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Compte en Suisse : Cahuzac contraint à la démission
Publié le 19/03/2013 à 20:30
Cette démission «ne change rien ni à mon innocence ni au caractère calomniateur des accusations lancées contre moi» a affirmé Jérôme Cahuzac.
Le président de la République a mis fin aux fonctions du ministre du Budget, qui continue d'affirmer son «innocence».La pression s'est brutalement accentuée mardi sur Jérôme Cahuzac et sur le gouvernement. L'hypothèse d'un compte en Suisse étant revenue en force sur le terrain judiciaire, la sanction est tombée en fin de journée: la démission du ministre du Budget. François Hollande a décidé de mettre «fin aux fonctions de Jérôme Cahuzac, à sa demande», a annoncé l'Élysée en début de soirée. Mettant ainsi un terme à un suspense sur ce départ d'un poids lourd du gouvernement, murmuré à plusieurs reprises ces derniers mois, mais qui n'avait pas semblé s'imposer jusqu'à présent.
Cette démission «ne change rien ni à mon innocence ni au caractère calomniateur des accusations lancées contre moi et c'est à le démontrer que je vais désormais consacrer toute mon énergie», a assuré mardi soir Jérôme Cahuzac, par le biais du communiqué «n°485» de son ex-ministère. C'est l'actuel ministre délégué aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, qui prend le portefeuille du Budget. Lui-même étant remplacé par Thierry Repentin.
La procédure judiciaire entre dans une phase active. Après deux mois d'enquête préliminaire, le parquet de Paris a ouvert mardi une information judiciaire contre X qui va donc être confiée à un ou plusieurs juges. De plus, selon des expertises officielles, Jérôme Cahuzac serait bien l'homme qui, en 2000, évoquait la possession d'un compte suisse à l'UBS, sur un enregistrement révélé en décembre par le site Mediapart.
Les mots prononcés sur la bande sonore sont assez explicites: «Ça me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS c'est quand même pas forcément la plus planquée des banques.» La police technique chargée d'analyser l'enregistrement, qui n'a subi «aucune altération ou modification», est parvenue à cette conclusion: «Le résultat de notre analyse renforce l'hypothèse que Jérôme Cahuzac est le locuteur inconnu.» Trois témoins ont reconnu sa voix, un quatrième «des intonations de la voix». En janvier, le ministre avait ainsi réfuté cet indice sonore: «Ça ne peut pas être moi, puisque je n'ai jamais eu de compte à l'étranger.» Il avait été encore plus catégorique le 5 décembre, au tout début de l'affaire, lorsqu'il avait affirmé devant les députés: «Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte à l'étranger. Ni maintenant ni avant.» L'enregistrement était, depuis douze ans, aux mains de Michel Gonelle, ex-adversaire RPR de l'élu socialiste à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne).
Soupçons de «blanchiment de fraude fiscale»La justice va désormais enquêter dans un cadre large. L'information judiciaire est ouverte sur deux axes principaux. D'une part, des soupçons de «blanchiment de fraude fiscale» qui devraient conduire les enquêteurs non seulement en Suisse mais aussi à Singapour. Selon Mediapart, le compte helvétique aurait été clôturé en 2010 et les fonds transférés à Singapour. D'autre part, l'origine des fonds va également faire l'objet d'investigations approfondies. L'autre volet de l'enquête concerne en effet «la perception par un membre d'une profession médicale d'avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la Sécurité sociale».
Chirurgien, Jérôme Cahuzac a en effet fondé avec son épouse, dermatologue, une clinique spécialisée dans les implants capillaires, activité très lucrative. Après avoir été membre du cabinet de Claude Évin, ministre de la Santé, il a également créé, en 1993, une société de conseil destinée à travailler avec les laboratoires pharmaceutiques. Selon le communiqué du parquet, un témoin, déjà entendu par les enquêteurs, a indiqué qu'«il lui avait été rapporté que les sommes versées sur ce supposé compte proviendraient de laboratoires pharmaceutiques».
Depuis trois mois, au fil des premiers rebondissements judiciaires, la question du maintien à son poste de Cahuzac était posée. À chaque épisode, il avait fait face, réfutant les accusations «en bloc et en détail», tandis que le pouvoir et ses collègues semblaient adopter une réserve prudemment attentiste. L'opposition n'avait, elle, pas versé d'huile sur le feu. La justice va désormais décortiquer un dossier dont la toile de fond est complexe. Il met en scène un ex-agent du fisc accusateur pour le ministre, de vieilles rivalités politiques en Lot-et-Garonne et un divorce en cours entre l'ancien chirurgien et sa femme.