WEB - GOOGLE - ACTUALITE > Politique Austérité : Hollande recadre ses ministresMis à jour le 10/04/2013 à 20:42 - Publié le 10/04/2013 à 20:37 Cécile Duflot: «La solution à la crise ne se trouve pas dans cette trajectoire. Le risque, c'est la spirale de la récession.»
Le président refuse de changer de cap, alors que les critiques contre la rigueur se multiplient à gauche.Un acte d'autorité qui tourne à l'aveu d'impuissance. En recadrant sévèrement les ministres qui lui demandent d'infléchir sa politique, François Hollande a surtout montré… qu'il n'avait aucune prise sur eux. «Aucun ministre ne peut remettre en cause la politique qui est conduite, qui n'est pas l'austérité», a asséné le chef de l'État, mercredi, lors d'une allocution à l'Élysée.
Pourtant, c'est bien ce qu'ont fait conjointement mardi et mercredi Arnaud Montebourg (Redressement productif), Benoît Hamon (Consommation) et Cécile Duflot (Logement). Le premier en assurant dans
Le Monde que «le sérieux budgétaire, s'il tue la croissance, n'est plus sérieux. Il est absurde et dangereux». Le deuxième en reconnaissant sur BFM: «Nous conduisons une politique éprouvante aujourd'hui, au sens où la politique a forcément un effet récessif.» La troisième en jugeant dans Mediapart qu'après l'affaire Cahuzac «on ne peut plus demander aux gens de se serrer la ceinture et appliquer cette politique d'austérité».
Benoît Hamon: «L'austérité en Europe n'est plus soutenable (…). Il faudrait en tirer les conséquences politiques.»
Ce tir groupé de trois ministres (2 PS et 1 Vert), positionnés à l'aile gauche du gouvernement, a tout d'une offensive concertée. Dimanche soir, Benoît Hamon avait invité à dîner sa collègue de la Justice, Christiane Taubira. Avant de proposer à Montebourg et Duflot de se joindre à eux. Au menu: daube de bœuf et politique, jusque tard dans la nuit. «On a aussi beaucoup ri», raconte l'un des invités. Les ministres s'accordent sur le fait qu'il est urgent de «mettre du contenu» à la «tension amicale» avec la chancelière allemande, évoquée par François Hollande le 28 mars sur France 2. «Une réponse morale à la crise Cahuzac ne suffit pas, le gouvernement doit s'intéresser aux conséquences de notre politique économique et sociale, menée sous la pression de l'Allemagne», note l'un d'eux, qui insiste sur la nécessité d'apporter des réponses au «trouble» des électeurs de gauche.
Arnaud Montebourg: «Le sérieux budgétaire, s'il tue la croissance n'est plus sérieux. Il est absurde et dangereux.»
Les convives jugent en outre que le PS ne joue pas suffisamment son rôle d'aiguillon. «Il faut organiser le débat à gauche! Mitterrand et Jospin savaient le faire», argue l'un d'eux. Ce soir-là, Hamon, Duflot et Montebourg évoquent ensemble leurs prochains rendez-vous médiatiques. L'offensive est lancée. «Ce ne sont pas des ministres qui ont des états d'âme, mais un avertissement venant de trois composantes de la majorité, c'est encore plus fort», décrypte un socialiste. À Matignon, on fait le dos rond: «Le débat au sein du gouvernement est permanent», éludait-on après les propos de Montebourg. Ce qui n'a pas empêché le premier ministre de piquer une colère à la lecture de l'interview de son ministre, avec qui les relations sont orageuses depuis l'affaire Florange. Le même Montebourg s'est également fait sévèrement recadrer par le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve. Au sommet de l'État, la ligne est claire: «Hollande ne l'avouera jamais mais ce qu'il est en train de faire, c'est une cure de social-démocratie à la suédoise ou à l'allemande. Sa vraie ligne, c'est celle-là», assure un député PS.
Désenchantement à gaucheLa sortie conjointe des trois ministres en dit long sur le malaise qui traverse la majorité. Car au-delà de leurs cas personnels, c'est une grande partie des socialistes, inquiets du désenchantement des électeurs de gauche, qui se retrouvent dans ces propos anti-austérité. Mardi soir, au bureau national du PS, les tenants de l'aile gauche du PS ont eu la satisfaction de voir souffler un «air du Bourget», les dirigeants socialistes rivalisant de propositions pour lutter contre la finance folle, les paradis fiscaux ou la fraude fiscale. «C'était à gauche toute!» s'amuse Emmanuel Maurel, chef de file de «Maintenant la gauche». Le député Malek Boutih a invité le PS à aider le gouvernement à trouver des alternatives à l'austérité: «Le président a ouvert une brèche en évoquant une tension amicale avec Merkel, il faut que le PS saisisse la balle au bond et que cela se traduise politiquement (..) Profitons de l'affaire Cahuzac pour trouver des réponses structurelles, pas seulement circonstanciées», a-t-il lancé au BN. «Nous sommes nombreux à constater l'impasse politique et économique dans laquelle on s'enfonce, argue de son côté la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann (aile gauche). Sur le terrain, les gens sont catastrophés. Ceux qui sont au chômage, ils ne font pas la différence entre rigueur et austérité! Nous devons réfléchir à quelle autre politique crédible peut proposer la gauche.»
Ce débat sera notamment sur la table samedi pour le conseil national du PS. Lequel a été allongé, à la demande de l'aile gauche du PS qui souhaite que la «rapide dégradation de la situation politique liée à l'affaire Cahuzac» soit l'occasion d'un «examen sérieux des choix et des changements à opérer». «Ça va être chaud!» prévient un socialiste.