WEB - GOOGLE - ACTUALITE > International
Le pape François, un jésuite proche des pauvres
Mis à jour le 14/03/2013 à 08:53 | publié le 13/03/2013 à 20:38
Dans une curie touchée par le scandale, l'austérité et la simplicité du cardinal argentin séduisent.
PORTRAIT - À la tête de l'archevêché de Buenos Aires, le prélat de 76 ans, menant une vie simple, savait être à l'écoute des plus démunis.Habemus papam, ou plutôt
tenemos papa. L'Amérique latine en rêvait, le conclave a exaucé ses prières en sacrant Jorge Mario Bergoglio, un prélat non pas latin mais latino, qui plus est jésuite, marquant un tournant dans l'histoire de l'Église catholique.
En 2005, déjà, selon des rumeurs, l'archevêque de Buenos Aires était arrivé juste derrière Joseph Ratzinger en nombre de votes. Cette fois, pourtant, le cardinal n'était pas favori. Après le renoncement de Benoît XVI, les paris se tournaient vers un pape plus jeune que le primat d'Argentine, qui a 76 ans et un poumon en moins. S'il a conquis le conclave, c'est sûrement pour son aura, sûrement aussi pour son profil d'homme de consensus entre un parti romain conservateur et un parti des étrangers plus réformiste.
Ambiguïté sous la dictatureDans une curie touchée par le scandale, l'austérité de Jorge Bergoglio, d'abord, séduit. Né le 17 décembre 1936 d'un père employé ferroviaire et d'une mère au foyer, ce descendant d'immigrés piémontais cultive un style très éloigné de la splendeur du Saint-Siège. À Buenos Aires, il a renoncé à la luxueuse demeure de l'archevêché et se contente d'un appartement à côté de la cathédrale. «Il se lève à 4 h 30 du matin et lit beaucoup», témoigne son ancien porte-parole. On ne lui connaît ni domestique ni voiture, et il n'est pas rare de le voir dans le métro ou s'asseoir au dernier rang dans les réunions. Lors de sa dernière intervention devant l'assemblée plénière, ses mots simples ont une nouvelle fois recueilli les applaudissements. Un homme qui sait parler et se taire quand il le faut, un homme habile et d'une grande profondeur spirituelle, c'est ainsi qu'on le décrit.
Le cardinal Bergoglio en 2009, après avoir célébré une messe à Buenos Aires.
Ce caractère a été forgé par une solide formation intellectuelle. Après un diplôme de technicien chimiste, Jorge Bergoglio intègre à 21 ans la Compagnie de Jésus et étudie la philosophie. Il terminera sa thèse en Allemagne, dont il parle la langue, revient pour enseigner et diriger l'université de San Salvador de Buenos Aires. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages théologiques. Peu à peu, il gravit les échelons de l'Église: Jean-Paul II le nomme évêque auxiliaire en 1992, puis archevêque de Buenos Aires en 1998, cardinal et primat d'Argentine en 2001. Il a également présidé la Conférence des évêques du pays et participe au Conseil épiscopal latino-américain. Une expérience de terrain dans laquelle «il a témoigné d'un fort tempérament et d'un sens politique aigu», note son biographe officiel argentin, Sergio Rubin.
Ces qualités lui seront sûrement utiles pour gérer la curie, dont le cardinal n'est pas issu. Il y a des ennemis. «Mais il n'ira pas non plus contre elle, et la curie le sait», note un observateur argentin. On n'a jamais vu le cardinal se démarquer des propos de Benoît XVI, dont il partage la rigueur doctrinale. En Argentine, il a affiché les positions traditionnelles de l'Église sur le mariage des prêtres, l'avortement, et a mené, en vain, la guerre contre le mariage homosexuel. Depuis, il est en conflit ouvert avec la présidente Cristina Kirchner.
Ses adversaires argentins ne manquent pas d'évoquer son rôle trouble durant la dernière dictature militaire (1976-1983). À l'époque, Jorge Bergoglio est supérieur provincial des jésuites de Buenos Aires. On l'accuse de ne pas s'être assez opposé à la répression et même d'avoir livré à la junte deux curés qui ont survécu et témoigné. Le cardinal a toujours réfuté ces accusations.
Un homme de transitionUne chose est sûre, Jorge Bergoglio n'est pas homme de révolution, mais semble plutôt un homme de transition «disposé à certains changements», selon Sergio Rubin. Il affiche notamment une ouverture sur les questions sociales. Régulièrement, il pourfend l'exclusion, les trafics d'êtres humains, la corruption. «Dans les bidonvilles de Buenos Aires, il a multiplié par deux le nombre de prêtres», souligne le père Gustavo Carrara, qui officie dans le quartier du Bajo Flores et se souvient l'avoir vu laver les pieds de toxicomanes. Il s'est aussi élevé contre les prêtres qui refusent de donner la communion aux mères célibataires.
Parler sur la place publique, en tous lieux et sans exclure personne, c'est la dynamique pastorale qu'a impulsée l'archevêque dans son diocèse. «Il appellera sûrement tous les prêtres du monde à descendre dans la rue pour conquérir plus d'âmes», estimait récemment Sergio Rubin. Une énergie qui a porté ses fruits en Amérique latine, continent qui compte le plus grand nombre de baptisés et dont la curie espère profiter pour faire entrer un vent nouveau dans l'Église.