mais aussi une réglementation plus stricte. Pour 77 % des sondés, il est nécessaire que l'Union européenne réglemente les pratiques de Google. «Une demande, et c'est frappant, qui émane y compris des jeunes», relève encore Bruno Jeanbart.
Si les opérateurs décidaient malgré tout de s'entêter en refusant la transparence, il y a fort à parier qu'ils finiraient par être pénalisés. «Même s'il est difficile d'imaginer aujourd'hui un mouvement anti-Google, le risque, c'est que la montée de l'inquiétude et la multiplication des scandales aboutissent à une rupture de confiance», estiment Bruno Jeanbart. Isabelle Falque-Pierrotin confirme: «Il existe une peur latente qui ne demande qu'à se cristalliser.» Les internautes vont-ils enfin reprendre le contrôle? Sans doute pas avant quelques années. Dans le meilleur des cas…